Les larmes en rouleaux juste au bord, gonflée de fiel de révolte et de chagrin étouffé jour et nuit depuis la tendre enfance. Parlons donc de la tendre enfance ! Bercée de cris mesquins et d'ordres insensés, elle se pique, fendue blessée au couffin qui l'accueille, émaillé de clous acérés et sans pitié, aiguisés carnivores. À peine née, on fait d'elle un fakir à la peau trop fragile pour ne pas se laisser transpercer si profond qu'on en atteint la moelle. Subtile œuvre de vie. Elle existera tout du long jusqu'à l'horizon parsemée d'empreintes sales et honteuses, crevasses d'une mal-aimée aliénée à son impuissance à faire chanter la mère. Elle aura tout tenté, du plus brillant sourire aux plus vrillages des pleurs, un jour attentive et câline, le suivant mi-figue mi-raisin clopin-clopin mal à l'aise, celui d'après timide retirée et patiente, le dernier dos au monde abattue désolée pour finir enragée inerte et baveuse.
Engagée dans un cirque, elle fera l'attraction, enfant jamais grandie, trouée, insensibilisée aux lames et aux dards, diaphane increvable et docile. Un bébé de trente ans puissante comme la lune et captivante comme Bouddha, désertée dépeuplée. Captivée par l'abîme perceur de la hargne et la rancune lancinante qui lui ont ôté son cœur, laissé pantelant sur le coin d'une falaise. Avant l'immense saut de la sérénité. Un dernier vide que celui de son sein gauche qu'elle ignore virginale, se sentant plus légère, dans l'enivrante descente du salut de son âme, qui enfin lui arrache un rire satisfait.
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