Le grand-père inconnu,
personne d’autre que
sa fonction
dans ma lignée,
un petit corps
sans de vrai visage.
Je l’ai effacé
ou
il s’effaçait ?
S’effacer pour ne
pas être regardé
parce que
qui sait…
La vie immobile
à l’affût du
prédateur.
Toute la vie
à débusquer les pièges à
con
dans les plus minces
tranches
de savon.
La vie sans visage
pour ne pas alerter
pour ne pas indigner
par rectitude et
prudence.
C’est ce qu’on a vu.
Le mur
derrière
était bien trop
étanche et
inviolable,
pour qu’on y distingue
rien.
Mais dis-moi,
Grand-père fantôme,
où t’es-tu donc caché
des décennies entières ?
es-tu un jour apparu
quelque part ?
un jour jeune,
t’a-t-elle aperçu
toi en vrai
au détour d’un chambranle
ou de l’oreiller partagé ?
Je serre les yeux fort
comme pour tout ce qui nous échappe
immanquablement.
Je serre comme si
c’était tellement précieux !
Je serre si fort
parce qu’encore
aujourd’hui,
tu es indéchiffrable.
Un pur soldat jusqu’à la fin.
Tu as daigné sourire,
aux plus jeunes,
aux femmes de préférence,
les derniers temps.
Celles qui venaient te chercher dans ton
trou
et t’empoignaient la main
comme n’importe
qui
d’autre.
Comme si tu avais voulu
être
absolument comme il faut,
comme le monde,
sur la ligne parfaite
du funambule,
toute une vie,
sur la seconde exacte
du loup
en chasse,
et que tu t’étais
finalement
retrouvé
au contraire
à n’être
comme personne.
Parfaitement
hermétique,
gris
sans nuances,
unifié
au buvard,
sans erreur
aucune.
Les souvenirs,
le peu,
s’étiolent,
le flou
s’embue
encore.
Je sais qu’aucun de nous
n’a compris
qui était
terré là.
Si la terreur,
si la glace,
si la violence,
si la tristesse,
ont manigancé
toute cette inertie
pâle.
On dit et redit
que comme père,
déplorable.
Je n’étais pas là,
je l’entends.
Tu as blessé
profondément
et définitivement
tes rejetons.
Moi,
tu ne m’as rien fait.
Ni bien ni mal.
Rien qui ne me glisse
des mains
et des yeux.
Tu n’as
donc
jamais
chaussé
ton visage ?
Tu es resté
informe,
unique édicteur de règles
sans âme.
Je n’y crois pas.
Cela n’existe pas.
Tu n’aurais pas
vécu.
Tu n’aurais plus trouvé
ton souffle,
vite.
Où tu t’es-tu
donc
muré,
petit Grand-Père fantôme ?
Je suis les bras ballants,
l’imagination morte.