dimanche 22 janvier 2017

De Carotte à Piment

            En lettres et mots, pour l'instant, j'essaye de l'accuser en public, Carotte, de la haïr devant tous, Carotte naine mais perverse. J'essaye de la faire revivre et de l'entendre à nouveau pour la haïr avec témoins, témoins lecteurs, ceux que je préfère au-delà de tous car ils prennent le temps et ils aiment ou non. Ils n'assistent pas passifs à une haine ou une adoration. Ils la trouvent ou sublime ou ridicule. Ou simplement intéressante pour les plus professionnels.
Cela résoudrait-il à terme l'histoire de pardon ? Ou devrais-je dire mon histoire avec le pardon. Tendre l'autre joue, certainement pas. Ou même lâcher la proie, tout simplement. Sûrement pas non plus.
Patate en germe harcelée par Carotte folledingue, c'est être au milieu d'une horde hostile de congénères. De congénères oui. On croit que l'espèce se protégera des autres. Mais bien oui ! L'homme est un loup pour l'homme et on utilise là ce pauvre loup beaucoup plus solidaire et fraternel que n'importe lequel d'entre nous, qui plus est en pleine légumescence. Quelle plaie que la légumescence... Mais chacun y passe et y laisse des plumes, parfois un membre, une aile entière pour ne plus voler ensuite ? je ne sais pas. En tout cas, voler autrement c'est sûr et parfois plus lourdement pour toujours. Enfin, on dit pour toujours pour le dramatique mais en vrai, il n'y a pas de pour toujours. Ca n'existe pas réellement. Oui j'affirme sans précaution. Parce qu'avec des pour toujours, on se tirerait une balle dans les deux secondes. Pensez-y quelques minutes et vous verrez que très vite, très très vite vous aurez envie de tout arrêter pour toujours. Alors, petite parenthèse, mais mariage avec tout le tralala et pour toujours, c'est mortifère au dernier degré. Vous me direz, c'est une façon de parler ! Tu t'accroches aux mots propres et tu as un parti pris, c'est trop facile de raisonner comme ça. Eh bien que l'on emploie d'autres mots alors ! Bordel ! Qu'on fasse un peu attention à ce qu'on dit ! C'est pas compliqué quand même ! On peut avoir envie d'un pour toujours jamais toujours comme ça. Mais alors, il faut le préciser. Juste le pour toujours, et toutes les nations du monde explosent les taux de suicide du Japon et de la Finlande réunis.
Passons-là cette digression MariageetPourToujours. Patate est au milieu du cercle. Elle n'a rien demandé, elle ne veut pas qu'on la regarde. Elle voudrait se cacher sous un immense niqab mais alors ça n'existe pas dans ces contrées-là et de toute façon, elle n'aurait pas osé. Elle se contente de se prendre pour un oignon et d'accumuler les couches, en les ôtant le moins possible, le moins souvent, le plus discrètement possible. Mais cela ne change à vrai dire pas grand-chose. C'est un peu efficace pour sortir de chez soi et ne pas se chier dessus tout de suite mais de retour le soir, Patate se dit qu'elle n'a vraiment pas trouvé la solution. L'oignonite rassure mais les suées sont d'autant plus fortes. Et l'odeur ? Et on pue ? On ne le sait pas vraiment. On le craint de toute son âme et on rêve du moment où l'on pourra rentrer chez soi. En fait, Patate se débat toute la journée avec ses pelures, avec ses rajouts, elle les porte en plus de ses boulets. Elle croit, et elle n'a pas tort, que cela va la protéger. En partie oui. Mais cela apporte son lot de gros inconvénients. Elle se couche tôt le soir. Du coup.
Patate au milieu de la horde lève les yeux et regarde hors de son petit horizon. De ses petits ennemis, puissants même si petits. Il y en a des bien plus énormes plus loin. Peut-être que Patate se félicite de ne pas être au milieu de la horde de Piment. Elle est immense et elle est rouge écarlate, été comme hiver. Elle est rouge mais sombre. Elle est aussi sombre que le sang, elle est prête à saigner son prochain, elle est prête à en saigner. Le rouge sanguinolent ne l'effraie en rien. Piment a déjà bien poussé. Non qu'elle soit si grande mais élancé et ambitieuse. Elle n'a pas peur. Elle fait peur à Patate au-delà de tout parce qu'elle n'a peur de rien. Elle n'a rien à perdre. Mais Patate ne le sait pas. Elle est dupe de la force qu'elle exhibe et qu'elle exerce d'ailleurs. Patate en tremble rien qu'à l'apercevoir. Piment est un mystère. Elle brille. Elle montre. Elle roule des mécaniques. Elle sourit peu. Seulement si elle y trouve son compte et on ne comprend pas toujours pourquoi. Elle n'expliquera rien. Elle n'use pas sa salive pour rien. Elle est reine de son petit univers. Elle ne justifie pas. Elle a le droit.
Piment peut-être Patate
au fond.
Peut-être pas si piquante
Peut-être pygmée
trop piétinée.
Piment fièrement
mais les yeux pétris
aussi
de larmes.
Enfant soldat
sous son képi
sans pitié ,
en perdition,
à la guerre chaque jour.
Piment et sa troupe de,
comme elle,
sans foi ni loi,
prêts à partir
en furie.
Pas de panique.
Piment et ses Pimentelles
ont le sang froid
qui ne fait qu'un tour.
Piment est un masque
comme un autre.
Piment peut-être Patate
au fond.
Ou même pauvre Purée.

Carotte ne lui arrive pas à la cheville, quoi qu'il en soit.

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