Elle veut oui faire un dessin,
euh oui,
je ne sais jamais qui parle,
si elle dit vraiment oui,
si elle m’entend vraiment,
si elle n’en entend pas d’autres que je n’entends pas moi-même,
des habitants intérieurs
qui lui parlent plus fort
que moi.
Je les imagine
l’insultant
ricanant
et
elle,
tellement accoutumée,
qu’elle ne bouge pas,
qu’elle reste figée dans son sas,
le seul possible
pour elle
pour survivre,
à toutes petites respirations.
Elle s’empare
franchement
de la feuille.
Elle s’y met,
comme si elle se jetait à l’eau.
parce que rien n’est fluide,
rien ne coule,
rien ne s’enchaîne.
Son univers
est un hoquet permanent,
qui l’empêche de finir ses phrases,
la force à lutter contre sa langue
ses lèvres
et toutes ses dents.
Elle dessine en rose
tralala lala !
léger
on pourrait le croire
un rond
un autre rond dans le premier,
deux ronds dans le deuxième rond,
tout s’emboîte.
Les ronds sont fluides
eux.
Puis deux autres ronds
plus haut,
qui sont clairement
des yeux.
Des yeux de cochon
au-dessus d’un groin.
Puis les yeux sont remplis,
grandissent
grandissent,
jusqu’à déborder sur les narines et les remplir
à leur tour,
les noyer
elles aussi.
Tout s’efface derrière le rose ravageur,
qui détruit la forme,
le sens,
le vivant
et ses douleurs.
Le rose ici
d’une chair à vif,
comme une peau retournée,
invivable
puisqu’à l’envers,
inacceptable
puisque c’est l’intérieur au grand jour,
le monde à l’envers.
Il n’y a plus que le premier rond rose,
entame d’une tête cochonne.
J’exprime ma frustration,
envie de taper du pied,
du poing
pour que l’image et son impact
reprennent leur place.
Mais ce n’est ni mon œuvre,
ni ma vie.
Je ne suis qu’un interrupteur,
qui ne marche pas toujours,
et qu’elle n’actionne
que si
elle le désire.
Elle ne le désire pas.
Elle ne peut pas le désirer.
Elle l’a sans doute désiré
sans le savoir
pendant la première minute du dessin,
pas davantage.
Les forces qui recouvrent
ont rappelé leur loi
et dompté
les échappées.
Le rond devient un astre
et ses rayons
poussent
peu à peu.
Ils commencent par pousser,
germer, pourquoi pas ?
Puis ils inondent,
se tassent,
s’entassent
dans un espace bien trop étroit
pour leur nombre
aberrant.
Un déséquilibre
qui fait
tiquer,
claquer les langues
et compatir.
Et c’est un vrai cancer
qui se propage,
sans s’arrêter,
les rayons dardent
et sortent des mains,
obligatoires.
Ils doivent ne rien laisser
s’insérer
entre leurs racines,
être en rangs
pas serrés
en rangs collés.
Et attention !
Le trou,
la brèche,
l’espace sur la feuille blanche,
ce blanc immaculé
c’est l’appel à la pénétration et à l’effraction.
C’est la virginité intouchée
dont le père abuseur peut s’emparer et modeler à son sens.
Et faire perdre tout le sens de l’être qui
se trouve
manipulé
comme un vulgaire objet.
Comme si elle
n’était qu’une coquille vide
sans esprit,
inhabitée.
Alors,
elle remplit l’espace blanc de la feuille
à dessiner
avec
des traits
compacts,
les uns au contact des autres,
sans pouvoir respirer
entre eux,
toute aspiration est encore un espace offert au remplisseur
dévoreur
ogre
paternel.
Avec
aussi
des couleurs,
une couleur,
la plus vivante possible,
qui brille plus fort
que le symbole solaire
qu’elle masque
et montre à la fois.
Cette puissance du psychisme
qui se défend en
exposant ce qui est censé ne pas
exister,
du moins,
être atténué
jusqu’à l’invisibilité,
être
rangé
dans un tiroir
qu’on n’ouvre pas.
Ce fameux tiroir
propre et figuré
qui brûle les doigts,
qu’on laisse s’empoussiérer.
Ce combat
si intense
du psychisme
qui luttera
jusqu’au bout de ses forces
en étant incapable d’être malhonnête.
On pourrait dire qu’il l’est
puisqu’il inscrit et recouvre
dans le même temps.
Mais d’abord,
et avant tout,
il inscrit.
D’une manière ou d’une autre,
il portera l’empreinte
au sol
au corps
au ciel
au cul
de la blessure
et
du persécuteur.
Le soleil est immensément
douloureux,
sa brillance
s’étend,
au-delà des tentacules
mal intentionnées
même rose bonbon
layette
ou PQ.
Un rose écœurant,
un rose sale,
un rose qui dégueule
un rose porcin.
Un rose qui donne envie
de noir.
Un rose qui agresse
qui n’est plus à sa place.
Qui prend tout la place
dans son impudique nudité.
Un rose
agressif de
chair et de peau.
le grand soleil est là pour lutter
tout comme il est l’ennemi,
et tout s’entremêle,
mais aussi grand
que sa forme s’étale,
le rose dégouline.
Ce n’est pas du sang,
c’est pire que le sang,
c’est le corps à corps
obscène.
La blessure n’est pas ouverte.
Elle toupine
comme une enragée
dans l’intérieur
ravagé,
déserté
dorénavant.
Adviendra-t-il
une nouvelle vie
après la mort ?
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