Surtout ne pas voir
ne pas baisser les yeux sur l’autre
ne pas plonger et mourir en une flamme dans ses pupilles.
Surtout ne pas prendre le risque
mortel
et vital
d’échanger
notre électricité oculaire.
Ca n’énerve pas
ça ne blesse pas
ça ne décourage pas.
Ca décale tout.
Ca met de côté
Ca met de guingois
Ca déboulonne
Ca désenclenche
et ça oblige.
De nous deux,
je suis celle qui peut
présenter l’immense palette
de la relation,
toutes les portes,
innombrables,
qu’il a le droit
d’emprunter.
C’est ce que je me figure.
En fait,
c’est lui qui sait ce qui lui
va,
ce qui lui colle à la peau
et qu’il ne sentira pas le brûler
et le poignarder.
Ce qui lui fait
aimer
le monde,
se sentir
à sa place
ou moins étrange.
Qui ose affirmer qu’il y comprend
vraiment
quelque chose ?
Qui ose dire
que c’est normal,
que c’est toujours comme ça ?
Oh oui, je vois, tout à fait. Nous en avons plusieurs du même type dans notre établissement. Tout à fait Madame.
Plusieurs quoi ? Pots de fleurs ? clébards ?
Puisque soyons honnêtes,
nous puisons tous
dans notre magnifique
mais non spontanée
capacité éthique
pour faire de cet autre
notre pair.
Pourtant,
il fait tout pour ne pas l’être,
il ne me regarde pas même !
Il ne me reconnaît pas.
Je ne suis donc rien pour lui ?
Je suis peut-être trop pour lui
au contraire.
Je sais où est ma tanière.
Je connais mon poids
et mon nom.
Je sais que j’aime ceci
et certainement pas
cela.
Je sais ce que j’ai droit à faire et dire
mais que je ne dois sous aucun prétexte
me laisser aller à
ceci cela.
Je le sais,
c’est inscrit en moi.
Je sais aussi
que toi et moi ne pensons jamais
la même chose,
ne penserons jamais
la même chose,
jamais jamais !
de
la même manière
surtout
et surtout.
Jamais je ne serai comme toi,
mais jamais
je ne cesserai d’essayer
de te comprendre.
Jamais je n’oublierai
que tu es un
autre cerveau
avec d’autres branchements
au cœur.
J’ai l’immense chance
de le savoir.
De chérir cette idée
parce qu’elle me berce
quand je vous déteste tous,
quand je ne comprends plus
rien.
Et lui, face à moi,
n’a pas gagné
cette chance-là
au départ de
la grande course.
Je ne suis pas méritante
face à lui.
Je suis juste
une grande gagnante
de la vie.
Je l’ai saisie au vol
cette idée
et l’éternel apaisement
qu’elle m’apportait
avec toutes ses déviations
et capillaires.
Mais j’ai été dotée du pouvoir
de l’entendre et
l’envelopper.
Il en est démunie,
il en désarmé.
Il n’a pas droit à cette idée
et à cette lévitation
inévitable
qui assoit
dans son propre être.
Il est fixé
au boulet
du bagnard.
Il ne se tourne pas,
ne se retourne pas,
ne change pas de côté,
ne change pas de saison.
Son angle est
un peu mort,
il ne s’ouvre ni ne se ferme.
pas même obtus.
Il est tassé dans son petit angle
de mort.
Doit-on alors
s’étonner qu’il se débatte ?
Remettons les choses dans le bon sens :
1-Exposition du problème :
Vous êtes coincé dans un coin de pièce, dos au monde, les yeux presque collés au mur et ne pouvez en prendre de recul qu’au prix de contorsions clownesques ; vous êtes lié à un énorme boulet suranné mais bien réel qui vous fait pencher bizarrement sur la gauche ; vous tanguez dès lors que vous faites un mouvement, quel qu’il soit ; vous entendez d’autres vivants sans être capable d’identifier quoi que ce soit de précis ; vous savez que c’est là votre environnement naturel.
2-Questions :
- Essayez-vous de trouver une solution ? Si oui, comment ?
- Avez-vous recours à une forme de violence ?
- Gardez-vous votre calme ? Si oui comment ? Si non, pourquoi ?
- Ressentez-vous une quelconque forme de douleur ? Si oui laquelle ? Si non, tant mieux ! Mais êtes-vous certain d’être encore vivant ?
3- Expliquez dans un petit paragraphe synthétique quelles seraient les issues ou voies d’apaisement à votre situation.
Si tout cela vous semble absurde,
peut-être
êtes-vous le boulet
du jeune homme
dont il est question ici…
Auquel cas,
tout cela n’a aucun sens
pour vous,
en effet.
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