Et
me voilà, écrivant depuis des semaines son histoire, ses amours,
son cœur, ses douleurs. Adèle et tous ses paysages, Adèle dans
toutes ses formes et aléas, et tous ses heurts, toutes ses
montagnes, toutes ses mers, toutes ses profondeurs. Non, pas toutes.
Elle seule pourrait les écrire véritablement. Elle dit que non, que
je le fais mieux qu'elle-même. J'en doute : Adèle garde des
secrets. Même à moi. Elle n'y pense pas. Elle tait certains Everest
et certaines asphyxies. Peut-être comme nous tous, sans le savoir.
Peut-être parce qu'elle refuse d'être jugée sur ce qu'elle a dit
ou fait il y a des décennies. Ce que d'aucuns ne manqueront pas de
faire. Elle le craint de tout être humain, quel qu'il soit. J'en
suis. Elle me craint donc.
Elle
a été enfant silence : Drôle de gamine !
Elle
a été adolescente endeuillée : Triste fille !
Elle
a été d'un autre monde : Folle furieuse !
Elle
a été mère sous X : Mauvaise mère !
Elle
a été amante calculante : Sale sorcière !
Elle
a été femme d'immense désir : Pute en col rond !
Elle
a été femme avec une autre : Instable marginale !
Elle
a été femme qui n'en veut plus : Déficiente maternelle !
Elle
a été médecin du monde : Humaniste allumée !
Elle
a été des tas et des tas.
Toujours
il y en aura qui trancheront,
brandiront
leur marteau,
leur
hache
frapperont
sur leur ridicule bureau,
se
croyant le droit d'être un juge,
sans
diplôme
et
sans robe.
Ceux
qui croient savoir,
ceux
qui croient comprendre
ceux
qui ne veulent plus trop apprendre.
Jamais
je ne te jugerai.
Jamais
tu n'es ce que tu as été.
Tu
es tout ce que tu as été,
une
subtile alchimie
sans
formule
chiffrée
pour toujours,
sans
égal.
J'admire
sans fin l'être que tu es,
ses
méandres innommables,
ses
arabesques nouées
pour
toi seule.
J'aime
sans fin l'être que tu es,
l'immense
nœud
que
nous sommes tous,
que
désormais
tu
observes
en
souriant ou en riant parfois
de
ses hoquets et cris
bizarres.
Ils
bigarrent ton chemin
et
ton visage d'aujourd'hui.
J'aime
pour toujours l'être que tu as construit
de
tous tes petits anges et démons,
lutins
et ogres,
de
toutes les planètes
sans
J'aime
cet être que tu es
qui
sait qu'il est une infinité incernable
et
incomprise,
pour
quiconque,
sauf
peut-être pour les dieux
et
les fées.
J'aime
de tout mon cœur l'être que tu es
qui
plus jamais ne brandis marteau ou hache,
ni
ne tranche,
ni
toi
ni
personne.
Comme
toi, je m'assois en tailleur,
je
regarde les êtres
et
leurs nœuds,
je
soulève
délicatement
certains
cordages
sans
danger
pour
sentir ma poitrine s'ouvrir et brûler d'émotion
devant
cette pureté.
Jamais je ne défais le moindre lacet.
Jamais je ne défais le moindre lacet.
Asseyons-nous
ensemble.
Comme
tant d'autres fois.
Comme
toutes ces fois.
Asseyons
nous tous nos vieux jours et
finissons
ensemble.
Finis
avec moi.
Je
serai à tes côtés.
Nouons
nos être en un double
plus
alambiqué encore
que
chacun.
Plus
doux et plus émouvant.
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