En lettres et mots, pour
l'instant, j'essaye de l'accuser en public, Carotte, de la haïr devant tous,
Carotte naine mais perverse. J'essaye de la faire revivre et de
l'entendre à nouveau pour la haïr avec témoins, témoins lecteurs,
ceux que je préfère au-delà de tous car ils prennent le temps et
ils aiment ou non. Ils n'assistent pas passifs à une haine ou une
adoration. Ils la trouvent ou sublime ou ridicule. Ou simplement
intéressante pour les plus professionnels.
Cela
résoudrait-il à terme l'histoire de pardon ? Ou devrais-je
dire mon histoire avec le pardon. Tendre l'autre joue, certainement
pas. Ou même lâcher la proie, tout simplement. Sûrement pas non
plus.
Patate
en germe harcelée par Carotte folledingue, c'est être au milieu
d'une horde hostile de congénères. De congénères oui. On croit
que l'espèce se protégera des autres. Mais bien oui ! L'homme
est un loup pour l'homme et on utilise là ce pauvre loup beaucoup
plus solidaire et fraternel que n'importe lequel d'entre nous, qui
plus est en pleine légumescence. Quelle plaie que la légumescence...
Mais chacun y passe et y laisse des plumes, parfois un membre, une
aile entière pour ne plus voler ensuite ? je ne sais pas. En
tout cas, voler autrement c'est sûr et parfois plus lourdement pour
toujours. Enfin, on dit pour toujours pour le dramatique mais en
vrai, il n'y a pas de pour toujours. Ca n'existe pas réellement. Oui
j'affirme sans précaution. Parce qu'avec des pour toujours, on se
tirerait une balle dans les deux secondes. Pensez-y quelques minutes
et vous verrez que très vite, très très vite vous aurez envie de
tout arrêter pour toujours. Alors, petite parenthèse, mais mariage
avec tout le tralala et pour toujours, c'est mortifère au dernier
degré. Vous me direz, c'est une façon de parler ! Tu
t'accroches aux mots propres et tu as un parti pris, c'est trop
facile de raisonner comme ça. Eh bien que l'on emploie d'autres mots
alors ! Bordel ! Qu'on fasse un peu attention à ce qu'on
dit ! C'est pas compliqué quand même ! On peut avoir
envie d'un pour toujours jamais toujours comme ça. Mais alors, il
faut le préciser. Juste le pour toujours, et toutes les nations du
monde explosent les taux de suicide du Japon et de la Finlande
réunis.
Passons-là
cette digression MariageetPourToujours. Patate est au milieu du
cercle. Elle n'a rien demandé, elle ne veut pas qu'on la regarde.
Elle voudrait se cacher sous un immense niqab mais alors ça n'existe
pas dans ces contrées-là et de toute façon, elle n'aurait pas osé.
Elle se contente de se prendre pour un oignon et d'accumuler les
couches, en les ôtant le moins possible, le moins souvent, le plus
discrètement possible. Mais cela ne change à vrai dire pas
grand-chose. C'est un peu efficace pour sortir de chez soi et ne pas
se chier dessus tout de suite mais de retour le soir, Patate se dit
qu'elle n'a vraiment pas trouvé la solution. L'oignonite rassure
mais les suées sont d'autant plus fortes. Et l'odeur ? Et on
pue ? On ne le sait pas vraiment. On le craint de toute son âme
et on rêve du moment où l'on pourra rentrer chez soi. En fait,
Patate se débat toute la journée avec ses pelures, avec ses
rajouts, elle les porte en plus de ses boulets. Elle croit, et elle
n'a pas tort, que cela va la protéger. En partie oui. Mais cela
apporte son lot de gros inconvénients. Elle se couche tôt le soir.
Du coup.
Patate
au milieu de la horde lève les yeux et regarde hors de son petit
horizon. De ses petits ennemis, puissants même si petits. Il y en a
des bien plus énormes plus loin. Peut-être que Patate se félicite
de ne pas être au milieu de la horde de Piment. Elle est immense et
elle est rouge écarlate, été comme hiver. Elle est rouge mais
sombre. Elle est aussi sombre que le sang, elle est prête à saigner
son prochain, elle est prête à en saigner. Le rouge sanguinolent ne
l'effraie en rien. Piment a déjà bien poussé. Non qu'elle soit si
grande mais élancé et ambitieuse. Elle n'a pas peur. Elle fait peur
à Patate au-delà de tout parce qu'elle n'a peur de rien. Elle n'a
rien à perdre. Mais Patate ne le sait pas. Elle est dupe de la force
qu'elle exhibe et qu'elle exerce d'ailleurs. Patate en tremble rien
qu'à l'apercevoir. Piment est un mystère. Elle brille. Elle montre.
Elle roule des mécaniques. Elle sourit peu. Seulement si elle y
trouve son compte et on ne comprend pas toujours pourquoi. Elle
n'expliquera rien. Elle n'use pas sa salive pour rien. Elle est reine
de son petit univers. Elle ne justifie pas. Elle a le droit.
Piment
peut-être Patate
au
fond.
Peut-être
pas si piquante
Peut-être
pygmée
trop
piétinée.
Piment
fièrement
mais
les yeux pétris
aussi
de
larmes.
Enfant
soldat
sous
son képi
sans
pitié ,
en
perdition,
à
la guerre chaque jour.
Piment
et sa troupe de,
comme
elle,
sans
foi ni loi,
prêts
à partir
en
furie.
Pas
de panique.
Piment
et ses Pimentelles
ont
le sang froid
qui
ne fait qu'un tour.
Piment
est un masque
comme
un autre.
Piment
peut-être Patate
au
fond.
Ou
même pauvre Purée.
Carotte ne lui arrive pas à la cheville, quoi qu'il en soit.
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