La
soirée se passe étrangement. Agréablement. Flo sait qu'il dormir
toute la journée du lendemain. Il sait d'avance qu'il sera épuisé.
Il tracte jusqu'au plus profond de ses ressources pour s'adapter. Il
est dans un autre monde, un vrai autre monde, comme dans un dessin
animé, il a passé une barrière, il est de l'autre côté du mur,
de l'autre côté du miroir. Il peut voir les deux côtés, sait
qu'il appartient au premier mais est irrésistiblement attiré par le
second. Jana le traîne partout où elle va. Elle ne fait pas un pas
sans lui. Il pourrait être son gamin, son chien ? non ce serait
mal interpréter ses attentions, son mec. Mais c'est encore autre
chose, une espèce de parrainage. Elle est sa marraine, elle
l'introduit dans un nouveau monde et l'accompagne comme un
tout-petit. Il se laisse faire. Il n'en a pas l'habitude. Marc a
complètement raison. Il se laisse aller enfin, cesse de jouer au
bouffon. Il regarde avec curiosité, sans filtre ceux qui l'entourent
et tout ce qui se passe. Il ne comprend presque rien mais sent une
atmosphère saturée de symboles qui l'enveloppe. Il y est au chaud.
Il ne s'ennuie pas une seconde et pourtant, rien ne lui est
accessible ou presque. La musique est tellement forte que ceux qui
tentent de lui parler s'époumonent vite et lui-même se lasse. Tout
le monde met fin à l'échange de conserve sans s'en tenir rigueur.
Au bout de quelques heures, Flo prévient Jana qu'il va prendre l'air sur le balcon, avec quelques décibels en moins. Il fume, appuyé face à la fenêtre coulissante. Il observe la scène à travers les volutes de sa fumée. Il est étourdi par le bruit, l'inconnu, son ventre vide et la nicotine à laquelle il n'a pas touché depuis 16h. Il a un sentiment d'irréel. Il observe les mains danser dans la pièce, s'entrecouper, s'entrelacer sans se toucher, les yeux dans les yeux, les yeux loin des mains parfois parce qu'ils sont chacun incroyablement indépendants. Il ferme les yeux et écoute ce qu'il perçoit. Une musique au volume assourdissant, à peu près normal une fois la fenêtre vitrée fermée en travers. Des rires, tous extraordinaires. Au sens propre du terme. Tous singuliers et uniques. Il y a beaucoup de rires et aucun ne se ressemble. Il n'avait jamais fait autant attention au rire des gens. Ceux-là lui semblent comme celui de Jana, d'une authenticité nécessaire. Quelque chose d'évident. Peut-être que les autres le sont toujours. Mais il ne les écoute pas. Il regarde les sourires et écoute les mots. Là, il ferme les yeux et il écoute les rires. Certains sont presque inaudibles. D'autres tonitruants. Comme tous les rires, direz-vous. Oui, comme tous les rires. Sauf que. Quelque chose tout de même les distingue. Ceux-là n'ont pas de case. Ils ne rentrent pas dans les catégories connues. Vous avez ceux qui rient en cochon, ceux qui rient étouffés, ceux qui rient déployés, ceux qui rient en hoquets, ceux qui rient en cascade. Vous pouvez les décrire. Ceux-là en font partie bien sûr, avec peut-être un peu plus de variantes aux sonorités moins socialement esthétiques ou moins contrôlées tout simplement. Mais c'est autre chose en plus. Il a les yeux fermés. Lui qui aime à toujours tout pouvoir voir tente le grand saut. Il essaye sans les yeux. Le vélo sans les mains. Flo a envie de rire ou de pleurer. Il ne sait pas. Il ne pleure pas de joie. Il ne connaît pas ça. Il ne le dit pas pour ne heurter personne mais il trouve ça absurde. Les larmes ne sont pas faites pour ça pour lui. Les autres sont libres bien entendu. Flo n'est pas à l'aise face à ces larmes-là, il pourrait peut-être l'avouer. Mais sur ce balcon, en pleine nuit, froide, la clope aux lèvres, il a envie de pleurer, les paupières closes, sans sommeil, à écouter les rires les plus vrais qu'il ait jamais entendus. Face à cette réalité, il ne fait pas exprès mais il ne peut plus se permettre de jouer, de rire à sa façon. Il doit trouver une autre manière. Un horizon vierge s'ouvre devant lui. Il doit tout réapprendre. Et ses larmes ont alors un sens.
Au bout de quelques heures, Flo prévient Jana qu'il va prendre l'air sur le balcon, avec quelques décibels en moins. Il fume, appuyé face à la fenêtre coulissante. Il observe la scène à travers les volutes de sa fumée. Il est étourdi par le bruit, l'inconnu, son ventre vide et la nicotine à laquelle il n'a pas touché depuis 16h. Il a un sentiment d'irréel. Il observe les mains danser dans la pièce, s'entrecouper, s'entrelacer sans se toucher, les yeux dans les yeux, les yeux loin des mains parfois parce qu'ils sont chacun incroyablement indépendants. Il ferme les yeux et écoute ce qu'il perçoit. Une musique au volume assourdissant, à peu près normal une fois la fenêtre vitrée fermée en travers. Des rires, tous extraordinaires. Au sens propre du terme. Tous singuliers et uniques. Il y a beaucoup de rires et aucun ne se ressemble. Il n'avait jamais fait autant attention au rire des gens. Ceux-là lui semblent comme celui de Jana, d'une authenticité nécessaire. Quelque chose d'évident. Peut-être que les autres le sont toujours. Mais il ne les écoute pas. Il regarde les sourires et écoute les mots. Là, il ferme les yeux et il écoute les rires. Certains sont presque inaudibles. D'autres tonitruants. Comme tous les rires, direz-vous. Oui, comme tous les rires. Sauf que. Quelque chose tout de même les distingue. Ceux-là n'ont pas de case. Ils ne rentrent pas dans les catégories connues. Vous avez ceux qui rient en cochon, ceux qui rient étouffés, ceux qui rient déployés, ceux qui rient en hoquets, ceux qui rient en cascade. Vous pouvez les décrire. Ceux-là en font partie bien sûr, avec peut-être un peu plus de variantes aux sonorités moins socialement esthétiques ou moins contrôlées tout simplement. Mais c'est autre chose en plus. Il a les yeux fermés. Lui qui aime à toujours tout pouvoir voir tente le grand saut. Il essaye sans les yeux. Le vélo sans les mains. Flo a envie de rire ou de pleurer. Il ne sait pas. Il ne pleure pas de joie. Il ne connaît pas ça. Il ne le dit pas pour ne heurter personne mais il trouve ça absurde. Les larmes ne sont pas faites pour ça pour lui. Les autres sont libres bien entendu. Flo n'est pas à l'aise face à ces larmes-là, il pourrait peut-être l'avouer. Mais sur ce balcon, en pleine nuit, froide, la clope aux lèvres, il a envie de pleurer, les paupières closes, sans sommeil, à écouter les rires les plus vrais qu'il ait jamais entendus. Face à cette réalité, il ne fait pas exprès mais il ne peut plus se permettre de jouer, de rire à sa façon. Il doit trouver une autre manière. Un horizon vierge s'ouvre devant lui. Il doit tout réapprendre. Et ses larmes ont alors un sens.
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