mardi 6 mars 2018

La gosse qui faisait marcher sur la tête ou la société dans la bouche des enfants

C'est une gosse.
Elle a des seins comme des melons
mais elle suce son pouce
pour s'endormir.
Elle parle comme un ministre
puis pleure de ne pas avoir le joujou
qu'elle avait capricé.

C'est une gosse.
Pas voter Mademoiselle !
Pas conduire Mademoiselle !
La société lui dit qu'elle est encore
petite et linotte.
Trop petite,
trop linotte.
Pourtant c'est elle qui dit,
sans manière
sans colère :
« Les mecs me traitent de pute ?
Ils peuvent.
Ca m'est égal.
Je sais moi qui je suis.
Et puis au fond,
qui sont les putes dans l'affaire ?
Moi et mon plaisir ?
ou eux qui font tourner les filles ? »
La conclusion,
implacable
tombe :
« C'est eux les putes.»

La plus paradoxale,
la plus révolutionnaire,
de toutes les phrases que j'ai
retenues de ma vie.
J'ai ri.
Et je l'ai regardée,
la gosse,
la sacrée gosse qui a
osé
penser le monde à l'envers.
Elle a pris le sablier.
Et d'un coup,
l'a retourné
sans crier gare.
Elle a fait marcher
les gens sur la tête.
Sur le pas de la porte,
elle a hésité et puis dit
s'adressant comme à la poignée
qu'elle tenait dans la main :
«c'est quoi en vrai une pute ? »

La société dit d'elle :
« Elle est trop petiote.
Elle ne sait pas penser. »
Et aussi :
«Ces jeunes qui coûtent si cher au contribuable...
Quelle tristesse...»
Ou pire :
« C'est moche... »
Sauf qu'elle,
a pensé plus loin que
tous les horizons qu'on
offre
à ruminer
ou croire
découvrir,
et qui s'autorisent
en maison bonne famille.
Elle a fait sauter
tous les gonds,
elle a payé pour ça
et calmement un jour,
a demandé si
celui qui dans l'affaire
se manquerait le plus de
respect
ne serait pas
plutôt couillu
que mamelue.

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