lundi 29 février 2016

Adèle en corps ennemi


Mon corps est mien.
Mon corps est ma chose.
Mon corps ne doit pas
sans moi.
Il n'est qu'un bout
et moi ?
Il me devance,
il court devant.
J'ai beau sprinter,
rêver de lièvres,
je reste la tortue
qui perd.
La vraie,
pas celle qu'on fait croire aux
enfants,
les pauvres.

Mon corps est un chewing-gum.
Il s'étend,
se rétracte,
s'embullit,
se plaque aux os,
comme il le veut,
sans moi.
Où donc suis-je tombée ?
J'ai perdu les manettes
du vaisseau
qui me colle à la peau.
Il fait des va-et-vient
à sa guise,
des pirouettes,
des loopings,
ou reste satanément
épuisé
quand j’attends tout le
contraire.
Je ne suis plus
rien,
je suis une autre,
une autre m'habite
et me tire par le bout du
nez.
Je suis un ballon
qui gonfle
et
se dégonfle
dans tous les sens.
J'en perds le nord,
depuis longtemps
bien sûr.
J'en appelle au
frère en boîte.
Il ne dit rien.
Il ne fait rien.
Je suis un jouet
dans les paluches
de qui donc ?
Il ne s'est pas même
présenté.
Peut-être parce qu'il ne
parle pas encore,
que c'est de l'intérieur
d'un utérus
qu'il tient les rênes.
Qu'elle ne veut pas l'entendre
le bébé qui l'a choisie.

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