dimanche 16 octobre 2011

Faux

Elle n'est pas d'ici, ce n'est pas sa terre, ce n'est pas son monde. Elle n'est pas fabriquée pour ce sol-ci, ces gens-là. Elle regarde à côté, au-dessus, derrière. Tout tend à lui faire penser qu'elle n'est décidément pas d'ici.
   A ses côtés, que voit-elle ? des humains, des vrais qui rient, avancent chaque jour donnant (à qui ?) l'effort nécessaire pour revenir chez soi la tâche achevée. Elle, elle n'achève pas, elle ne commence pas, elle n'essaye pas. Inutile cet effort de vie. Elle n'est pas encore dans le bain, cet effort n'est pas le sien, il appartient aux autres, elle ne sait qu'en faire. Elle le regarde à l'oeuvre chez les autres. Elle dirait qu'il est inhumain, encore faudrait-il qu'elle soit sûre d'être humaine, d'être comme eux. Cette évidence est loin d'en être une pour elle. Il existe peut-être différentes sortes d'humains ou d'humanoïdes, peut-être qu'ils font semblant eux aussi ou alors ils ont leur planète à eux, qu'elle ne connaît pas. C'est peut-être la sienne. Mais tout ça, elle n'arrive pas à le savoir. Elle fixe l'eau où il y a bien longtemps qu'elle aurait dû plonger si ce satané espoir ne l'avait pas fait s'agripper. Est-ce de cette eau trop vivante, comme eux, trop différente, dont elle avait peur cette grand-mère ? Elle aussi était de cette espèce cachée de faux Terriens ? Elle descend de cette grand-mère et de ces êtres qui ne rentrent jamais dans le bain de la vie. Si, ils y rentrent, ils y sont bien obligés mais une fois qu'ils ont revêtu la combinaison complète où plus rien d'eux n'apparaît et avec laquelle ils sont parfaitement certains de ne pas pouvoir aller sous l'eau parce qu'ils y resteraient pour toujours, tranquilles enfin.
Ceux et celles qui la précèdent ont presque tous évité ce bain et s'ils 'y sont trouvés sans protection, ce fut bien malgré eux. On les y a jetés, ils y ont glissés, peu importe. Ils ont dû lutter contre le monde sous-marin qui les appelait tendrement. Et elle, oui, elle est à leur image, elle est leur fruit . Tout comme eux, elle reste au bord. Elle regarde bien la surface, elle la connaît par coeur et elle la déteste en même temps qu'elle est aimantée vers ses profondeurs. Elle raconte souvent cela, à ses prédécesseurs. Elle essaye de partager ce tiraillement. ils l'écoutent, elle voit dans leurs yeux quelque chose de plus vivant que d'habitude mais ils sourient à l'écoute de ses "divagations". Ils n'admettent pas, ils en sont incapables, une chose de plus dont ils sont incapables. Les fameux vieillards qu'il lui faut respecter, ces vieux dont il faudrait accepter le prêche. Ils ne sont pas plus capables qu'elle, et aveugles qui plus est. Elle a au moins cela pour elle. Pour ou contre elle, elle se le demande tous les jours. Est-ce que cette clairvoyance la console ? Non, certainement pas, elle a l'habitude, elle est comme ça.

Elle attend sa planète, ses profondeurs à elle et à ceux de cette famille des Faux. Elle ne la cherche plus coûte que coûte. L'effort a là un sens oui mais pas de fin. Elle s'est découragée de pouvoir trouver ce qui lui manque. Elle rêve de cette belle planète où elle sera chez elle et sa famille de Faux avec elle.

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