dimanche 8 mai 2011

Béance

Cette espèce de trou noir où plus rien n'apparaît avec une forme quelconque, où tout se confond, chacun est l'autre, plus aucune balise. Mes yeux sont grand ouvert et je ne distingue rien, je vois et ne distingue pas, mon esprit est aveugle, il ne sait plus rien, il est happé par la profondeur du néant. J'essaye de le diriger, de le reprendre en main, de l'aider, de le guider avec ce que je crois bien connaître depuis le temps que nous sommes ensemble. Et rien ne lui ouvre la voie. Il s'embourbe et m'entraîne avec lui, je chute, je crie, j'ai crié au début et je me suis accoutumée à cette horrible cave sans fond.
      J'ai toujours aimé les caves, précisément par ce qu'elles étaient au fond, elles étaient la fin, elles étaient cachés, j'y étais en sécurité. Là, c'est une fausse cave, une cave truquée. Souvent, je m'engouffre dans une nouvelle cave et je prends le risque du fond qui m'attend. J'ai appris avec l'expérience que ce fond m'apprenait souvent des choses, qu'un cul de sac n'est jamais innocent, qu'il nous apprend quelque chose, nous le donne à voir. Toute cave a son fond, son miroir propre. J'ai compris, avancé grâce à ces sombres tunnels et ces caves effrayantes de prime abord qui devenaient une nouvelle richesse pour moi si je prenais le temps de m'asseoir dedans, de m'y appuyer aux murs, de me regarder dans ses parois reflétantes, de comprendre ce qui m'avait finalement menée là. Si je ressortais sans trésor, je savais que je n'avais pas eu le courage d'aller jusqu'au fond ou qu'il n'était pas encore temps pour moi. Je note les caves à revoir, à revisiter et je sens le jour venu que je pourrais comprendre ce qui m'avait échappé la première fois.
     Aujourd'hui, quelle est cette cave ? Est-ce une de mes caves habituelles ? Habituellement, mon esprit saisit et me conduit de lui-même vers ce qui d'un autre côté me fait frémir de peur. Ce n'est pas une cave, c'est un trou, un sombre puits sans issue où je me suis fourvoyée croyant à une cave d'une nouvelle sorte, une cave que je n'avais jamais osé approcher. J'ai cru à une chance nouvelle, à autre chose sans savoir quoi. J'ai voulu croire, serait plus juste. Les caves que j'ai connues n'étaient pas bien accueillantes, pas bien chaleureuses, rien de bien attirant d'emblée ; et puis elles le devenaient, elles prenaient formes et couleurs au fur et à mesure que je comprenais, qu'une nouvelle partie de mon cerveau et de mon coeur s'ouvraient et naissaient en moi. Me voilà dans un trou sans fin, une cave qui ne m'est pas destinée. J'en sortirai coûte que coûte et mon esprit reprendra pied et retrouvera ses repères et ses amours. Aujourd'hui, ce n'est pas mon esprit qui me tiendra la main ; je donne cette fois-ci ma confiance à mes tripes. Je les balaye souvent d'un méprisant geste de refus. J'apprends depuis hier à les écouter : c'est peut-être le message du trou sans fond. Peu importe les pourquoi et les comment, je les écoute et me laissent animer par elles. Elles me sortiront de cette béance et me ramèneront sur la voie où mes pieds sentent le sol et où mes yeux voient ce qui les entourent.

Là où je ne suis pas seule comme je croyais devoir l'être.

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