Aujourd’hui,
Bonjour mais on ne rit pas.
Je souris,
c’est permis.
Bien Monsieur.
J’attends la suite.
Toujours à penser qu’il a
dix-huit wagons
de retard,
qu’il ne les rattrapera pas.
Qu’en tout cas,
il lambine
en route.
Il prend son temps.
J’ai trépigné
en mon for intérieur.
Puis j’ai arrêté de
m’impatienter.
J’ai attendu,
sans trop m’en
rendre compte.
Le voilà qui
se métamorphose.
Le voilà sérieux et grave.
Sans être une victime,
sans être un coupable.
Voilà ce qu’a été ma vie.
Regarde–moi ce gâchis !
Regarde comme j’ai le
droit
d’être
en colère !
Regarde ma colère !
Regarde ma douleur de minuscule
que personne ne console !
Regarde comme on
m’a attrapé
et bien jeté dehors !
Regarde comme on m’a empêché !
Regarde comme c’est injuste !
Regarde mes mains qui
t’expliquent
enfin
qu’on s’est moqué de moi !
On m’a dit :
Tu es bien un enfant,
oui, tu n’as que quatre ans alors tais-
toi donc !
Mais protège-nous adultes fragiles
et titubants.
Chut, ferme ta bouche !
serre tes lèvres !
Sois l’image qu’on attend
de toi !
Pas plus ni moins,
surtout pas moins !
mais jamais plus !
Fais ce qu’on te dit,
mais ne dis rien !
Parle quand il faut
et range ta chambre !
Suis trop petit,
Maman !
Ne m’appelle pas Maman !
Les mots ont fini par
s’épuiser
à force d’être
malmenés.
Le sens ne s’est plus invité
dans ce logis.
Il a avancé
jour après jour,
tête baissée,
sans trop grandir.
Pourtant, ses yeux
sont toujours rieurs.
Il veut rire
s’amuser
avec ses congénères.
rattraper tout ce temps
à pleurer
en silence
derrière
une commode sale.
Aujourd’hui,
les yeux ne plaisantent pas.
Ne plaisantent plus.
On ne plaisante plus
et cela se passe de mots.
Les yeux grand ouverts
appellent à ce qu’ils peuvent
avoir :
leurs semblables
se joignent à eux,
en face
et tiennent jusqu’à ce que
l’immense colère
ait fini
de beugler.
Le sourire,
toujours à moitié là,
s’est parfaitement
envolé.
La bouche tombe
et entraîne son menton.
Tout le visage s’allonge.
les phrases aussi.
Tout devient dense
et brûlant.
Le silence
est brisé.
La peur enveloppe tout.
Il n’a plus honte de
rien.
Il doit
se nettoyer.
C’est le grand ménage de
printemps.
Qu’on ne lui dicte plus
ces ordres impossibles !
Il n’y répondra plus.
Il suivra sa colère.
Plus sa peur.
Je suis grand aujourd’hui,
voilà ma chance
à partir
de maintenant.
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