Altruistes
sauf en famille
Arthur,
Maggie, Francine, Ethan et tous les autres. Une famille sans grand
mystère mais bel et bien comme les autres, comme la vôtre.
Paradoxale et un peu folle.
C'est
la famille dans son intimité souvent cachée, souvent indécelable
de l'extérieur, qui prend dans Les Altruistes le devant de la
scène. La famille sans ses couverts sociaux et bienséants. C'est
bien cela oui, sans plus aucune bienséance, là où le quotidien et
les relations se dédouanent des contraintes. Et aussi parfois de
dignité ou de volonté de bien-faire. La famille où chacun œuvre à
sa survie. Non pas que cet environnement soit si nocif. Non, cette
famille est comme les autres. Mais c'est là que les caractères
profonds se révèlent.
On
y retrouve sa propre famille, nécessairement Pas partout bien
évidemment mais par touches. Certains détails subtils où celui-ci
lutte contre la solitude, celle-là contre l'ennui, les autres pour
la reconnaissance etc. Alors, vous vous en doutez, ce n'est pas
toujours beau à voir. Heurtant. Mais réaliste. La solitude,
l'ennui, la reconnaissance comme je l'écrivais plus haut, la colère,
la trahison, la douleur, l'argent, toutes ces choses qui habitent
toute famille.
Réaliste,
impitoyable, ironique sous des airs de littérature sans prétention.
En effet, ce roman ne fait preuve d'aucune grandiloquence et ce n'est
pas l'héroïsme flambant qui y est conté. Le petit quotidien des
uns et des autres tenus par les liens du sang. Et il est vrai, ces
liens ne tiennent parfois apparemment qu'à un fil. Apparemment parce
qu'au final ne cèdent pas. Contre toute attente. Mais ne sont-ce pas
les attentes que l'on a d'une histoire. Car la vraie vie se passe
souvent bien plus de cette manière consensuelle étrange et
incompréhensible.
La
lecture des Altruistes est fluide, aisée, apaisée. Comme un
livre feel good. Paradoxe d'un fond ironique qui prend forme dans une
écriture sans embûches. Sans doute l'ironie n'en est-elle que plus
intense. Les personnages, en ce sens, e sont pas réellement
attachants ni d'ailleurs répulsifs. Peut-être des anti-héros. L'on
cherche un personnage qui vraiment sorte du lot, qui émotionne
intensément. En vain. Car est-on dans un roman tel qu'on a
l'habitude ? Rien n'est moins sûr.
Andrew
Ridker prend le parti de jouer avec les repères temporels. Une
famille est un nid d'époques qui s'entrelacent. Il en fait son miel
en narrant la vie d'une génération puis de l'autre. Il saute de
l'une à l'autre, en saute parfois même. Il ne prend pas de gants.
Il confronte les temps. Et l'on en conclut inévitablement que
ressemblants ou dissemblants, les membres d'une famille sont bien les
membres d'un même organisme, qu'il sont interdépendants. Que
chacun est façonné par l'autre. La notion de génération au sens
propre rend tout son sens. Les individus se succèdent, se génèrent
physiquement. Ils se créent aussi de parents en enfants et le sens
de ce qu'est l'un s'éclaire à la lumière de l'autre. La famille
est une machine de générations.
Voici
une lecture agréable aux apparences simples qui ne laisse pas
indifférent. La famille, ses brèches, ses pics et ses chemins
tortueux.
Andrew
Ridker, Les Altruistes –
Editons Rivages – 9782743648282 - 23€
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