Elle est comme n'importe qui. Elle est tout le monde, vous et moi, tous autant que nous sommes. Elle est Madame Tout le Monde. Unique et noyée dans la masse. Elle ne paraît ni plus ni moins que cela. Comme nous essayons tous de le faire, sauf quelques individus, ou trop fous et bons gestionnaires de leur folie muée en originalité, ou trop inhibés et douloureux aspirant à la transparence. Elle n'a l'air de rien, voilà le fin mot de l'histoire.
Elle n'a l'air de rien quand on n'a pas franchi les portes de l'intimité. Mais dès lors qu'on s'immisce dans ses narines, le monde devient un vrai dingue sans queue ni tête. Ces narines-là s'agitent, frémissent, se trémoussent, vibrent, pour des odeurs étranges, pas celles de tout le monde, précisément. Celles de personne. Ou plutôt celles de tout le monde mais la tête à l'envers. Les Beurk et Pouah sont des Mmmmmh et Sniiiif pour elle. Elle aime les odeurs bizarres vous dis-je ! Ca ne peut pas être si bizarre que cela ? Si quand même Messieurs Dames, bizarres bizzaroïdes. Vraiment. Enumération en bonne et due forme :
- caves, parkings et toutes sortes de souterrains bien fermés depuis des décennies
- fromages forts...
Bon, pas la merde et le vomi quand même hein !
Elle aime par-dessus tout l’odeur des vieux escaliers, cette odeur de vieilli propre oui bien sûr mais vieux et à la poussière indélébile. Comme si jamais plus la poussière ne laisserait lui échapper ce territoire, par son odeur, à défaut de ses moutons. L’odeur indéfinissable de sous terrain, de parking, de cave, de caché, de monstre invisible qui se terre, dans cette odeur précisément.. L’odeur, pas de petits vieux hein !, ne lui faites pas dire des bêtises. Ce n’est pas une odeur de vivant. Ce n’est pas non plus une odeur de cimetière. Une odeur d’espace, une odeur de lieu, d’ici, de là-bas. Pas très exotique non, mais de quelque part qu’on ne contrôle pas. Introuvable en pharmacie, en nulle part. Qui surgit. Certaines plantes dégagent cette odeur, certaines plantes qui débectent la gentille petite femme rangée, que d’autres abhorrent parce qu’ils croient que c’est le sale. Parce qu’ils disent, pardon, que c’est le sale qui s’est incrusté. Satine, elle, les soupçonne d’avoir peur. Elle les soupçonne et puis elle le sait un peu aussi parce que le dégoût, ça vous protège de ce qui est dangereux, ce que votre cerveau croit dangereux. Cette odeur, c’est le noir, l’agression dans le parking désert, le sombre, sous le lit, derrière les meubles, dans la grande maison de la grand-mère, les angoisses de tout-petit et les rires des adultes idiots.
Elle, Satine Glavial, elle se délecte de cette odeur, celle-là en particulier. Elle la fait sentir vivante, entière. Elle s’arrête dans un escalier, dans un parking, même tard le soir. Elle n’a pas peur. Pas par défi, pas par inconscience. Elle sent que cette odeur est pour elle, qu’elle y retrouve de l’être. Elle ne sait ni lequel, ni quand ni comment mais elle sait. C’est étrange. C’est inattendu. Satine est inattendue.
Il y a aussi l’odeur sans pitié de bouse de vache. Celle qui prend au nez en TGV quand on traverse la campagne d’un fin fond de la France. Celle qui fait s’exclamer tout le wagon et rire Satine. Elle se laisse plonger dans cette odeur alors que les autres tentent de s’en dépatouiller, en gigotant (drôle d’idée quoi de gigoter pour se défaire d’une odeur mais bon, il faut faire deuil de la rationalité de certaines attitudes humaines courantes), en se pinçant le nez si fort que les ongles laissent des traces. Ça ne fonctionne jamais, tout le monde le sait. Mais c’est plus fort que l’intelligence. C’est le besoin de ne pas se noyer dans cette merde qui leur monte jusqu’au cou. Ils barbotent comme perdus au beau milieu d’une mer de bouse. Ils font le petit chien, ils ne savent plus nager. Peut-être qu’on ne peut pas nager, brasse ou crawl, nages réelles, dans une mer de bouse, c’est une bonne question ça ! Bref, elle, elle aime sentir la nature plus forte que tout, cette odeur qu’elle n’assimile en rien à des déchets mais au contraire à la fertilité. Elle s’en abreuve, on ne sait jamais, si elle en es sortait plus riche et plus forte. Elle est au moins sûre que personne ne lui volera cette odeur-la. Elle peut disposer de tout en toute la liberté.
Et le Monsieur le Roquefort ? Même catégorie de ces odeurs puissantes, qui envahissent les narines et tout l’intérieur si l’on ne lutte pas contre. Moins intrusive que la bouse quand même. Mais tenace. Tenace comme un pou accroché à son cheveu ! Comme la glu à tout ce qui passe ! Tenace comme une folle ! Le Roquefort oui, mais pourquoi pas Une Folle ? Hein pourquoi pas ? Pourquoi la ténacité serait-elle si virile ? C’est une folle le Roquefort. C’est dit. Le Roquefort qui reste sur les doigts, qui se colle, qui s’insinue en serpent fourbe. Elle le sniferait le Roquefort. Parfois, les jours moroses, elle s’en achète un petit. Et zou ! Elle en a plein les mains ! Elle ne s’en tartine pas non plus. Elle, Satine, n’est pas folle. Mais elle ne l’avouera qu’à mi-mots mais elle ne se lave pas les mains tout de suite. Elle n’en fera pas de saletés. Elle aura tout préparé à l’avance. Elle snifera son Roquefort et se sentira pousser des ailes.
L’odeur souterraine, l’odeur de bouse, l’odeur de Roquefort, elle ravive les nerfs. Elle ouvre les bronches et elles obligent à quelque chose. Elles obligent à une certaine honnêteté. C’est farfelu. C’est étrange. C’est son étrangeté à elle. Chacun à la sienne. Chacun la garde secrètement. Presque chacun y trouve son compte à l’avoir et à l’aimer. Sauf l’étrangeté qui fait mal. Mais ce n’est pas là le sujet. Satine Glavial dorlote son étrangeté.
On a parlé des odeurs, parce que c’est le plus intime, le plus caractéristique aussi et que ca parle bien de Satine. Mais il n’y a pas que ca. Il y a les quatre autres sens aussi. Il y a l’odeur poussiéreuse des vieux escaliers, et dans le même thème mais pas aux mêmes endroits, il y a les moutons de poussière. Les jolis nuages qu’on peut attraper et caresser ceux-là. Ils sont tout doux, ils tiennent dans la main, ils ne s’évanouissent pas, ils ne trahissent pas comme les vrais nuages qui font croire qu’ils sont douillets et à travers lesquels on passe comme dans de l’air sans fard. Ils se maquillent en gentils doudous et ne sont rien d’autre que le vide. Satine prend à pleines mains les moutons de poussière sous les meubles, les canapés que on ne bouge pas assez souvent pour que dessous, tout soit nickel. Elle s’assoit en tailleur et elle joue avec. Ils se dénouent un peu mais pas tant que ca. Plus solides qu’ils n’en ont l’air. Elles les caressent. Ils ne sentent rien eux. En tout cas, rien de notable pour une Satine qui aime les odeurs décapantes. Ah mais oui ! Mais oui bien sûr ! On a oublié l’odeur de l’eau de javel ! Le chlore ! L’odeur qui lui a appris à faire le ménage, comme on appâte un animal. Parce qu’elle l’aimait tellement qu’elle aurait lavé sa douche, non elle lavait réellement sa douche tous les jours, à chaque douche, l’eau de javel dans tous les recoins et cette odeur enivrante après cela. Une odeur de perfection, quelque chose comme ça. Une odeur forte et droite, qui ne trompe pas et qu’on peut laisser derrière soi les yeux fermés. Pas d’inquiétude, elle s’occupe de tout. Bah ca pue la piscine ! Ce sont les autres ca. Elle sourit. Oui j’adore cette odeur. Ah bon ! T’es chéloïde toi ! Peut-être... Moi,c’est bizarre, j’adore l’odeur de la banane pourrie. Arrêtons-nous là mais la conversation peut être longue sur le sujet. Tout le monde, a un moment donné, aime parler de soi, du soi profond dont il ne parle jamais, qui est tout seul avec ses bizarreries et ses amours odoriférantes intrigantes. Un peu animales.
Celle du Destop ? Satine n’a pas fini sa réflexion sur le sujet. Encore à l’étude. Elle ne sait pas quoi en penser. Elle est dure à penser cette odeur-là. Moins fréquente déjà et un rien dramatique. Dure à penser, comme les autres vous me direz. Oui, mais là, elle sent combien se mélangent ses ressentis. Parçe que là, l’image correspondant au tuyau bouché de merde surgit. Desolee, ce n’est pas joli joli mais on parle en toute franchise et puis, Satine ne veut pas y aller par quatre chemins. On a d’autre temps à perdre avec des bêtises. Autant la bouse, l’image ne la gêne pas, elle n’est pas là. C’est beaucoup plus dissout que cela. Il y a plein d’images. Le Roquefort, pas d’images à bannir. L’eau de javel, encore moins. La poussière, rien de grave non plus. Et là, pour le coup, on l’a compris, c’est une odeur qui dépasse toutes les visions terriblement terre-à-terre qui peuvent se présenter. C’est une vague alcoolique qui l’enveloppe. Mais le Destop... Envie d’aimer et rebutée sans pouvoir vraiment résister. Encore une complication humaine. Ca a tendance à la mettre en pétards la belle Glavial. Elle voudrait qu’on soit plus souvent aussi simple que les animaux qu’il reste en nous. Mais ça ne marche pas vraiment.
Les carreaux sales ne lui font pas davantage peur que tout ce qu’on vient d’énumérer. Il y a ceux qui s’en écartent, qui s’en tiennent bien à distance. Entre nous, il ne faut alors mieux pas être parisien, ou alors avoir tout l’argent pour se payer le taxi tous les jours. Parce que bus, métro ou RER ! vitres dégueugueu, soyons clairs. Elle, Satine, elle aime ca. Elle attend d’être seule dans le wagon. On pense que c’est dangereux d’être seule dans le wagon du RER en grande Banlieue Parisienne. Mais c’est quand on ne connaît pas. Il y a les gentilles banlieues toutes mignonnettes à la petite maison dans la prairie et on n’en parle pas de celles-là. Et puis, on la lui fait pas à Satine. Elle est costaud sous son petit poids. Elle se bat sans problème et sans hésitations..C’est ce qu’elle a toujours fait toute sa vie. Elle est née dans une poubelle. Enfin non, ce n’est pas possible parce que la maman n’a pas pu se mettre dans la benne ou encore moins la poubelle de trottoir en vue d’accoucher. C’est quand même trop fou. Sauf si ! Sauf ! Si elle habitait dans la poubelle la maman. On peut bien imaginer une jeune ou pas jeune femme vivant dans la rue qui a élu domicile dans une grosse benne à ordures. Ca protégé du vent, du froid peut-être, du chaud sûrement pas. Mais Satine n’est pas née sous les tropiques alors tout va bien. Cette femme, elle aurait pu tout vider, tout nettoyer bien, comme une petite fée du logis. C’est ironique ? Non pas vraiment. La qualité de la fée ne dépend pas de celle du logis. Bien au contraire. Si elle a réussi, cela devait être une sacrée fée du logis. De quoi être fier. Alors elle aura construit un cocon accueillant même dans sa benne. Des rideaux en tissu recyclé, des meubles de rue, des objets réutilisés et même du coup un style vintage carrément marqué. Bref, ça, c’est dans le meilleur des cas. Et il ne faut pas se leurrer quand même, il y a des chances que cela ne se soit pas passé comme ça. Les trucs moches et qui puent trop, pas Lépine de s’y étendre, on sait bien comment ça se passe. Le conte de fées de la maison-benne était beau lui. Donc, Satine a été trouvée dans une poubelle. Elle en est restée imprégnée comme ca, par les odeurs de, sale pour les autres, énigmatique et vivant pour elle. Elle trouve d’ailleurs, soit dit en passant, qu’aucune odeur n’est sale. Ce qui est la pure vérité, puisque l’odeur en elle-même n’a pas de valeur sinon celle de nos narines. Donc ce sont nos narines qui se sentent sales. De nos jours, les narines sont dUne sensibilité ! Des vraies fillettes ! Elles se révoltent pour un rien, toutes syndiquées, toutes négationniste de leur passé, de leur appartenance au règne animale. Elles se voilent la face et avec l’approbation de tous qui plus est ! Oui, la société hygiéniste construite par des narines invisibles, mais sans concession, paranoïaques et délirantes parfois. Elles aiment le plastique et le transparent. Satine ne se sent pas concernée par l’hygiénisme. Elle n’est pas crade comme on pourrait s’exclamer. Elle se lave, elle frotte, elle récure son logis à elle, même si elle fait joujou avec les moutons de poussière. Elle est comme tout le monde. Elle s’adapte à son environnement social, comme on dit. Mais elle refuse de s’exclamer à chaque effluve de vivant qui s’exprime, à chaque caca de chien dans la rue, à chaque poil qui dépasse. Elle n’a pas peur des poux. Elle ramasse le vomi s’il le faut. Elle rit quand elle se tape une merde de chien au petit matin. Elle n’en veut à personne de sentir la transpiration. Elle est comme ça.
Et donc, les vitres de RER attendent : elle vérifie que personne ne peut la voir. Elle ne veut pas passer pour une folle. Elle fait de grands dessins sur toute la vitre sale, avec son index. Elle dessine comme une pro. Rien d’étonnant à cela, elle l’est. Au boulot, c’est pas comme dans le RER, moins excitant que cet art éphémère. Elle espère que certains verront sa petite oeuvre et s’en réjouiront. Avant qu’elle ne disparaisse. Elle monte parfois sur les banquettes pour atteindre le haut de la vitre et compléter son dessin. Elle s’amuse. Elle fait des dessins qui blaguent, qui parlent des voyageurs assis sur les banquettes. Elle leur parle à eux. Elle ne fait pas de tags. Mais elle ne s’en sent pas si loin. La grosse différence, c’est le noir et blanc et le propre et sale. Elle provoque comme ca. Pas avec de grosses lettres colorées définitives. Mais en jouant avec la saleté des autres.
Les moutons de poussière, elle se permet de les admirer quand elle est chez elle. Il y en a plein qu’elle aperçoit sur les quais de Paris. Mais elle ne va pas se mettre à faire la dans se de la poussière en pleine bonne société. Elle fait son ménage, elle récure, et sous le canapé, le meilleur endroit, elle découvre toujours des jolis moutons. Ils ont le nom d’un tout gentil, en plus, d’un tout doux, pas puant, pas sauvage. Alors, les autres aussi pourraient faire un effort au lieu de trouver ça répugnant. Elle s’assoit en tailleur et elle les fait virevolter dans la lumière. Elle regarde la lumière les traverser et les englober. Ils sont fragiles. Comme leurs homonymes. Ils suivent le vent qui passe, eux aussi. Ils se laissent faire, dire et obéissent. Leur dignité n’est pas là. Elle est dans leur volatilité. Ce sont de vrais gymnastes, moins peureux, moins couards que leurs aînés du ciel.
Sur le fait que Satine Glavial soit née dans une poubelle. Ca n’est pas un drame n’est-ce pas ? N’allez,pas en pleurer et trouver tout cela bien sombre. Ni qu’elle aime toutes ces odeurs que personne n’aime. Ce n’est pas grave tout cela. Ou alors on s’épanche aussi sur celui qui, adulte, retrouve en enfance à l’odeur de la lingerie pour bébé et se met à la snifer tout heureux. C’est tout pareil. Juste un enchaînement logique des sens. Juste l’assurance que Satine vient bien d’où elle est née et c’est plutôt une bonne nouvelle. Surtout pour elle.
Il y a aussi, il est vrai que le ménage n’est pas bien rapide avec elle !, les poils de ses chiens et chats. Elle en deux de chaque. Malgré ses bizarreries, elle aime l’ordre. Les animaux par paire par exemple. Et pourquoi pas ? Les poils de chien et chats, de toutes les couleurs, noirs pour Francis le chat panthère, marron glacé pour Marcel le braque de Weimar, blanc et roux pour Maurice le cocker, gris immenses et moirés pour le « chat » Jean-Claude un peu persan mais pas seulement. Elle les mélange tous les poils, elle peut en faire un gros mouton, c’est tout à fait possible. Un gros mouton presque vivant. Les 4 la regardent et s’apprêtent à entamer le jeu du mouton de poils. C’est toujours les mêmes qui gagnent mais tout le monde participe. C’est une institution du dimanche de ménage dans cette famille. On joue à l’attrape-mouton. Qui gagne ? Les chats ? Pas les non. Francis le chat panthère bien entendu. Jean-Claude n’est pas vraiment efficace dans sa chasse. Mais contrairement à nombre de ses congénères, pas susceptible pour un sou. Surtout pour un mi-persan, c’est étonnant. On sait qu’ils sont prout-prout ceux-là. Mais Jean-Claude est aussi de la poubelle, alors il est comme qui dirait quelque peu singulier. En plus, on ne le dit pas tout de suite, parce que ça ne se fait pas de parler en premier lieu du handicapés de stigmatiser la différence, mais il est borgne et les moustaches en moins du côté droit. Il perd l’équilibre et vise à 10 cm près. Bon, pour un chat, c’est du sacré handicap. Mais Francis est un chic type, il le laisse essayer quand même. Donc Francis gagne souvent mais Maurice le cocker peut ébranler parfois sa suprématie. Il est agile. C’est un chien volant. Il décolle les oreilles et ajuste le vol grâce à ces outils subtils. Il se jette d’un meuble. Il n’a pas peur. C’est sur qu’a ce jeu-là Marcel est dépassé. En fait, il joue pour faire plaisir mais avec son grand gabarit, il préférerait un autre sport. Plus musclé. Mais en famille, on s'adapte. Lui aussi c’est un chic type. Ils sont tous chics d’ailleurs. C’est pour ça que Satine les a choisis. Et ils sont tous rigolos. Faciles à la bidonnade.
Après le jeu de l’attrape-mouton, il y a Satine en tailleurs encore qui dessine sur le parquet clair avec les poils de toutes les couleurs. Elle peut faire de vraies fresques, là encore éphémères. Tout le monde sait qu’il ne faut pas marcher dedans ni déranger. Tout le monde se couche autour d’elle et observe. Chacun y participe à sa manière. Chacun est concerné.
Elle finit par finir son ménage quand même. Mais longtemps après parfois.
Sur sa table de nuit, elle garde un mouton d’un peu de tout. Pas sale. Il est dans une bulle de verre, pas d’inquiétude pour les hygiénistes. Un mouton plein de toutes les vies qu’elle trouve chez elle. Il est beau comme un coeur. Elle l’a modelé amoureusement. Et les gens ne savent pas que c’est un mouton. Ils ne se rendent pas compte tellement elle l’a fait beau. Sinon, ils ne lui diraient pas qu’elle est une vraie artiste. Elle regrette seulement de ne pas pouvoir le toucher. Mais on ne touche pas aux œuvres. C’est en gros dans les musées. Elle applique la même règle. Pas folle la guêpe.
Le soir, après avoir fait tourner dans ses mains la bulle de verre et son mouton, elle se borde, elle respire le douillet de son lit. Le douillet sent tellement bon ! Elle s’entoure de ses 4 fidèles. Elle a besoin d’eux pour dormir. Il y en un à chaque point cardinal. Quand elle perd un peu pied, ils se resserrent et font la ronde. Un sur deux, un chien-un chat, un chien-un chat. Sinon, Francis est à l’Est, Marcel au Nord, Maurice à l’Ouest, Jean-Claude au Sud. Ils n’en changent pas. C’est important. Ils ne bougent pas quand elle dort. Cela ne dure pas si longtemps d’ailleurs, pas tellement assez pour les matous. Ils savent qu’elle est légère comme les moutons dans son sommeil et que le moindre souffle la ferait chavirer.
Elle aime par-dessus tout l’odeur des vieux escaliers, cette odeur de vieilli propre oui bien sûr mais vieux et à la poussière indélébile. Comme si jamais plus la poussière ne laisserait lui échapper ce territoire, par son odeur, à défaut de ses moutons. L’odeur indéfinissable de sous terrain, de parking, de cave, de caché, de monstre invisible qui se terre, dans cette odeur précisément.. L’odeur, pas de petits vieux hein !, ne lui faites pas dire des bêtises. Ce n’est pas une odeur de vivant. Ce n’est pas non plus une odeur de cimetière. Une odeur d’espace, une odeur de lieu, d’ici, de là-bas. Pas très exotique non, mais de quelque part qu’on ne contrôle pas. Introuvable en pharmacie, en nulle part. Qui surgit. Certaines plantes dégagent cette odeur, certaines plantes qui débectent la gentille petite femme rangée, que d’autres abhorrent parce qu’ils croient que c’est le sale. Parce qu’ils disent, pardon, que c’est le sale qui s’est incrusté. Satine, elle, les soupçonne d’avoir peur. Elle les soupçonne et puis elle le sait un peu aussi parce que le dégoût, ça vous protège de ce qui est dangereux, ce que votre cerveau croit dangereux. Cette odeur, c’est le noir, l’agression dans le parking désert, le sombre, sous le lit, derrière les meubles, dans la grande maison de la grand-mère, les angoisses de tout-petit et les rires des adultes idiots.
Elle, Satine Glavial, elle se délecte de cette odeur, celle-là en particulier. Elle la fait sentir vivante, entière. Elle s’arrête dans un escalier, dans un parking, même tard le soir. Elle n’a pas peur. Pas par défi, pas par inconscience. Elle sent que cette odeur est pour elle, qu’elle y retrouve de l’être. Elle ne sait ni lequel, ni quand ni comment mais elle sait. C’est étrange. C’est inattendu. Satine est inattendue.
Il y a aussi l’odeur sans pitié de bouse de vache. Celle qui prend au nez en TGV quand on traverse la campagne d’un fin fond de la France. Celle qui fait s’exclamer tout le wagon et rire Satine. Elle se laisse plonger dans cette odeur alors que les autres tentent de s’en dépatouiller, en gigotant (drôle d’idée quoi de gigoter pour se défaire d’une odeur mais bon, il faut faire deuil de la rationalité de certaines attitudes humaines courantes), en se pinçant le nez si fort que les ongles laissent des traces. Ça ne fonctionne jamais, tout le monde le sait. Mais c’est plus fort que l’intelligence. C’est le besoin de ne pas se noyer dans cette merde qui leur monte jusqu’au cou. Ils barbotent comme perdus au beau milieu d’une mer de bouse. Ils font le petit chien, ils ne savent plus nager. Peut-être qu’on ne peut pas nager, brasse ou crawl, nages réelles, dans une mer de bouse, c’est une bonne question ça ! Bref, elle, elle aime sentir la nature plus forte que tout, cette odeur qu’elle n’assimile en rien à des déchets mais au contraire à la fertilité. Elle s’en abreuve, on ne sait jamais, si elle en es sortait plus riche et plus forte. Elle est au moins sûre que personne ne lui volera cette odeur-la. Elle peut disposer de tout en toute la liberté.
Et le Monsieur le Roquefort ? Même catégorie de ces odeurs puissantes, qui envahissent les narines et tout l’intérieur si l’on ne lutte pas contre. Moins intrusive que la bouse quand même. Mais tenace. Tenace comme un pou accroché à son cheveu ! Comme la glu à tout ce qui passe ! Tenace comme une folle ! Le Roquefort oui, mais pourquoi pas Une Folle ? Hein pourquoi pas ? Pourquoi la ténacité serait-elle si virile ? C’est une folle le Roquefort. C’est dit. Le Roquefort qui reste sur les doigts, qui se colle, qui s’insinue en serpent fourbe. Elle le sniferait le Roquefort. Parfois, les jours moroses, elle s’en achète un petit. Et zou ! Elle en a plein les mains ! Elle ne s’en tartine pas non plus. Elle, Satine, n’est pas folle. Mais elle ne l’avouera qu’à mi-mots mais elle ne se lave pas les mains tout de suite. Elle n’en fera pas de saletés. Elle aura tout préparé à l’avance. Elle snifera son Roquefort et se sentira pousser des ailes.
L’odeur souterraine, l’odeur de bouse, l’odeur de Roquefort, elle ravive les nerfs. Elle ouvre les bronches et elles obligent à quelque chose. Elles obligent à une certaine honnêteté. C’est farfelu. C’est étrange. C’est son étrangeté à elle. Chacun à la sienne. Chacun la garde secrètement. Presque chacun y trouve son compte à l’avoir et à l’aimer. Sauf l’étrangeté qui fait mal. Mais ce n’est pas là le sujet. Satine Glavial dorlote son étrangeté.
On a parlé des odeurs, parce que c’est le plus intime, le plus caractéristique aussi et que ca parle bien de Satine. Mais il n’y a pas que ca. Il y a les quatre autres sens aussi. Il y a l’odeur poussiéreuse des vieux escaliers, et dans le même thème mais pas aux mêmes endroits, il y a les moutons de poussière. Les jolis nuages qu’on peut attraper et caresser ceux-là. Ils sont tout doux, ils tiennent dans la main, ils ne s’évanouissent pas, ils ne trahissent pas comme les vrais nuages qui font croire qu’ils sont douillets et à travers lesquels on passe comme dans de l’air sans fard. Ils se maquillent en gentils doudous et ne sont rien d’autre que le vide. Satine prend à pleines mains les moutons de poussière sous les meubles, les canapés que on ne bouge pas assez souvent pour que dessous, tout soit nickel. Elle s’assoit en tailleur et elle joue avec. Ils se dénouent un peu mais pas tant que ca. Plus solides qu’ils n’en ont l’air. Elles les caressent. Ils ne sentent rien eux. En tout cas, rien de notable pour une Satine qui aime les odeurs décapantes. Ah mais oui ! Mais oui bien sûr ! On a oublié l’odeur de l’eau de javel ! Le chlore ! L’odeur qui lui a appris à faire le ménage, comme on appâte un animal. Parce qu’elle l’aimait tellement qu’elle aurait lavé sa douche, non elle lavait réellement sa douche tous les jours, à chaque douche, l’eau de javel dans tous les recoins et cette odeur enivrante après cela. Une odeur de perfection, quelque chose comme ça. Une odeur forte et droite, qui ne trompe pas et qu’on peut laisser derrière soi les yeux fermés. Pas d’inquiétude, elle s’occupe de tout. Bah ca pue la piscine ! Ce sont les autres ca. Elle sourit. Oui j’adore cette odeur. Ah bon ! T’es chéloïde toi ! Peut-être... Moi,c’est bizarre, j’adore l’odeur de la banane pourrie. Arrêtons-nous là mais la conversation peut être longue sur le sujet. Tout le monde, a un moment donné, aime parler de soi, du soi profond dont il ne parle jamais, qui est tout seul avec ses bizarreries et ses amours odoriférantes intrigantes. Un peu animales.
Celle du Destop ? Satine n’a pas fini sa réflexion sur le sujet. Encore à l’étude. Elle ne sait pas quoi en penser. Elle est dure à penser cette odeur-là. Moins fréquente déjà et un rien dramatique. Dure à penser, comme les autres vous me direz. Oui, mais là, elle sent combien se mélangent ses ressentis. Parçe que là, l’image correspondant au tuyau bouché de merde surgit. Desolee, ce n’est pas joli joli mais on parle en toute franchise et puis, Satine ne veut pas y aller par quatre chemins. On a d’autre temps à perdre avec des bêtises. Autant la bouse, l’image ne la gêne pas, elle n’est pas là. C’est beaucoup plus dissout que cela. Il y a plein d’images. Le Roquefort, pas d’images à bannir. L’eau de javel, encore moins. La poussière, rien de grave non plus. Et là, pour le coup, on l’a compris, c’est une odeur qui dépasse toutes les visions terriblement terre-à-terre qui peuvent se présenter. C’est une vague alcoolique qui l’enveloppe. Mais le Destop... Envie d’aimer et rebutée sans pouvoir vraiment résister. Encore une complication humaine. Ca a tendance à la mettre en pétards la belle Glavial. Elle voudrait qu’on soit plus souvent aussi simple que les animaux qu’il reste en nous. Mais ça ne marche pas vraiment.
Les carreaux sales ne lui font pas davantage peur que tout ce qu’on vient d’énumérer. Il y a ceux qui s’en écartent, qui s’en tiennent bien à distance. Entre nous, il ne faut alors mieux pas être parisien, ou alors avoir tout l’argent pour se payer le taxi tous les jours. Parce que bus, métro ou RER ! vitres dégueugueu, soyons clairs. Elle, Satine, elle aime ca. Elle attend d’être seule dans le wagon. On pense que c’est dangereux d’être seule dans le wagon du RER en grande Banlieue Parisienne. Mais c’est quand on ne connaît pas. Il y a les gentilles banlieues toutes mignonnettes à la petite maison dans la prairie et on n’en parle pas de celles-là. Et puis, on la lui fait pas à Satine. Elle est costaud sous son petit poids. Elle se bat sans problème et sans hésitations..C’est ce qu’elle a toujours fait toute sa vie. Elle est née dans une poubelle. Enfin non, ce n’est pas possible parce que la maman n’a pas pu se mettre dans la benne ou encore moins la poubelle de trottoir en vue d’accoucher. C’est quand même trop fou. Sauf si ! Sauf ! Si elle habitait dans la poubelle la maman. On peut bien imaginer une jeune ou pas jeune femme vivant dans la rue qui a élu domicile dans une grosse benne à ordures. Ca protégé du vent, du froid peut-être, du chaud sûrement pas. Mais Satine n’est pas née sous les tropiques alors tout va bien. Cette femme, elle aurait pu tout vider, tout nettoyer bien, comme une petite fée du logis. C’est ironique ? Non pas vraiment. La qualité de la fée ne dépend pas de celle du logis. Bien au contraire. Si elle a réussi, cela devait être une sacrée fée du logis. De quoi être fier. Alors elle aura construit un cocon accueillant même dans sa benne. Des rideaux en tissu recyclé, des meubles de rue, des objets réutilisés et même du coup un style vintage carrément marqué. Bref, ça, c’est dans le meilleur des cas. Et il ne faut pas se leurrer quand même, il y a des chances que cela ne se soit pas passé comme ça. Les trucs moches et qui puent trop, pas Lépine de s’y étendre, on sait bien comment ça se passe. Le conte de fées de la maison-benne était beau lui. Donc, Satine a été trouvée dans une poubelle. Elle en est restée imprégnée comme ca, par les odeurs de, sale pour les autres, énigmatique et vivant pour elle. Elle trouve d’ailleurs, soit dit en passant, qu’aucune odeur n’est sale. Ce qui est la pure vérité, puisque l’odeur en elle-même n’a pas de valeur sinon celle de nos narines. Donc ce sont nos narines qui se sentent sales. De nos jours, les narines sont dUne sensibilité ! Des vraies fillettes ! Elles se révoltent pour un rien, toutes syndiquées, toutes négationniste de leur passé, de leur appartenance au règne animale. Elles se voilent la face et avec l’approbation de tous qui plus est ! Oui, la société hygiéniste construite par des narines invisibles, mais sans concession, paranoïaques et délirantes parfois. Elles aiment le plastique et le transparent. Satine ne se sent pas concernée par l’hygiénisme. Elle n’est pas crade comme on pourrait s’exclamer. Elle se lave, elle frotte, elle récure son logis à elle, même si elle fait joujou avec les moutons de poussière. Elle est comme tout le monde. Elle s’adapte à son environnement social, comme on dit. Mais elle refuse de s’exclamer à chaque effluve de vivant qui s’exprime, à chaque caca de chien dans la rue, à chaque poil qui dépasse. Elle n’a pas peur des poux. Elle ramasse le vomi s’il le faut. Elle rit quand elle se tape une merde de chien au petit matin. Elle n’en veut à personne de sentir la transpiration. Elle est comme ça.
Et donc, les vitres de RER attendent : elle vérifie que personne ne peut la voir. Elle ne veut pas passer pour une folle. Elle fait de grands dessins sur toute la vitre sale, avec son index. Elle dessine comme une pro. Rien d’étonnant à cela, elle l’est. Au boulot, c’est pas comme dans le RER, moins excitant que cet art éphémère. Elle espère que certains verront sa petite oeuvre et s’en réjouiront. Avant qu’elle ne disparaisse. Elle monte parfois sur les banquettes pour atteindre le haut de la vitre et compléter son dessin. Elle s’amuse. Elle fait des dessins qui blaguent, qui parlent des voyageurs assis sur les banquettes. Elle leur parle à eux. Elle ne fait pas de tags. Mais elle ne s’en sent pas si loin. La grosse différence, c’est le noir et blanc et le propre et sale. Elle provoque comme ca. Pas avec de grosses lettres colorées définitives. Mais en jouant avec la saleté des autres.
Les moutons de poussière, elle se permet de les admirer quand elle est chez elle. Il y en a plein qu’elle aperçoit sur les quais de Paris. Mais elle ne va pas se mettre à faire la dans se de la poussière en pleine bonne société. Elle fait son ménage, elle récure, et sous le canapé, le meilleur endroit, elle découvre toujours des jolis moutons. Ils ont le nom d’un tout gentil, en plus, d’un tout doux, pas puant, pas sauvage. Alors, les autres aussi pourraient faire un effort au lieu de trouver ça répugnant. Elle s’assoit en tailleur et elle les fait virevolter dans la lumière. Elle regarde la lumière les traverser et les englober. Ils sont fragiles. Comme leurs homonymes. Ils suivent le vent qui passe, eux aussi. Ils se laissent faire, dire et obéissent. Leur dignité n’est pas là. Elle est dans leur volatilité. Ce sont de vrais gymnastes, moins peureux, moins couards que leurs aînés du ciel.
Sur le fait que Satine Glavial soit née dans une poubelle. Ca n’est pas un drame n’est-ce pas ? N’allez,pas en pleurer et trouver tout cela bien sombre. Ni qu’elle aime toutes ces odeurs que personne n’aime. Ce n’est pas grave tout cela. Ou alors on s’épanche aussi sur celui qui, adulte, retrouve en enfance à l’odeur de la lingerie pour bébé et se met à la snifer tout heureux. C’est tout pareil. Juste un enchaînement logique des sens. Juste l’assurance que Satine vient bien d’où elle est née et c’est plutôt une bonne nouvelle. Surtout pour elle.
Il y a aussi, il est vrai que le ménage n’est pas bien rapide avec elle !, les poils de ses chiens et chats. Elle en deux de chaque. Malgré ses bizarreries, elle aime l’ordre. Les animaux par paire par exemple. Et pourquoi pas ? Les poils de chien et chats, de toutes les couleurs, noirs pour Francis le chat panthère, marron glacé pour Marcel le braque de Weimar, blanc et roux pour Maurice le cocker, gris immenses et moirés pour le « chat » Jean-Claude un peu persan mais pas seulement. Elle les mélange tous les poils, elle peut en faire un gros mouton, c’est tout à fait possible. Un gros mouton presque vivant. Les 4 la regardent et s’apprêtent à entamer le jeu du mouton de poils. C’est toujours les mêmes qui gagnent mais tout le monde participe. C’est une institution du dimanche de ménage dans cette famille. On joue à l’attrape-mouton. Qui gagne ? Les chats ? Pas les non. Francis le chat panthère bien entendu. Jean-Claude n’est pas vraiment efficace dans sa chasse. Mais contrairement à nombre de ses congénères, pas susceptible pour un sou. Surtout pour un mi-persan, c’est étonnant. On sait qu’ils sont prout-prout ceux-là. Mais Jean-Claude est aussi de la poubelle, alors il est comme qui dirait quelque peu singulier. En plus, on ne le dit pas tout de suite, parce que ça ne se fait pas de parler en premier lieu du handicapés de stigmatiser la différence, mais il est borgne et les moustaches en moins du côté droit. Il perd l’équilibre et vise à 10 cm près. Bon, pour un chat, c’est du sacré handicap. Mais Francis est un chic type, il le laisse essayer quand même. Donc Francis gagne souvent mais Maurice le cocker peut ébranler parfois sa suprématie. Il est agile. C’est un chien volant. Il décolle les oreilles et ajuste le vol grâce à ces outils subtils. Il se jette d’un meuble. Il n’a pas peur. C’est sur qu’a ce jeu-là Marcel est dépassé. En fait, il joue pour faire plaisir mais avec son grand gabarit, il préférerait un autre sport. Plus musclé. Mais en famille, on s'adapte. Lui aussi c’est un chic type. Ils sont tous chics d’ailleurs. C’est pour ça que Satine les a choisis. Et ils sont tous rigolos. Faciles à la bidonnade.
Après le jeu de l’attrape-mouton, il y a Satine en tailleurs encore qui dessine sur le parquet clair avec les poils de toutes les couleurs. Elle peut faire de vraies fresques, là encore éphémères. Tout le monde sait qu’il ne faut pas marcher dedans ni déranger. Tout le monde se couche autour d’elle et observe. Chacun y participe à sa manière. Chacun est concerné.
Elle finit par finir son ménage quand même. Mais longtemps après parfois.
Sur sa table de nuit, elle garde un mouton d’un peu de tout. Pas sale. Il est dans une bulle de verre, pas d’inquiétude pour les hygiénistes. Un mouton plein de toutes les vies qu’elle trouve chez elle. Il est beau comme un coeur. Elle l’a modelé amoureusement. Et les gens ne savent pas que c’est un mouton. Ils ne se rendent pas compte tellement elle l’a fait beau. Sinon, ils ne lui diraient pas qu’elle est une vraie artiste. Elle regrette seulement de ne pas pouvoir le toucher. Mais on ne touche pas aux œuvres. C’est en gros dans les musées. Elle applique la même règle. Pas folle la guêpe.
Le soir, après avoir fait tourner dans ses mains la bulle de verre et son mouton, elle se borde, elle respire le douillet de son lit. Le douillet sent tellement bon ! Elle s’entoure de ses 4 fidèles. Elle a besoin d’eux pour dormir. Il y en un à chaque point cardinal. Quand elle perd un peu pied, ils se resserrent et font la ronde. Un sur deux, un chien-un chat, un chien-un chat. Sinon, Francis est à l’Est, Marcel au Nord, Maurice à l’Ouest, Jean-Claude au Sud. Ils n’en changent pas. C’est important. Ils ne bougent pas quand elle dort. Cela ne dure pas si longtemps d’ailleurs, pas tellement assez pour les matous. Ils savent qu’elle est légère comme les moutons dans son sommeil et que le moindre souffle la ferait chavirer.
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