dimanche 17 janvier 2016

Ne me dis pas qui être !


Il allait mourir et il dit quand même quelque chose ce jour-là , quelque chose qui la mit dans une rage de folle : « Vis ta vie ma toute belle et profite, vite. Avance sans moi. Je serai ton ange gardien. Aime les autres et apaise-toi. Ma fin n'est pas la tienne. »
 
Elle eut presque la bave qui lui coulait des lèvres,
la pisse qui réchauffait ses jambes
et tous les sphincters qui lâchaient
de surprise
et colère.
Elle entendit bourdonner
ses oreilles,
et sentit vaciller
ses pupilles.
Les fourmis auraient prendre possession
de tout son corps
et la faire
poupée de chiffon.
Mais la colère,
la haine,
précisément à ce moment-là l'emporta.
La haine de ces mots écœurants.
Elle eut un haut le cœur.
Elle eut une mine de dégoût.
Elle eut envie de hurler entre ses larmes
« Espèce de connard de mourant ! »
Elle ouvrit la bouche pour lui répondre,
lui cracher au visage qu'on
n'oublie pas son premier amour,
n'oublie jamais les coups de hache dans le cœur
et la sanguinolence,
ne s'apaise jamais cette pute
de tragédie.
Elle ne dit pas tout ça.
Elle dit,
les yeux dangereusement noirs :
« Reste à ta place de mourant,
mon p'tit pote !
Ce n'est pas
toi
le survivant.
Je ne m'apaiserai
jamais
de cette merde-là.
Je ferai
avec et contre.
Et j'avancerai
avec et contre.
Tu seras ce que je veux
que tu sois.
Tu ne seras plus là
pour me connaître.
Alors, ne t'avance pas,
toi,
et laisse-moi
prendre le mort
que tu seras
sous le bras,
et trouver mon chemin.
Et si,
jamais,
je ne peux
ni ne veux
m'apaiser,
parce que tu seras devenu
mon vent et mes marées,
tu ne te retourneras
pas
dans ta tombe,
vieux squelette.
Tu n'auras plus
aucun mot
à dire.
Juste peut-être
à regarder
d'en-haut,
si j'y crois encore
après toi,
et à
Peut-être que plus tu seras
et mieux
je serai
moi.
Laisse les vivants survivre
et pleurer leur frère d'or. »
Il ne dit rien pendant
quelques minutes
et puis :
« ton vent et tes marées ».
Et elle se leva
le cœur moins lourd
de son énorme
colère.
Il lui sourit et l'aima
en un éclair
plus fort que jamais :
« Ma sœur adorée ».




















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