vendredi 5 décembre 2014

Inconnu

« Lâche-lui la main
et
avance
au présent.
Laisse-le sur le
bord.
Il s’effacera tout
seul.
Vois devant toi.
En courageuse. »

J’ai les yeux ronds
Des billes idiotes.
Cerveau figé.
Comme toujours,
je ne comprends rien
aux mots.
La moutarde,
en revanche,
me monte au
nez.
Sans pour autant
redémarrer les
neurones,
hébétés.
Ce sont le nez
et son piquant
qui me conduisent
à partir de maintenant
et pour les prochaines
phrases.
Lâcher mon passé
en robe à smoques
et dents de marmotte.
Sur la route.
Et croire comme une naïve
poltronne
qu’on va en rester là ?
Que me racontes-tu ?
Tu donnes un bon conseil ?
Un bon conseil d’ami ?
La bêtise que tu offres
est une immense
baleine.
Tu crois avoir compris ?
Tu crois être tranquille ?
Tu crois sûrement t’avancer ?
Tu n’es qu’un piétineur
toupie en rond
encore et encore
si toi-même, tu
as laissé tomber
dans le bas-côté
toutes les années passées.
Et tu perds tout ton
sens,
persuadé de ton courage.
On n’abandonne pas
un enfant.
Il reviendra te hanter.
Le Petit Poucet ne se
laisse pas semer.
Tu seras rattrapé.
Et c’est tant mieux.
Sinon tu ne veux rien dire.
Tu n’es qu’une coquille vide.
Moi je n’en suis pas
davantage
si
j’agis comme toi.
Et je veux être entière.
Je refuse ton présent
lévitant sur du vide
sidéral.
Je suis ce que
je suis
devenue.
Je suis devenue
pur être celle
que tu
connais.
Tu ne me connais pas
si tu ignores celle que
je tiens fort
par
la main.
Si fort qu’il n’en reste qu’une.
Une menotte
pour deux.
Parce que je n’existerais pas
si elle n’était pas là.
Et tu ignores
absolument qui
je suis
si
tu ne la
regardes
pas.
Ma vie a commencé
bien avant, bien avant
toi.
J’ai été quelqu’un
que tu ne rencontreras
jamais.
Tu ignores le fossé
qui
nous
sépare
elle
et
moi.
Tu ignores qu’elle,
aussi blonde
que je suis brune ;
aussi taiseuse
que je bavarde ;
aussi invisible
que je détonne ;
aussi fausse
que je suis vraie.
Tu ignores cette petite
et jeune
fille.
N’oublie pas seulement
de savoir
qu’elle est là.
Qu’elle ne me quittera pas,
qu’elle est mon point de
départ.
N’oublie pas que tu
connais
un millième de moi
et encore beaucoup moins
si tu ne l’embrasse pas
aussi elle
quand c’est moi
que tu vois.
Ne dis pas
« superflu »,
alors qu’elle m’a fait naître.
Ne dis pas d’aventurer
sans admettre
son poids.
Tu ne me prendras pas
sans elle.
Tu ne verras jamais
qui je suis
sans l’inspecter.
C’est bien à
toi
qu’il faudra du
courage.
Elle est l’inverse
de celle que tu côtoies.
Elle te dit blanc
quand tu crois noir,
sans aucun doute.
Et elle n’a jamais
tort.
Elle est peut-être comme celles
que tu détestes
qui te répugnent,
que tu mérpises.
Et tu dois me
laisser avancer
avec elle ;
avec toi
avec elle.
Reste humble
face à l’étrangère
que tu tiens contre toi.
Reste prudent ;
reste curieux ;
les yeux ouverts.
Et cultive le qui-vive.
Dis « ignorant »
car jamais tu
ne pourras voir
en chair
la petite et la jeune ;
car jamais
tu n’auras saisi
la volatile enfant
passée ;
car jamais
plus
tu ne pourras
entendre et voir
l’intolérable douleur
de jeunesse ;
car jamais
cela
pourtant
ne me quittera.
Admets l’incertitude
et ne brise pas
le fragile édifice
bâti dans la chaleur
des larmes
et
l’acier froid des maux.
Ne briqse pas
mon cœur
tendre
qui
en deux temps
redeviendrait glaçon.
Qui protège et creuse la vie.
Tu ne me connais pas.
Donne-moi la parole
et entends mon histoire.
Ou à jamais
jusqu’au bout
je ne serais qu’un masque.
Et sur le lit de mort,
tu auras un éclair
de génie de l’agonie :
tu seras passé
à côté.
Tu n’auras pas
connu.

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