dimanche 30 juin 2013

L'héritage

Pas le choix, pas toi qui décides.
Elle se répète en boucles infinies ces phrases opérant saccadées l'interminable tour de cerveau. Elle les regarde précieusement pour ne pas croire qu'elle est victime, qu'elle va s'affaisser comme un vieux slip tout sale au milieu du salon indécente. Ou alors, au pire, comme un tas de crottes gluant comme du riz trop cuit. On l'a trop cuite elle aussi, c'est sûr. Ça a grillé des neurones, elle n'est pas comme les autres, il lui manque une case. C'est une énergumène et la mère y a laissé sa peau. Elle lui a brûlé le corps définitivement. Elle l'a enflammée en sortant d'elle et elle s'est consumée pendant une longue année a petit feu. Le cœur du brasier sanguinolent s'est étendu de l'origine du monde jusqu'aux cheveux et orteils. Il en a survécu un petit tas de cendres, assez ridicule pour une mère abandonnant ses quatre enfants. 
C'est comme ça qu'on lui a raconté : une mort absurde toute exiguë. Peut être que c'est pour cela qu'elle aussi à son tour, elle se sent se tasser. C'est inscrit dans ses gènes. C'est son délicat patrimoine, ce à quoi elle a droit, ce qui la rend légitime. Le problèmes reste entier : résister à la fatalité du tas ou la laisser s'emparer de soi parce que l'on sait que çela surviendre, plus ou moins, rapidement ou pas, mais à la fin, on sera amorphe et bien vivant. 
Elle sent son intestin où se livre une guerre sans fin. Elle aussi ça l'a brûlée. Cela n'est pas Dieu possible de faire tout comme sa mère qui n'a même pas la courtoisie d'être là, qui n'assiste pas  aux  représentations de sa progéniture !
Mais quand même, il y a cette satanée différence : ce n'est pas un tas de cendres qu'elle devient, c'est de la belle bouse croutée. Bah ! Bouh ! Ah ! Haut-le-cœur ! des spectateurs ? Il n'y voient rien ! Dans sa poitrine ? Sa gorge à elle, qui s'ouvre ? Eh oui voilà ! Elle se nauséabonde et la maman fugueuse admire d'un sourire bienveillant comme toujours. Ne t'inquiète pas ma fille. Ne t'inquiète pas ta fille ?! Je ne m'inquiète pas, je bouse ! Toi tu contemples immobile, tu ne sers vraiment à rien, même crevée. 
Et elle poursuit la route d'une autre comme si elle lui rendait hommage. Drôle de reconnaissance qui en passe par la métamorphose merdeuse ! Elle n'y comprend pas grand-chose mais elle sait qu'au fond, elle y est attachée. Ce tas insensé lui confère au moins une certaine absurdité qui n'est pas sans la rassurer sur son existence.
Vivons merdeuse, vivons heureuse !

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