vendredi 25 septembre 2015

Catlin, C...

      Catlin sans e. Catlin déjà broyée au nom. Catlin mutilée à la déclaration en mairie. Déjà par le père trop bourré pour bouger son gros cul de proxénète. Par la mère aussi, en train de clamser. Pas cap ne l'un ne l'autre de se tenir même pour une pareille occase. Des boulets, deux pauvres cons dont on a juste envie de se débarrasser à peine rencontres. Quand on parle de rencontres, moi je les ai pas souvent rencontrés. Ils m'auraient rendue encore plus folle que je ne suis. Là, je suis dans un bon jus mais venez me voir quand je raille, c'est pas la rigolade. C'est une autre histoire, je vous le dis. Il vaut mieux avoir les biscottes et la blouse blanche. Je suis pas dupe. Je sais comment ça se passe. Je sais que je pète tous mes plombs et pouf, je disparais. Il parait que la mère s'emploie et se flagelle sur son racial de mauvaise mère. Parce qu'elle a seulement fait semblant clamser. Je ne vais pas la contredire. Juste une rectification que j'aimerais apporter. Pas franchement mauvaise mère. Mère absente et inutile. Ce qui m'amène à conclure de moi-même que je suis inutile. CQFD. Coule de source. J'ai ds tonnes de détritus à vous déverser. J'ai la parole et la plume pour une fois, j'en profite. Les autres me la prennent toujours des mains, me donnent mon cachet, à peine elles voient mes yeux se voiler. J'ai le temps de rien. Non ! Elles, elles disent que mes yeux se vident. Pas tout de suite je crois mais un moment, je déraperai. Sans savoir, sans prévoir. C'est ça le principal. C'est à moitié vrai parce maintenant je peux un peu prévoir. Je sens les tremblements et la fievre. Pas la fièvre des médecins. La fièvre des Romantiques. Ma mère a trouvé aussi un sacrement profond fauteuil où plonger. Le jour, elle compte. La nuit, elle bosse pour le père. Moi aussi il m'a fait bosser, les week ends de visite. J'ai pas tout compris ce qu'il faisait tout de suite. Je ne suis pas naïve mais je ne le connaissais pas assez et j'étais jeunette encore. Je n'avais pas voulu comprendre ce qu'on m'en avait expliqué jusque là. On m'a toujours dit, à l'école, à la Police, à la DDASS : tu es une fille intelligente Catlin mais souvent, tu ne veux pas comprendre. On ne peut rien de plus pour toi. Ca, c'était avant que ca dévie en grave et que j'aille à l'hôpital plutôt qu'à la Police. Et qu'on ne prenne plus la peine de me dire que je parfois, je ne veux pas comprendre. Parce que c'est bien là le souci. Je préférerais je crois qu'on me
prenne pour une petite frappe. J'aurais préféré à l'époque.
       Je me déguisais. Tous les jours. Pour rigoler. On s'emmerdait. Je m'emmerde toujours. Sauf quand on fait un peu d'efforts. Se déguiser, ca demande seulement un peu de courage. Le reste suit tout seul. Tout le monde regarde et tout le monde parle. Le monde s'emmerde moins aussi. J'ai aimé par-dessus tout etre une héroïne de mangé. Jacqueline et Georges étaient inquiets de ma subite passion pour les mangas.  Ils trouvaient ça , comment ils diraient, envahissant voilà. Alors qu'à
l'adolescence, une passion est une passion. Et puis, j'ai toujours eu du caractère. Un satané carafon. C'est vrai qu'il fallait se le coltiner. Je sortais habillée en celle-ci ou celle-là. Les yeux agrandis par le maquillage, la jupe mini et volante. L'air niais s'il le fallait. J'ai déjà de grands yeux un peu fous. Maman l'a dit à la naissance. Avant de râler. Je crois que je lui ai fait peur. Mais attention ! Ces déguisements, c'était certainement pas pour faire la pute ! Je suis née une salope n'ai une pute. Les gens voient ce qui les excite, c'est tout. J'étais, moi, une héroïne de manga. Et pendant ces mois à l'être, je possédais des pouvoirs. En cachette. Je savais qu'ils n'étaient pas vraiment vrais. Mais mais ! Je les avais dans la tête. Et ce n'est pas rien.

        Pour ce qui est des potes, bon, j'étais sans à l'école ou de mon âge. Encore grande inquiétude de Jackie et Georgie. Mais en vrai, je m'en foutais totalement. Je rêvais avec mes pouvoirs et mes jupettes à plis.aux anges. J'entendais bien les adultes se lamenter sur mon sort. Pas moi. La vie était loin d'être laide. J'avais du mal parfois, c'est juste mais, comme tout le monde. À mon avis. Je dis "a mon avis", comme les sérieux, les Bourges. Sûrement les maquereaux et les putes. Mais ca vient tout seul. J'écris pas si mal. Je parle pas si mal non plus. Vu d'où je sors. Je suis intelligente, on (on ?) l'a toujours dit. Pas d'amis non ! Des vieux amis. Comme Jackie et Georgie. Ils sont trop vieux. Ils l'étaient déjà. Mais moi, j'aime les trop vieux, trop ridés,trop malades. Sans trop,on n'est pas assez. Voilà ce que je pense comme je vous le dis. Je ne leur ai pas dit. Il ne faut pas. Gardez ça pour vous surtout. C'est important. Ils sont les meilleurs amis que le monde m'ait offerts. Eux les premiers. Je sais pas si j'aime les vieux, trop tout, parce que j'aime aussi fort J. et G. Je sais pas. Je crois que je l'ai dans le sang cet amour des vieux. Je pourrais vous détailler les vieux que j'aime fort fort comme J. et G. Peut-être. Ou pas. En tout cas, quand on insulte ou agresse un vieux, je me contrôle plus. On peut
plus rien contre ma force. Oui oui je me bats. Je remonte mes manches. Quand j'en ai. C'est pas
toujours parce que je suis une chaude. Pas une salope, je l'ai déjà dit mais une réchauffée. Je fais craquer mes phalanges : ça fait rire l'adversaire et il baisse la garde. Ne se méfie plus assez. On néglige le pouvoir que donne le rire des autres. Qui est ce qui m'a dit ca ? Ah oui ! Le Dr Martin, mon bien-aimé psychiatre. J'étais amoureuse de lui au début. Il paraît que c'est pas si rare. Moi je trouve ça bizarre. Mais bon. Il paraît. Je suis tombée dedans aussi. Donc bon, bref, ce Dr Martin est vieux, beau comme un dieu. Les dieux sont vieux, tout le monde sait ça. Un de ces beaux vieux comme on en voit peu. Une grande tignasse blanche frisée bien ordonnée sans être style jardin à la française pour autant. Des yeux bleus comme le ciel et les oiseaux. A se pâmer. Je suis pas une pâmeuse. On peut pas dire ça de moi. Mais alors ces yeux-là. Et puis les hommes, les femmes, les gens de mon âge n'ont jamais fait mon affaire. Je ne fais pas la leur non plus. Tout le monde en est pour son argent. C'est parfait.
     Il y a eu M. Martin. J'ai cru à un moment qu'il s'appelait Martin Martin. Que ses vieux, encore plus vieux, avaient été assez cons pour l'appeler deux fois pareil. Meuh non ! Qu'on m'a répondu ! Il s'appelle Marc Martin. J'ai pas trouvé ça beaucoup mieux mais j'ai rien dit. J'ai fait un peu la folle qui comprend pas tout. Ca fonctionne bien ça. Et figurez-vous que j'ai découvert que les vieux font la même. Un sourire idiot, typique vieux, et hop là zou ! je suis débarrassé ! On se ressemble bien, en fait. Je suis vieille avant le temps. Il y en a bien qui régressent loin loin, alors qu'ils ont passé la quarantaine. Ma meilleure copine, c'est Régine. Elle est complètement allumée et très vieille. Elle ne peut plus faire grand-chose mais elle continue sa petite route encore quand même. Ca fait dix ans qu'ils la disent trop vieille. Tout le monde trouve toujours les vieux trop vieux. Ca me débecte ça. C'est pour ça, j'aurais voulu être africaine. Eux, leurs vieux ont la belle vie. On peut les aimer et les admirer plus que tout. J'aurais eu l'air moins folle. Donc, Régine, qui joue l'handicapée baveuse en caisse de supermarket, comme elle dit, pour qu'on fasse pas la queue. Elle rit rit rit à s'en étrangler devant les petits jeunots coincés du cul qui pleureraient d'avoir perdu à Questions pour un Champion. Ils la font hurler de rire. Moi, j'ai plutôt envie de me dépoiler devant eux qu'ils comprennent à quoi sert leur engin, enfin. Il faudrait pas dépoiler Régine par contre. C'est vrai que c'est pas si beau là-dessous. Et puis, c'est une eczémateuse Régine, depuis bébé. Elle est née stressée. Ca a laissé des sacrées traces. Il faut pas la regarder quand on la découche et qu'on la recouche.
Il y a aussi Francine qui continue le judo. Elle fout les collégiens à terre quand ils l'emmerdent. Il y a que l'intéressé qui fait la gueule après ça. Les autres ils ont passé un bon moment.
Il y a jean, encore jean (John, il a toujours voulu être rocker), troisième Jean, (Jane, il aurait voulu être une femme). Pas bien originaux à l'époque.
Il y en a beaucoup. Mais je m'arrête là. Ca va puer le pot pourri et la maison de retraite si je continue.
Un livre qui pue...
Il y a un jeune. Un très jeune : il est comme moi. Exactement la même année. C'est Tristan. On décompense, on pète les plombs, toujours aux mêmes moments. A croire qu'on se passe le mot. ca fait rire les infirmiers. On se retrouve à Sainte-Anne. On  a nos habitudes. On s'aime beaucoup. Moi je suis sûre de l'aimer fort fort le Tristanot. Lui, il est assez impénétrable. C'est les schizos ça. Ils vous laissent pas entrer même avec toutes les courbettes de la terre. Quand même, lui, il me parle, il me raconte. Sinon, je ne pourrais pas l'aimer. Je ne le connaîtrais pas. Moi je ne peux pas aimer quelqu'un qui en décroche pas une et avec qui je me sens bien en silence. Ca me suffit pas. C'est tout. C'est ma petite exigence. Tristan change souvent de cheveux. Comme moi de costume. Mais moi, c'était avant. J'ai arrêté. C'était l'ado. Lui, il continue de changer de cheveux : il se sent régénéré par la couleur. Ca lui tombe jusqu'aux pieds. Il dit. Et il voit la vie dans la couleur du moment. Souvent, il choisit le bleu. Et vous pensez à ... ? Oui, aux yeux du Dr Marc Martin évidemment. Le bleu c'est apaisant. Tristan se teint en bleu et il devient pas un petit bonhomme bleu hein ! Arrêtez avec ces conneries ! Un schizo c'est pas un débile. Il se sent bleu. Quand il en parle, c'est tellement beau ! Il explique bien. Il raconte toute la douceur qui se répand en lui. J'ai essayé une fois où j'étais au plus mal. Mais le coup des cheveux bleus, c'est le coup de Tristan. Chacun sa botte. Il faut trouver ce qui convient. En attendant, comme il avait été heureux de me bleuir comme il me le racontait depuis tant d'années. J'ai un peu menti sur l'effet que ça m'a fait pour pas trop le décevoir. Tristan est un ultra sensible. Comme les ultra violets. On touche et il brûle ! Il m'a crue parce que je savais quoi lui dire et qu'il attendait ça. Comme tout le monde. Schizo ou pas schizo.
Grâce à Tristan et au Dr Martin, je commence à aimer l'hôpital. Au début, j'avais peur, peur, peur. J'en avais dans de ces états. A se rouler par terre ou à ne plus tenir debout. Des loques humaines. Quel cirque ! Je voulais partir. J'étais pas autant qu'eux. Et tout le tralala habituel du malade. Les Dr ont attendu que j'ai fini ma litanie et au bout de trois quatre hospi, ils ont fini par me demander : Est-ce si détestable ici, chère Mme C..., pardon Catlin ? (Je refuse expressément qu'on m'appelle Mme C... C'est trop laid? C'est pas moi. Je ne suis que Catlin.) J'aime bien Tristan. Et je me repose ici. Plus de papiers à faire. Parce que dans ces cas-là, mon angoisse, ma pyramide insurmontable : les papiers. Déjà que Mme C... c'est impossible alors un million de papiers avec écrit dessus Mme C ceci cela. C'est un vrai supplice. Tristan, c'est Tristan qu'il n'aime pas. Il dit qu'il y a triste dedans et qu'il ne veut pas l'être. Il accepterait sans doute un prénom de schiz. Mais ça n'existe pas. On en a cherché ensemble. On a rien trouvé de propre. Il reste avec Tristan du coup. Il dit qu'au moins, ça veut dire quelque chose. Quoi que, quand il est au plus bas, il pige plus que dalle mon Tristounet. En général, il me reconnaît. Il me sourit bizarrement, avec les yeux exorbités. Pourquoi les yeux s'exorbitent quand il y a des problèmes ? C'est un mystère. On ne m'a jamais parlé des miens. Je suppose qu'il en va de même. Ou alors ils s'enfoncent ? Ce sont aussi des choses qui mystèrent à l'entrée à l'HP. On en sort les yeux en place. Tristan louche un peu. Donc, il n'a jamais vraiment les yeux en place. Il est louche, comme on dit. J'ai appris ça chez Descartes. Et visiblement, il y en a qui aime ça. Tant mieux. Tristan mérite qu'on l'aime. Il y a moi mais pas beaucoup d'autres, et d'autres pas trop fous, pas trop farfelus, c'est mieux pour l"insertion sociale". Mais le serpent se mord toujours la queue dans cette vie. Et pas dans les autres ? On verra. Tristan en tout cas est un foutu beau gosse. Le louche ne se voit presque pas. C'est parce que moi, il m'autorise à approcher. Je le regarde de près. Je me plonge dans ses yeux. Ca me calme. Je sais pas si c'est bien scientifique. C'est vérifié, je le vois. Quand on est chez Anne, tous les deux, je bois ma gorgée bleue tous les jours aux yeux de Tristan, l'ami fort. Tristan c'est l'ami le plus fort. Celui dont on peut dire "Tu es ma personne. Celle qui me convient." Il est pas question d'amour amoureux ni de sexe. C'est une âme sœur. Une famille imprévue. Et ça aide à vivre. Alors, vous comprenez bien que Saint-Anne, c'est loin d'être si dur que ça. Mais il faut connaître. C'est comme tout. Et en plus, c'est beau. C'est une belle bâtisse, des beaux murs. Des belles constructions. J'ai lu un livre sur l'architecture du monument. C'était fascinant. Et pas fou pour un sou. Tristan, avec ses yeux, plus les cheveux bleus, il peut surprendre. Il saisit. Ca prend aux tripes toute cette bleuté. On sent tout de suite que c'est l'émotion. Plus je sais pas, Tristan n'est pas du genre à tout décortiquer avec les mots.
Je reviens aux noms. Tristan, Mme C... et tout ça. Moi, je suis déjà assez emmerdée avec Catlin sans e. Le soir, tous les soirs en m'endormant, ce n'est pas le meilleur moment pour moi. Pour beaucoup, j'ai entendu. Le soir, tous les soirs, je demande si je m'appelle bien Catlin. Et pourquoi ? Je rêve à d'autres noms. Je rêve et vite Catin et Câlin me rattrapent. ces espèces d'enfoirés qui baisent et qui font un gosse, qui lui donne un nom de chiottes qui veut dire tout et son contraire. Le maquereau qui appelle sa fille comme sa mère, je l'entends tous les soirs beugler "sale catin !" il prédestine sa fille ce con-là ! Même pas puisqu'il est bourré au fond de son fauteuil et qu'il sait pas qu'il a un bébé qui chiale et tue sa mère en même temps. Quant au Câlin, c'est quand même dégueulasse de me faire ça, de me faire croire ça, que je suis en partie ça, que j'y aurais droit, que c'est un possible dans ce que je suis. c'est vraiment dégueulasse. Jackie, pour me consoler, elle m'appelait Câline. Pour me bercer. Et ça marchait et je marchais. Et elle a bien fait ma J. Mais eux, ils auraient pu dire un nom qui rime à rien, un vrai prénom qui rime à rien. Je suis pas comme Tristan qui veut que ça soit un vrai mot. Moi ça me tiraille tous les soirs dans le bide ce Catin-Câlin. Salauds. J'aurais dû m'appeler Francesca. Je suis française et c'est rigolo et voilà. Ou Noémie. Un peu original et on entend rien d'autre. Surtout pas un nom de la Bible, mon Dieu ! Catlin, non mais faudrait les faire rencontrer les imbéciles qui ont prénommé Marc Martin. Le groupe des parents aux prénoms cons. Il faudrait. Tout le monde s'en fout. C'est une erreur. Je garde ça pour moi. Tristan adore Catlin. C'est sa manière de dire qu'il m'aime je crois. Il dit que ça rebondit et que ça câline aussi. Il dit que c'est exhaustif. Tristan a de ces mots parfois.
il y a un truc qui nous fait bien rigoler tous les deux. c'est les numéros de chambre chez Anne. Lui, quand on lui parle de ses séjours là-bas, il prend un air de vampire et il dit qu'il a la chambre bleue. Il demande si les gens ont lu "L'enfant bleu" ? Il parle un peu n'importe comment. Il dit que la chambre est entièrement bleue, des pieds à la tête. Comme s'il savait pas qu'une chambre n'a ni pieds ni tête. Eux, ils se taisent devant le schiz. Il invente. Il mythonne. Il fait exprès. On tombe dans le panneau. On se tient à carreaux. C'est ça qu'ils font. Anne et les autres font pas de chambre bleue, bien sûr. Mais Tristan, il aime bien jouer au fou entier parfois. Je suis pas trop d'accord. Je trouve qu'il se plombe tout seul comme ça. Mais lui, il s'en tient les côtes de rire. Et ça marche aussi avec Régine. Moi, j'ai une autre méthode. Je dis que je tolère seulement la chambre 666 parce que je suis l'épouse de Belzébuth. J'en reste là. Et puis, les gens reculent un peu. Et puis je les rassure. Je leur dis que le plus souvent elle est prise et que j'ai la 207 ou la 106. Mais tout n'est que du flan. Il y a jamais de 666 dans un HP. Qui le sait ?

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