dimanche 1 mai 2016

Moi et mon coeur

Mais après l'amour fou à mort, aime-t-on encore ? Adèle se promit la solitude. Elle se promit de ne plus jamais recommencer cela, de courir, frapper, soigner et manger dormir, en humain normal. Elle fit le serment la main sur son livre le plus cher de ne plus jamais y tomber. Elle ne prit pas la Bible, tout le monde le sait. Personne n'a de remarques à faire ? Je peux continuer ? … Bien, je poursuis donc. Comme pour Abdel, je pourrais expliquer qui est Brice, d'où sort cette violence , d'où sort cette folie. Je pourrais. Je n'en ai pas envie. J'ai le pouvoir de choisir ce qui me plaît à écrire ? Eh bien je m'en saisis et j'en jouis avec tyrannie. Vous ne saurez pas d'où part la folie bricienne. C'est finalement une histoire comme les autres. Aussi triste, aussi répétitive que les autres. Elle aurait pu être vue de près. Mais non. Elle ne le sera pas. Bref, sans vous narguer, je m'arrête là. N'empêche qu'après un tel ouragan, le cœur est tout raplapla et qu'il lui faut quelques semaines d'hospitalisation en cage thoracique. Il se love dans sa cage à lui, celle qui lui est autorisée et qui lui correspond. Celle qui ne lui fera jamais de mal. Ni bien ni mal. L'idoine, absolument faite pour lui. Sans aucune aventure et sans aucun risque. Il s'est retourné dans la cage dos au monde, précisément, face au dos d'Adèle, en cercle clos. Circuit fermé, personne n'y met aucune patte ni pâte d'ailleurs. En automatique. Il en a sa claque ce cœur. Adèle l'a souvent mis à rude épreuve. Elle en a fait un combattant. Un sportif de haut niveau. Un marathoniene. Ils ont cru plus d'une fois tous les deux, les yeux dans les yeux, qu'ils allaient en crever, que lui s'arrêterait et qu'elle le suivrait de près. Ils se sont dits sans mots « On n'y arrivera pas. C'était sympa. » Il a accéléré comme un fou parfois. Accéléré et paniqué, fou de vitesse et de peur. Il était sur un grand huit toute la journée, sans pouvoir rien stopper, sans pouvoir rien dire, sans le droit ni les moyens. Prisonnier de sa nature. Une machine d'émotions.
Aussi, il a ralenti, ralenti, ralenti pour ne plus être que l'ombre de lui-même. Il ne se sentait même plus exister. Comme s'il n'était qu'une machine comme une autre. Pas vivante. Un aspirateur, une voiture. Aussi trivial que cela.
Et puis, peu à peu, tous deux ont appris qu'ils résisteraient à un ouragan, qu'il étaient forts comme des rocs. Qu'ils avaient la chance ou la malchance de tout entendre, de tout sentir, d'éponger après le passage parfois tonitruant des autres. Qu'ils en apprenaient tous les jours ou presque oui mais qu'ils en payaient cher le prix. Et puis, ils ont trouver leurs petites stratégies. Leurs bons coups. Et l'un comme l'autre se sont mis à danser plus souvent. Fini d'être matins et soirs à terre à la serpillière, à nettoyer les fuites et les inondations. Ils trouvèrent enfin le temps de danser. Et ils apprirent alors toutes les danses qu'ils avaient toujours voulu connaître.
Moi, je ne connais pas le cœur d'Adèle. Mais je sais seulement qu'aujourd'hui, c'est un danseur hors pair. Il continue d'éponger avec elle quand il le faut. Il ne ménage jamais sa peine. Après Perrignon, il a juré de ne plus jamais ménagé sa peine, quoi qu'il en coûte. Parce qu'il vaut mieux en donner trop que pas assez et se sentir noir. Il refuse d'être un cœur noir. Adèle non plus n'en veut pas d'un cœur noir. Elle l'a dit dès le début. Elle a flanché après Abdel, avec Pépé. Elle l'a laissé se promener dans les ombres. Ils se sont séparés. Ils en avaient besoin. Ils ne voulaient plus l'un de l'autre. Elle lui prêtait sa cage et ils vivaient en bonne intelligence, colocation indifférente.
Encore une sacrée histoire.

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