Il
allait mourir et il dit quand même quelque chose ce jour-là ,
quelque chose qui la mit dans une rage de folle : « Vis ta
vie ma toute belle et profite, vite. Avance sans moi. Je serai ton
ange gardien. Aime les autres et apaise-toi. Ma fin n'est pas la
tienne. »
…
Elle
eut presque la bave qui lui coulait des lèvres,
la
pisse qui réchauffait ses jambes
et
tous les sphincters qui lâchaient
de
surprise
et
colère.
Elle
entendit bourdonner
ses
oreilles,
et
sentit vaciller
ses
pupilles.
Les
fourmis auraient prendre possession
de
tout son corps
et la
faire
poupée
de chiffon.
Mais
la colère,
la
haine,
précisément
à ce moment-là l'emporta.
La
haine de ces mots écœurants.
Elle
eut un haut le cœur.
Elle
eut une mine de dégoût.
Elle
eut envie de hurler entre ses larmes
« Espèce
de connard de mourant ! »
Elle
ouvrit la bouche pour lui répondre,
lui
cracher au visage qu'on
n'oublie
pas son premier amour,
n'oublie
jamais les coups de hache dans le cœur
et la
sanguinolence,
ne
s'apaise jamais cette pute
de
tragédie.
Elle
ne dit pas tout ça.
Elle
dit,
les
yeux dangereusement noirs :
« Reste
à ta place de mourant,
mon
p'tit pote !
Ce
n'est pas
toi
le
survivant.
Je ne
m'apaiserai
jamais
de
cette merde-là.
Je
ferai
avec
et contre.
Et
j'avancerai
avec
et contre.
Tu
seras ce que je veux
que tu
sois.
Tu ne
seras plus là
pour
me connaître.
Alors,
ne t'avance pas,
toi,
et
laisse-moi
prendre
le mort
que tu
seras
sous
le bras,
et
trouver mon chemin.
Et si,
jamais,
je ne
peux
ni ne
veux
m'apaiser,
parce
que tu seras devenu
mon
vent et mes marées,
tu ne
te retourneras
pas
dans
ta tombe,
vieux
squelette.
Tu
n'auras plus
aucun
mot
à
dire.
Juste
peut-être
à
regarder
d'en-haut,
si j'y
crois encore
après
toi,
et à
Peut-être
que plus tu seras
là
et
mieux
je
serai
moi.
Laisse
les vivants survivre
et
pleurer leur frère d'or. »
Il ne
dit rien pendant
quelques
minutes
et
puis :
« ton
vent et tes marées ».
Et
elle se leva
le
cœur moins lourd
de son
énorme
colère.
Il lui
sourit et l'aima
en un
éclair
plus
fort que jamais :
« Ma
sœur adorée ».
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