mardi 11 février 2014

Crépuscule tortueux (40)

Elle lutte la nuit pour ne pas s’endormir avant 22h28. Il faut résister et maintenir les paupières à pinces à linge.
Exercices palpébrales braux
En rythme
En mesure mais pas trop non plus
La pulsation anesthésie
On se laisse bercer
Si pas piquante.
Alors, elle calcule habilement son enchaînement
Ruptures cubistes et mélanges des genres
A intervalles irréguliers.
Télévision qui doit attiser le désir et nourrir le plaisir. Ouvrir l’appétit de la suite jusqu’à 22h28 au moins. Quand le combat se fait trop rude, elle se remémore les séances d’orthoptiste et se muscle les miradors, obligée d’être en alerte. Elle se pose des défis oculaires. Le pot de fleurs dans l’angle tout à gauche presque hors d’atteinte ; le pied du lit tout au fon derrière tous les obstacles fondu dans le mur. Bon, c’est certain, la télévision est un peu délaissée pendant ces interludes sportifs. Mais elle peut s’arranger pour les caler au moment des publicités. Parfois, elle doit rajouter des sessions entre les plages pub. Le pire du pire ; c’est 20h27. Il reste plus de 2h et le film n’a pas même commencé. Il faut s’agripper à un documentaire ou une série idiote qui donne très envie de lâcher le morceau. Ce n’est pas que les documentaires l’ennuient, loin de là. Mais déjà que les yeux sont en berne, les neurones ne suivent pas tout seuls. Il leur faut des globules en béton. Les documentaires qui fonctionnent ces jours et soirées-là, ce sont les jungles et guerres. Pas guerre en noir et blanc, là c’est le somme assuré. Mais guerre avec giclage et description des tortures. Là encore, ne nous leurrons pas. Ce n’est pas qu’elle aime cela. Mais elle ne peut pas s’assoupir devant ce genre de courses à l’ennemi. Ca lui en dit trop l’ennemi. Le monde est un nid d’ennemis. Elle les voit défiler sous son front qu’elle sent gigoter. Comme si des petites bêtes se déplaçaient sous la frange. Heureusement qu’elle a une frange, on ne pourrait pas la voir, elle est seule mais si cela se mettait à arriver en pleine réunion. Nul ne sait… Ca gigote parce qu’il y a tellement d’images qui se bousculent, plus vraies que nature ! Y en a, c’est l’abdomen qui gonfle. Elle c’est les sourcils and Co.
Mal de mer
Haut le cœur
En sommet de corps
Front chaviré
Perdu la barre
Les oreilles maintiennent cap
Coûte que coûte
Les yeux s’écroulent
s’encroutent
sous les lourdasses
qui font les couvertures.
Mais j’ai pas froid aux yeux !
Je veux pas de réchauffement !
Elle gueule
Comme un veau
ça a le mérite de
rendre les paupières furibardes.
Elles se mettent à chanter en vibratos,
shocking my dear !
Mais au moins les pupilles sont libérés
d’infantilisation.
La camisole de l’âge.
On se trompe toujours sur celui qu’on accuse
d’ailleurs.
Le bel âge et le grand âge
pour pas dire le sale.
Elle trouve ça plutôt ingrat
en début de carrière.
Bref, tous ces événements réveillent bien, les réflexions alambiquettes qui vont avec. Partie des yeux qui se ferment, elle en arrive à une philosophie des âges. Mais il ne faut pas que cela dure trop. Elle pourrait prendre le rythme là encore. Elle s’inspire des techniques de torture. Non et non ce n’est pas qu’elle veut se faire du mal. Psychologie à la noix. Heureusement qu’elle est un peu plus compliquée que ça quand même. Parce que dans la torture, on empêche le bonhomme de s’habituer, d’avoir le temps de trouver un compromis. On le trimballe d’univers en univers. Un Super Mario réel, à chaque plateforme ses monstres et ses dangers. Elle peut aussi dire qu’elle s’inspire de Mario, c’est vrai. Mais c’est moins parlant. Et puis, c’est peut-être pour ça, mais c’est pas de tout repos de s’empêcher de dormir. Elle a des petits instants d’inconscience, elle sombre. Mais sa volonté est une folle et elle aura toujours le dernier mot. Donc, elle se reprend très vite, en se faisant fouetter sans concession. Ca claque dans la tête. Et hop ! elle se redresse. On dirait un jeu à ressorts.
Coucou
Coucou
Douiiiiing 
Buuuuuuup
Ennnnnn march !
Tac
Clac
Piiiiiin.
22h28 approche et ce qui se passé ensuite sera contée
next page. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire