jeudi 19 septembre 2019

Andrew Ridker, Les Altruistes – Editons Rivages


Altruistes sauf en famille



Arthur, Maggie, Francine, Ethan et tous les autres. Une famille sans grand mystère mais bel et bien comme les autres, comme la vôtre. Paradoxale et un peu folle.



C'est la famille dans son intimité souvent cachée, souvent indécelable de l'extérieur, qui prend dans Les Altruistes le devant de la scène. La famille sans ses couverts sociaux et bienséants. C'est bien cela oui, sans plus aucune bienséance, là où le quotidien et les relations se dédouanent des contraintes. Et aussi parfois de dignité ou de volonté de bien-faire. La famille où chacun œuvre à sa survie. Non pas que cet environnement soit si nocif. Non, cette famille est comme les autres. Mais c'est là que les caractères profonds se révèlent.

On y retrouve sa propre famille, nécessairement Pas partout bien évidemment mais par touches. Certains détails subtils où celui-ci lutte contre la solitude, celle-là contre l'ennui, les autres pour la reconnaissance etc. Alors, vous vous en doutez, ce n'est pas toujours beau à voir. Heurtant. Mais réaliste. La solitude, l'ennui, la reconnaissance comme je l'écrivais plus haut, la colère, la trahison, la douleur, l'argent, toutes ces choses qui habitent toute famille.



Réaliste, impitoyable, ironique sous des airs de littérature sans prétention. En effet, ce roman ne fait preuve d'aucune grandiloquence et ce n'est pas l'héroïsme flambant qui y est conté. Le petit quotidien des uns et des autres tenus par les liens du sang. Et il est vrai, ces liens ne tiennent parfois apparemment qu'à un fil. Apparemment parce qu'au final ne cèdent pas. Contre toute attente. Mais ne sont-ce pas les attentes que l'on a d'une histoire. Car la vraie vie se passe souvent bien plus de cette manière consensuelle étrange et incompréhensible.

La lecture des Altruistes est fluide, aisée, apaisée. Comme un livre feel good. Paradoxe d'un fond ironique qui prend forme dans une écriture sans embûches. Sans doute l'ironie n'en est-elle que plus intense. Les personnages, en ce sens, e sont pas réellement attachants ni d'ailleurs répulsifs. Peut-être des anti-héros. L'on cherche un personnage qui vraiment sorte du lot, qui émotionne intensément. En vain. Car est-on dans un roman tel qu'on a l'habitude ? Rien n'est moins sûr.



Andrew Ridker prend le parti de jouer avec les repères temporels. Une famille est un nid d'époques qui s'entrelacent. Il en fait son miel en narrant la vie d'une génération puis de l'autre. Il saute de l'une à l'autre, en saute parfois même. Il ne prend pas de gants. Il confronte les temps. Et l'on en conclut inévitablement que ressemblants ou dissemblants, les membres d'une famille sont bien les membres d'un même organisme, qu'il sont interdépendants. Que chacun est façonné par l'autre. La notion de génération au sens propre rend tout son sens. Les individus se succèdent, se génèrent physiquement. Ils se créent aussi de parents en enfants et le sens de ce qu'est l'un s'éclaire à la lumière de l'autre. La famille est une machine de générations.



Voici une lecture agréable aux apparences simples qui ne laisse pas indifférent. La famille, ses brèches, ses pics et ses chemins tortueux.





Andrew Ridker, Les Altruistes – Editons Rivages – 9782743648282 - 23

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire