mercredi 16 septembre 2015

Le monstre de nuage

Elle est assise,
sur son lit,
la tête penchée
pour la photo.
Elle a
accepté,
je ne comprends toujours pas d'où,
elle qui aurait
étranglé
tout amateur photographe.
Toujours est-il
que
elle a même
posé
pour l'occasion,
la petite salope,
la petite débile,
la pauvre fille.
Comme dans les romans
balzaciens,
zoliens,
la petite bonne
pitoyable
qui fait tout ce qu'on lui dit,
ce qui lui répugne aussi,
parce que,
sans doute,
les autres savent mieux.
Bref,
le sourire semble,
depuis toutes ces années
qu'on connaît cette
photo,
grossier.
Pourquoi n'a-t-elles sont pris l'air
bagarreur ?
Mais voyons,
parce que c'est une
faible
qui se couche avant même
le gong
de départ.
Avec sa salopette
à la Tom Sawyer,
envie de rire et
de montrer du doigt.

Je parle de cette enfant
que je ne peux
aucunement
aimer
ou respecter.
J'espère
secrètement
qu'un jour,
elle se détachera
de moi.
Je parle de cette enfant
à celui qui veut réconcilier
et qui sent ma haine.
Et je raconte
combien
elle est imbécile,
combien j'aimerais qu'elle n'ait jamais
existé.
Crevée.
Anéantie.
Comme l'avant naissance.

Puis,
soutenue,
je la mets debout,
la tête se redresse,
le cou et l'échine
restent
courbés,
les longs cheveux
se déploient.
Elle est grande,
mais elle est grasse,
joufflue,
moins naïve qu'
immobile sur le papier.

Puis,
je m'aperçois qu'elle a
peur.
Pas peur d'un contrôle
ou d'ère obligée de manger
des choux de Bruxelles.
Peur comme les fous.
C'est aujourd'hui que je me rends
compte.
Je l'avais toujours laissée
assise niaisement.
Elle se lève
et elle a peur d'être foudroyée
car
la chose se tient
derrière
elle,
couteau en main,
énorme lame sans remords,
prête à s'en-
foncer
dans
les côtes jusqu'aux poumons.
Elle ne pense pas vraiment à
mourir.
Elle pense à souffrir,
à s'étrangler,
s'étouffer,
râler,
seule.
La chose n'a pas de
visage.
Elle qui aime si peu
les histoires de fantôme,
elle pourrait dire que
c'en est un.
Je dirais que c'est un nuage
à forme humanoïde,
gros,
grand,
sans regard.
Seul se dessine
nettement
le couteau dans l'énorme
pogne.

Je ne l'avais jamais
vu.
Je l'avais ignoré.
Disant qu'elle était imbécile
de nature.
Et que j'avais dû
les vingt années suivantes
m'efforcer
à la renaturer.

Je l'aide à se retourner.
Et comme par magie,
la voilà la gogole
qui se redresse,
s'affine,
perd son sourire,
et fusille du regard
le cruel nuage.
Elle est elle,
elle est fière.
Tout a changé.
Je ne la reconnais
plus.
Elle est ce que j'aurais
voulu.
Voudrais encore.
Elle désarme la bête.
Et elle devient
enfin
la belle.

Celle que j'ai toujours
haïe,
devient mon ancêtre,
celle de qui je descends
évidemment.
Et le nœud,
cette fois,
tient dur.
Un nœud de fort marin
qui ne laissera plus
échapper
son bateau.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire