mercredi 4 janvier 2017

Le pouvoir de Carotte

 La carotte était une petite saloperie, n’allons pas par quatre chemins. Elle manipulait son petit monde avec justesse. Une adresse digne des grands pervers. Ceux dont on ne veut pas croiser le chemin. Elle disait ce qu’elle voulait, une chose et son contraire, elle avait de toute façon raison en tant que. En tant que carotte naine boursouflée me direz-vous ? Eh bien oui ! C’est là le don de ces sublimes pervers que de vous faire trouver beaux et légitimes n’importe quel être, même le plus ridicule. Et Dieu sait si dans d’autres circonstances elle aurait pu être ridicule. Mais personne n’y pensait. Tout au plus, Les Radises, noire et blanche, haussaient les épaules sagement. Les autres étaient toutes prises ou presque dans le tourbillon. Ou je le croyais. Ou je le crois encore. Elles ne s’opposaient en aucun cas à la loi de Carotte. Bien trop dangereux surtout quand on n’est pas fini et que tout est à faire. On ne sait pas ce qui est vrai ou non.
La première conclusion que je tire, c’est que le pervers n’a pas d’âge.
Carotte, fidèle à ce titre que je lui octroie ou dont je l’assomme, je ne sais pas, édictait la Loi. C’était la bonne et la certitude avec laquelle elle la posait, sans violence juste avec un sentiment de droit absolu. Quand on est jeune et vert, il est bien difficile de résister à ce genre de forces tranquilles qui vous happent dans son assurance et ses attaques masquées. On n’y parvient qu’en étant bon pervers à son tour, je crois, ou déjà loin devant. Comme les Radisettes. Je les enviais les Radisettes. Mais je n’en étais pas là. Je ne savais pas piquer ni assumer mes drôleries. J’étais une patate comme on se l’imagine. Comme je me l’imaginais, banale, ronde, tordue, discrète, influençable a nImporte qu'elle sauce. Du moins, c’est ce que j’y voyais et ce que la sorcière Carotte me confirmait chaque jour. Me regardant de haut en bas, messe bassant, juste devant mon nez pour finalement d’une voix doucereuse et folle sans en avoir l’air, émettre l’avis du jour. Comme on écrit en grosses lettres le menu du jour sur l’ardoise du restaurant. J’étais la pâture. La patate-pâture. À vrai dire, rien que de très attendu. Pas de jérémiades ici malgré les apparences. La vérité de l’intérieur d’une patate. Carotte, ma sorcière, vous dirait sans doute bien d’autres choses, intéressantes sûrement. Mais inemboitables avec les miennes. Patate et Carotte naines marchent peut-être sur les mêmes plates bandes ou trop loin pour s’entendre. Je n’en ai jamais plus approché d’autres, quoi qu’il en soit. A peine voyais-je le bout d’une fane derrière un corps orange que je m’enfuyais comme une dératée. À hurler à l’agresseur. J’ai souvent paru dingo. Peu importe. Il ne fallait jamais revoir la même furie.
Elle était détentrice de l’humeur, de la jurisprudence quotidienne, changeante à l’envi bien sûr. Elle ne se soucia jamais d’une quelconque contrainte. Cela n’avait pas de sens pour elle. Et elle riait à gorge déployée  de la peur ou de la soumission des autres léguminescentes aux contraintes des vrais législateurs.
Elle s’était prise pour reine.
Elle ressemblait pourtant davantage au fou du roi.

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