Tout d'un coup, sans crier gare, une contradiction me revient à l'esprit, puis une autre et encore une. Une dizaine au final. J'arrête ma pensée, qu'elle ne me déborde pas, je l'arrête avant qu'elle ne me vole à moi-même. Ce jour-là, j'ai dit non de toute ma voix, j'ai refusé sans appel possible ce que mon esprit acceptait émerveillé. Mais voilà, il était émerveillé et je ne pouvais pas le laisser faire, je ne pouvais pas m'émerveiller. Je ne tenais pas face à cette force-là. Je pouvais assister aux pires rages, admettre en moi la plus injuste des colères, en toute conscience, cette volupté-là m'était insupportable, cette voluptué-là, comme mon esprit me le dicte aujourd'hui encore. Ce n'était rien, qu'un petit plaisir, une petite satisfaction. Je ne pouvais la diriger, j'aurais étouffé, remplie d'un bien-être mortifère. Je la regarde en face de moi me proposer un bout de douceur et se le voir refuser par mon non implacable. Convaincue, déçue mais convaincue, elle ne tente pas de me convaincre, elle n'essaye rien. Elle sent qu'il n'y aura pas d'autre réponse. Un mur se dresse devant elle, je dresse ce mur d'un claquement de doigt, d'une impulsion des profondeurs, d'un réflexe de survie. Elle croit sans doute que c'est devant elle que j'invoque cette dure et froide protection. Malgré mon sourire qui s'efforce de la détromper, elle entend la puissance animale de mon non. Elle s'y résigne. Combien j'aimerais qu'elle m'interroge ! qu'elle me regarde en plissant les yeux, contrariée et déterminée à comprendre ! non pas qu'elle se mette en colère mais qu'elle sente même de très loin cette monstrueuse contradiction que je camoufle et exhibe à la fois. Mais elle s'éloigne en restant sur sa déception ; je la sens repartir dans le monde de ceux qui savent embrasser et pleurer. Je demeure cloîtrée dans l'univers du Non, gris mais absolument propre, impeccablement organisé.
Et puis je pense à toutes ces fois où j'ai accepté d'un léger signe de tête et d'un sourire crispé ou d'un grand sourire forcé, et où cela a suffi. "Comme je suis heureux ! J'étais sûr que tu dirais non ! J'ai hâte !" Pas moi, et je le sais déjà, mon corps le vocifère, mon froncement de sourcils immaîtrisable et les tremblements compulsifs qu'il m'impose et que je fais passer pour de l'agitation. "Oui, je suis nerveuse, c'est mon tempérament." Pourquoi ai-je dit oui ? Je ne peux même pas chercher tant Non s'agite. C'est la guerre, gérer l'ici et maintenant. Je sais que Non va me le faire payer, cher, très cher. J'avais peur de hurler, de frapper. J'avais peur, maintenant je ne rêve que de ça, de frapper, de déchirer et blesser pour ce oui répugnant. Mais c'était un oui qu'on attendait de moi. Et qui me cachait si bien. Et qui était si facile. Je le donnais, par habitude surtout, par précaution peut-être. Par un phénomène que je ne m'explique pas davantage aujourd'hui qu'alors, ce non bloqué en moi, au creux de mon ventre, hurlant et refusant de sortir. Et jusqu'à ce que mon engagement ait été mené à son terme, je regrettais ce oui de toutes mes forces, je le haïssais. Et souvent, en y repensant, je continue de les haïr tous ces faux oui qui m'ont arraché un morceau de moi-même et m'ont forcée à me réparer cahin caha, laidement mais à peu près solidement. C'est peut-être ça qui me sauve de tous ces coups que je me suis infligée, consentante.
On ne peut pas porter plainte contre soi-même, sinon à l'intérieur. Oui et Non continuent de se battre et de se mépriser, avec toute la puissance qui leur appartient à chacun. Ils sont si forts. Je ne savais pas et ne sais toujours pas les amadouer. J'aime leur absolu mais je n'aime pas ce qu'ils m'engagent à faire. ON prend au piège, ils m'enferment, je suis pétrifiée par leur pouvoir, leur magie. Un temps, j'ai cru me protéger avec Non, j'aime aussi à le croire. Mais, pour être vraiment honnête, je me suis prostituée à Oui plus d'une fois, pour ne pas avoir à relever la tête et à oser mon non.
Hello, je ne comprends pas tout, tu te prostitue en disant oui, on peut aussi se prostituer en disant non... Il faut définir plus précisément... Dis-moi tout çà... Bisous
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