La nuque saigne
instantanément.
J’ai fermé les yeux
et enlevé l’écharpe
et tous les foulards
accumulés.
Je n’ai pas froid.
Les yeux clos
pas davantage.
Je viens de sentir
qu’ils me cartonnent
contre bien d’autres
dangers.
Pas les yeux.
Les entourloupeurs
cervicaux.
Je les garde
sur la peau
la vraie
la tremblante
la peureuse.
Ma peau
est une grande folle.
Elle décuple
les maux.
elle dit tout
l’ineffable.
Tout ce qu’on
aimerait
ne pas exister.
Ce n’est pourtant
pas
au cou qu’elle
est la plus
susceptible.
Il y a là
un autre
et sérieux
problème.
La nuque à nu
saigne
instantanément.
Elle ne saigne pas
seule.
Pas de système
automatisé.
Elle est saignée.
Le boucher est à l’affût.
La lame est aiguisée.
A peine la nuque
vulnérable
découverte,
le boucher entaille.
Il ne découpe pas,
ne déchire pas.
Un beau coup de couteau
suffit
à briser
l’équilibre
et faire tomber
le chef.
Il s’écrase sans
grâce
à terre.
Il roule
ridiculement.
Il tourne comme une
toupie
à l’agonie,
toujours plus sur
lui-même.
Il cessera tout mouvement,
à gauche du corps
prêt à faillir
à sa suite.
Quand j’ai fermé les yeux
et enlevé l’écharpe
et tous les foulards
accumulés,
la lame a filé
comme l’éclair.
J’ai refermé les yeux
et tout enlevé
à nouveau ;
la lame a brillé
toujours aussi
clair.
Pas d’accalmie
à l’horizon.
La nuque saigne
quoi qu’il arrive,
même après dix reprises
ouvert/fermé
les yeux.
Je devrais dire,
la nuque se fend.
D’un coup sec.
Propre.
Jamais le coup ne
s’abat de
côté
ou
de face.
Il est derrière.
Bonne parano.
Le coup
pourtant
n’est pas mesquin,
n’est pas méchant.
Il est félin.
Il est sauvage.
Et nécessaire.
Il doit exister.
Moi-même
sans doute,
moi seule,
sûrement,
je ne peux pas faire
sans.
Je ne vois personne
au bout
de l’arme.
Peut-être qu’il n’y a
personne
en effet.
Le boucher est un
ogre.
Je suis un petit
poucet
à la nuque
tranchée
nette.
Et ce n’est pas le monde,
le vrai
qui me frappe
au cou
par derrière,
chaque fois que
je ferme les yeux
et enlève l’écharpe
et tous les foulards
accumulés.
C’est l’univers de tous
les possibles.
Et la tête roulée
au pied gauche,
peut raccrocher
son socle.
Elle le pourra
quand
le froid
et le coin
se dissiperont.
Quand je ne gèlerai plus
sous le soleil
tranquille
des latitudes
tempérées.
Je brandirai
les talons
et abaisserai
les sourcils.
Je serai
pile poil
dans l’enveloppe.
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