dimanche 3 mars 2013


On se retourne sur le passé, on marche dans l'autre sens pour comprendre l'abîme.
Il y a des trous partout sur la route, à se demander si elle a été goudronnée un jour.
Pourtant, dans les souvenirs, elle était moins laide.
Peut-être abimée rime-t-il avec s'abîmer, que la langue ne s'y est pas trompée pour faire de ces faux jumeaux des frères de sang.
On fait ce voyage et on saisit le sens de cette incompréhension sans fin.
On part parce qu'on le peut enfin. Il y a quelqu'un, quelques-uns qui nous attendent au retour. On pourra se perdre en chemin, on viendra nous tirer d'affaire.
On peut partir parce qu'on a saisi comment ça roulait, on a enfin compris comment notre hébétude ne nous terrassait pas :
On le sait ce grand canyon dans notre poitrine, celui qui nous empêche de marcher droit.
Et tout d'un coup, parfois, il se referme. Et puis de plus en plus souvent au fil du temps. Il est là. Il nous traverse comme une longue cicatrice, même si on n'a jamais été opéré du palpitant. On se réjouit d'abord, avant tout, même surpris. Juste la jouissance de cette entièreté. En fait, avec le temps, on a tapissé le fond de l'abîme, inconscient de ce labeur de grande haleine. Ils sont là tous ceux qui s'y sont attelés et qui ont pelleté pour réparer.
On croit qu'ils sont passés et qu'il en est ainsi, qu'ils ne sont plus du quotidien. Mais quand on se retrouve nez à nez avec eux, nos ouvriers de l'ombre, on sent bouger leur âme à l'intérieur, dans les entrailles. Ils étaient là tout ce temps.
Et on se jure que plus jamais on n'oubliera ce qu'ils ont fait pour nous qui continue de nous faire vivre.
On se jure que la prochaine fois on le reconnaîtra d'emblée celui qui prendra à son tour sa pelle pour nous mettre sa pierre à l'édifice en construction que l'on est.
On se jure qu'on ne le ratera pas.
On se jure qu'on ne l'empêchera pas de continuer à être là, même de très loin, même si on croit qu'il est mort à nous, avec tous les même si du monde.
On se jure qu'on regardera sa place de temps en temps et qu'on le laissera se faire sentir chaque jour de plus qu'on se réveillera, pour avancer encore.
On se jure qu'on lui dira combien on lui sait gré.
On ne s'interdira pas de les aimer nos ouvriers de l'ombre jusqu'à ce que la mort nous berce. De les aimer de tout notre cœur, d'avoir les larmes aux yeux en parlant d'eux parce que sans eux...

Il y a eu un architecte qui s'est enfui et à laissé la charpente vide. Une chance que vous ayez accepté de poursuivre son travail en souffrance et que j'aie finalement compris que je suis faite pour vous aimer toute ma vie. Secrètement ou pas, cherchant vos frères et sœurs à venir.

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