Mais après l'amour fou à mort,
aime-t-on encore ? Adèle se promit la solitude. Elle se promit
de ne plus jamais recommencer cela, de courir, frapper, soigner et
manger dormir, en humain normal. Elle fit le serment la main sur son
livre le plus cher de ne plus jamais y tomber. Elle ne prit pas la
Bible, tout le monde le sait. Personne n'a de remarques à faire ?
Je peux continuer ? … Bien, je poursuis donc. Comme pour
Abdel, je pourrais expliquer qui est Brice, d'où sort cette violence
, d'où sort cette folie. Je pourrais. Je n'en ai pas envie. J'ai le
pouvoir de choisir ce qui me plaît à écrire ? Eh bien je m'en
saisis et j'en jouis avec tyrannie. Vous ne saurez pas d'où part la
folie bricienne. C'est finalement une histoire comme les autres.
Aussi triste, aussi répétitive que les autres. Elle aurait pu être
vue de près. Mais non. Elle ne le sera pas. Bref, sans vous narguer,
je m'arrête là. N'empêche qu'après un tel ouragan, le cœur est
tout raplapla et qu'il lui faut quelques semaines d'hospitalisation
en cage thoracique. Il se love dans sa cage à lui, celle qui lui est
autorisée et qui lui correspond. Celle qui ne lui fera jamais de
mal. Ni bien ni mal. L'idoine, absolument faite pour lui. Sans aucune
aventure et sans aucun risque. Il s'est retourné dans la cage dos au
monde, précisément, face au dos d'Adèle, en cercle clos. Circuit
fermé, personne n'y met aucune patte ni pâte d'ailleurs. En
automatique. Il en a sa claque ce cœur. Adèle l'a souvent mis à
rude épreuve. Elle en a fait un combattant. Un sportif de haut
niveau. Un marathoniene. Ils ont cru plus d'une fois tous les deux,
les yeux dans les yeux, qu'ils allaient en crever, que lui
s'arrêterait et qu'elle le suivrait de près. Ils se sont dits sans
mots « On n'y arrivera pas. C'était sympa. » Il a
accéléré comme un fou parfois. Accéléré et paniqué, fou de
vitesse et de peur. Il était sur un grand huit toute la journée,
sans pouvoir rien stopper, sans pouvoir rien dire, sans le droit ni
les moyens. Prisonnier de sa nature. Une machine d'émotions.
Aussi, il a ralenti, ralenti,
ralenti pour ne plus être que l'ombre de lui-même. Il ne se sentait
même plus exister. Comme s'il n'était qu'une machine comme une
autre. Pas vivante. Un aspirateur, une voiture. Aussi trivial que
cela.
Et puis, peu à peu, tous deux ont
appris qu'ils résisteraient à un ouragan, qu'il étaient forts
comme des rocs. Qu'ils avaient la chance ou la malchance de tout
entendre, de tout sentir, d'éponger après le passage parfois
tonitruant des autres. Qu'ils en apprenaient tous les jours ou
presque oui mais qu'ils en payaient cher le prix. Et puis, ils ont
trouver leurs petites stratégies. Leurs bons coups. Et l'un comme
l'autre se sont mis à danser plus souvent. Fini d'être matins et
soirs à terre à la serpillière, à nettoyer les fuites et les
inondations. Ils trouvèrent enfin le temps de danser. Et ils
apprirent alors toutes les danses qu'ils avaient toujours voulu
connaître.
Moi, je ne connais pas le cœur
d'Adèle. Mais je sais seulement qu'aujourd'hui, c'est un danseur
hors pair. Il continue d'éponger avec elle quand il le faut. Il ne
ménage jamais sa peine. Après Perrignon, il a juré de ne plus
jamais ménagé sa peine, quoi qu'il en coûte. Parce qu'il vaut
mieux en donner trop que pas assez et se sentir noir. Il refuse
d'être un cœur noir. Adèle non plus n'en veut pas d'un cœur noir.
Elle l'a dit dès le début. Elle a flanché après Abdel, avec Pépé.
Elle l'a laissé se promener dans les ombres. Ils se sont séparés.
Ils en avaient besoin. Ils ne voulaient plus l'un de l'autre. Elle
lui prêtait sa cage et ils vivaient en bonne intelligence,
colocation indifférente.
Encore une sacrée histoire.
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