Long silence et « Non, je n’imagine rien. »
Une véritable tentative de réflexion, un effort tangible pour chercher en soi la réponse à la question qu’ j’ai posée. En même temps, une sorte d’état suspendu, un peu hébété.
Je reste moi aussi sans respirer ou alors tout doucement, presque comme en état d’inanimation. J’ai beau tourner et retourner mes neurones, les idées ne viennent pas et je ne fantasme ni n’imagine rien de plus que lui, en face dans sa tête qu’il me donne à voir comme vide. Je n’ai pas même l’impression qu’il y a des idées derrière ces yeux et qu’il ne peut seulement pas les attraper. J’ai le sentiment qu’il a la tête vide. Une grosse tête vide. Il est loin d’être idiot, il est même vif et à l’écoute. Mais il est toujours sans réponse.
Lui a-t-on donné des réponses à lui s’il en avait ? A-t-il même pu poser ses questions ? Doit-il se taire ? Est-il muselé quelque part ? Peut-il avoir envie de poser une question et d’entendre la réponse ?
Ce jeune ne s’exprime que par constats. Il fournit des faits, il partage quelque chose, à n’en pas douter, il en a envie, très clairement. Mais vite, ses moyens s’épuisent et il ne trouve plus de quoi nourrir l’échange et la relation. Il s’investit dans la relation et il m’y invite aussi. Mais nous nous retrouvons comme dans l’arène face à face bras ballants. L’arène, sans fauves ni bêtes sauvages. C’est ce grand vide imaginaire et fantasmatique, ce grand espace rond te sableux, lisse et potentiel où tout un public pourrait nous regarder et attendre des minutes entières répétées toutes les semaines que nous bougions. Nous restons immobiles lui et moi, gelés, sans malaise pour autant. La relation est directe et simple. Mais elle est d’une platitude désarmante.
Je cherche dans mes propres ressources et j’oublie à son contact tout ce que j’ai même à ma disposition, à l’intérieur de moi. Ce n’est pas que j’ai du mal à choisir mon outil, ma pensée ou autre. Je ne sais plus comment faire pour penser.
Et je me refuse à penser à sa place. De fait, je ne pense plus du tout. Il est parfois ardu d’accepter la pensée de l’autre et ses manières, ses tours et ses danses. Je prends sur moi et j’ouvre encore un nouveau pan de mon être. C’est un accès que je n’avais pas voulu ouvrir ou que j’avais refermé ou auquel je n’avais jamais pensé, ou qui restait en friches. Mais là, il s’agit d’un tout autre mécanisme. Je suis un nouveau-né sans structures de pensée et je ne sais plus même où chercher.
Cela me fait penser à ces moments de l’enfance et de l’adolescence, fréquents, où à l’école, on nous propose un exercice inconnu. Alors, la question même qui nous est posée nous semble incongrue. Vient à cet instant, le sentiment d’être dépossédé de ses moyens, de ne pas être capable, compétent au sens propre. Et sur le moment, cela est réel. Je me sentais, dans ces moments-là, comme quelqu’un qui regarde tout autour de lui pour trouver sa route. Sans angoisse profonde. Mais sans moyen non plus. Une espèce de désert instrumental. Les mains vides et la tête.
Il ne présente aucune pathologie, il ne dysfonctionne pas psychiquement. Mais il me laisse sans voix, sans mots, sans intellect. Il m’émeut, il m’attendrit. Il me salue en début et fin d’entretien avec une insistance touchante et significative. Il est présent, il est vivant. Mais nos cerveaux s’arrêtent toujours à un moment donné, en chœur.
La vraie question est la suivante : est-ce moi qui ai envie qu’il se mette à élaborer ? Ne serait-ce que ma propre satisfaction et mon but arbitrairement posé ? Ou en a–t-il le désir aussi ? Cet état des choses lui suffit-il ? Peut-être et je me dois de respecter cela.
La frustration à gérer reste la mienne. A voir comment lui donner sens et ouvrir sur un autre accomplissement.
Me revoilou! Eh oui, ce n' est pas parce que je me "désintoxique" de Facebook que je vais renoncer à te lire...
RépondreSupprimerJ' aime beaucoup la description de l' état...
Bisous