mercredi 12 février 2014

Coucher serein (41)

Elle doit encore tenir quelques minutes, parce que 22h28 est l’heure du commencement de la préparation au coucher. Ce n’est pas l’heure où l’on ferme les yeux. Enfin. Encore quelques instants interminables de lutte. A ce moment-là, remarquez, elle a presque comme un sursaut d’énergie. Elle s’en surprend toujours, toute seule. C’est sensationnel
Ascensionnel
Scancionnel
Sanctionnel
Sempiternel
la vie quand même. Pour peu que vous n’ayez plus rien à travailler
soulever
traquer
frapper
chasser
abattre
étrangler
poignarder, les forces reviennent et se bousculent même comme aux portes du spectacle qui ouvre. Elles renaissent parce que c’est pour un simple pic et que la flemme de plus ! faut pas pousser Mémé dans les orties, qu’elles disent. Ce sont des rustres et Anna, elle n’essaye pas vraiment de négocier avec elles. Elle sait que c’est peine perdu. Elles sont bornées et même si elles pourraient, elles ne feront pas l’effort. Elles décident ce qu’elles veulent. Et puis basta. Donc, elle fait avec.
22h28, heure pointue, elle est en équilibre après son harassante montée sur la pente du début de soirée. Elle sautille en funambule
fumeuse
enfumée
floue
fantôme
la descente s’annonce. Manège à sensations, ces soirs-là puisque la résistance a été si forte. Pas les douces roulades sur l’herbe moelleuse. Le train de l’enfer qui descend à pic fond caisse jusqu’aux confins de la vallée. On n’en voit pas le bout parce qu’avant d’avoir touché le bout, on sera enterré par Morphée. Morphée le terrorriste
le trapéziste
le droguiste
drogueur
drogué
vieux camé qui camisole le monde une fois son oppresseur Soleil disparu pour quelques heures. Elle le hait et elle l’attend depuis ce matin au réveil. Elle sait que comme Mesdames les forces, il est maître de son cycle et de son influence. Elle n’y pourra jamais rien. Elle se bat autant comme autant contre lui. Et tous les autres. Dont on ne parlera pas maintenant. Sinon le texte n’en cessera jamais, il y a
la rage
la femme
la poule
et la pute
l’amour
la honte
la norme…
non mais ! arrête-toi !  on a dit pas maintenant ici, c’est pas le moment. Quand il est parti celui-là ! Le problème avec tous ces adversaires, c’est bien qu’ils se présentent chaque jour comme si de rien n’était de la veille. Ils se régénèrent comme des salauds de phœnix. Elle soupçonne Morphée d’être leur pourvoyeur de dope. Elle ne voit pas autrement puisqu’ils devraient avoir lâché la grappe depuis le temps. Elle y met du cœur à les écrabouiller. Purée le soir avant l’attaque du dernier assaillant. Mais dignes et érigés le lendemain frais dispos. Ca l’énerve.
Ca l’énerve
Ca l’énerve.

Les ablutions accomplies proprement, elle plonge dans le vide. Elle s’entraîne pour Euro Disney, elle pourra peut-être bientôt faire les trains looping.
Le corps parfaitement immobile.
Anna qui dort est une morte en sursis.
Ce soir-là, ce 28-là, a été trop dur, elle doit l’admettre. Elle était vibratoire toute la journée. Elle laisse la victoire facile à Morphée l’enculé. Elle se contente de l’insulter. Elle n’a plus la colère qu’il faut ce soir.

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