La première conclusion que je tire, c’est que le pervers n’a pas d’âge.
Carotte, fidèle à ce titre que je lui octroie ou dont je l’assomme, je ne sais pas, édictait la Loi. C’était la bonne et la certitude avec laquelle elle la posait, sans violence juste avec un sentiment de droit absolu. Quand on est jeune et vert, il est bien difficile de résister à ce genre de forces tranquilles qui vous happent dans son assurance et ses attaques masquées. On n’y parvient qu’en étant bon pervers à son tour, je crois, ou déjà loin devant. Comme les Radisettes. Je les enviais les Radisettes. Mais je n’en étais pas là. Je ne savais pas piquer ni assumer mes drôleries. J’étais une patate comme on se l’imagine. Comme je me l’imaginais, banale, ronde, tordue, discrète, influençable a nImporte qu'elle sauce. Du moins, c’est ce que j’y voyais et ce que la sorcière Carotte me confirmait chaque jour. Me regardant de haut en bas, messe bassant, juste devant mon nez pour finalement d’une voix doucereuse et folle sans en avoir l’air, émettre l’avis du jour. Comme on écrit en grosses lettres le menu du jour sur l’ardoise du restaurant. J’étais la pâture. La patate-pâture. À vrai dire, rien que de très attendu. Pas de jérémiades ici malgré les apparences. La vérité de l’intérieur d’une patate. Carotte, ma sorcière, vous dirait sans doute bien d’autres choses, intéressantes sûrement. Mais inemboitables avec les miennes. Patate et Carotte naines marchent peut-être sur les mêmes plates bandes ou trop loin pour s’entendre. Je n’en ai jamais plus approché d’autres, quoi qu’il en soit. A peine voyais-je le bout d’une fane derrière un corps orange que je m’enfuyais comme une dératée. À hurler à l’agresseur. J’ai souvent paru dingo. Peu importe. Il ne fallait jamais revoir la même furie.
Elle était détentrice de l’humeur, de la jurisprudence quotidienne, changeante à l’envi bien sûr. Elle ne se soucia jamais d’une quelconque contrainte. Cela n’avait pas de sens pour elle. Et elle riait à gorge déployée de la peur ou de la soumission des autres léguminescentes aux contraintes des vrais législateurs.
Elle s’était prise pour reine.
Elle ressemblait pourtant davantage au fou du roi.
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