La
théorie de l'iceberg ou l'adolescence vivante
Des
personnages attachants, drôles et tendres, ou pas..., nous
entraînent dans leurs rencontres, leurs découvertes, leurs amours
perdues et retrouvées. L'adolescence c'est aussi ça : se
battre coûte que coûte pour trouver un sens et y plonger jusqu'à
la plus grande profondeur de l'iceberg que l'on est chacun.
La
théorie de l'iceberg
n'a rien d'une théorie. Quoi que... Mais du moins pas d'emblée et
il vous faudra lire ce roman jeunesse pour en connaître le fin mot.
C'est l'histoire de N-n-n-oé, mal dans sa peau, solitaire, et bègue
suite à un traumatisme. Et pour couronner c'est sa passion même, le
surf, qui est la cause de ce traumatisme. Trahi par ce qu'il aimait
le plus au monde. Privé de son plus grand plaisir.
La
vie s'est arrêtée là.
Un
heurt, propre et figuré, un choc et les rouages cessent de tourner.
Noé se retire du monde. Il regarde le temps passer. Mais finalement,
cet arrêt sur image ne serait-il pas une de ces fameuses épreuves
qui font grandir ? Les adultes n'arrêtent pas d'en parler comme
de choses évidentes, le psy aussi, bien entendu. « Mais oui
c'est ça bien sûr ! » Sauf que les vieux auraient
peut-être un peu raison...
Dans
ce roman, le récit tourne en triangle avec trois personnages qui
tirent les ficelles. Noé notre héros silencieux et apparemment
immobile, M. Herrera, vieux bonhomme acariâtre et la pétillante
Lorraine. Atypiques, entre fantasques et fantastiques, M. Herrera et
la jeune fille s'entrechoquent chacun avec Noé comme deux sphères
qui se nourrissent l'une l'autre et repartent ensuite pour leur
trajectoire.
Christopher
Bouix fait l'éloge de la rencontre. Il s'avère au fond qu'il n'est
pas toujours nécessaire de plus de quelques semaines pour rencontrer
quelqu'un et se rencontrer soi-même à travers lui. Comme la comète
Feuerstein qui traverse le ciel quelques secondes et tient Lorraine
en haleine, et peut-être en vie, en tout cas dans l'envie.
Ce
livre narre également ce que veut dire rebondir, « se cogner
au monde » à nouveau et encore pour se construire, parce que
sans ça, on en crève. Noé est un personnage attachant qui, en
plein désamour de tout, reprend vie, d'abord parce qu'il se bat sous
ses airs impassibles. Il se saisit des occasions, toutes celles qui
passent ou presque, avec une vraie énergie vitale que lui-même
ignorait. La théorie de
l'iceberg parle de ce
dont on est capable sans même s'en douter un instant.
Bien
entendu, des adolescents étant les héros, la question de la place,
de l'être au monde est de rigueur. Rien de très inattendu. Passage
obligé. Mais là encore, pas de théorie, pas de leçons, pas
d'insupportables et parfaitement inutiles « Il faut y'a qu'à ».
Avec finesse, on s'aperçoit que l'auteur construit sur un ton
innocent et faussement naïf un parcours initiatique. Noé part à la
quête du sens. Par nécessité alors on ne se dit pas qu'il part
trouver le monde. On se dit qu'il traîne sa vie. Et puis, d'un coup
il traîne moins, et encore moins. Il grandit. Fait des deuils, des
découvertes. Des premières fois. Il est adolescent en somme.
Avec
finesse et tendresse, sans jamais être ridicule, car veille ce
regard acéré de l'adolescent qui voit le ridicule et la honte à
peu près partout, La théorie de l'iceberg narre le devenir à
15 ans. Sans émotion capiteuse ni flagellation excessive, du doigté
et une justesse du point de vue adolescent. Et une adolescence
vivante et prête à. La théorie de l'iceberg conte la quête
du sens, de son propre sens, et la résout avec tendresse et douceur,
ce qui manque souvent cruellement à l'adolescence et surtout aux
livres qui parlent d'elle.
Christopher
Bouix, La théorie de l'iceberg – Editions Gallimard
Jeunesse – 9782075107235
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire