jeudi 6 avril 2017

Boiteuse en cinq anorexique


Un jour fou,
elle dit que plus jamais
mouton à cinq pattes
ni cinquième roue du carrosse.
Plus jamais à la traîne
des quatre autres.
Pas les épaules pour.
La cinquième vertèbre qui
un jour
se brisera,
qui plus est.
Il faut être prudent
avec ces choses-là.
Alors plus jamais.
Elle le sait.

Elle a toujours été
à cinq,
deux d'un côté,
trois de l'autre,
ou trois en haut
deux en bas,
toujours bancale.
Elle a toujours penché,
gité,
sans bateau ni mer,
pourtant.
Personne ne voit rien.
Tout le monde voit
quatre pattes,
quatre roues,
en paires,
tout beau
tout comme il faut.
Elle est en cinq,
impaire et gauche,
elle le sait.

Aussi loin que les images
flashent
sous son crâne,
elle est à cinq pattes
cinq membres
cinq branches.
Elle n' a jamais été autre.
Ou alors,
c'est en poubelle,
compressée,
elle ne voit plus.
Non pas prétendre que même
bébé,
elle était du cinq.
Elle est de
ceux
qui savent qu'ils ne savent
pas.
Pour l'instant du moins.
Mais elle suppose.
Il ne faut pas trop supposer.
On 'embrigade.
Elle le sait.

Elle n'en parle pas.
Trop fou.
Elle a essayé,
doucement,
avec des mots qu'on comprend.
Handicapée,
pas normale,
hybride,
haïe.
On a ri
elle plaisantait bien sûr.
Elle sourit
déçue.
Elle avait choisi
son interlocu
pourtant.
Mais il ne sait pas.

En fait,
non,
longtemps longtemps,
elle n'a rien voulu dire,
rien de rien,
trop bizarre,
folle.
Elle souriait
niaisement,
imbécile heureuse,
gentille fifille,
c'est bien ,
poutou poutou.
Elle aurait frappé
en cinq.
Jamais fait.
Peut-être que c'est mieux,
d'être à cinq.
Sait-on jamais.

Ils ont raison,
les autres.
Mieux de se taire
parfois.
Toujours sans doute.
Mais elle,
elle en crève,
parce que ça gangrène
ce cinquième
et même tout le reste.
Ca prend jusqu'à la tête,
tord le ventre,
pèse le dos
et les jambes.
Les bras s'en sortent
bien.

Quand on ne sait pas,
on se demande
cinquième de quoi
de qui.
Cinquième membre?
Hermaphrodite ?
Nous y voilà...
Que dalle !
C'est un invisible,
même nue.
C'est un putain de fantôme.
Elle doit faire avec
l'ombre.
Elle le sait.

Elle aurait aimé
ce cinquième vrai membre.
Elle aurait su pourquoi.
Même hermaphro,
elle aurait su.
Et tout le monde aurait vu.
Cotorep et zou !
Elle aurait été fichée
mais tranquille.
Là tout au fond
du crâne,
elle sait
mais toute seule.

Elle pense souvent aux
anciens combattants
ou accidentés
amputés.
Elle est amputée
de naissance.
Elle est née
amputée l'air normale.
Le pire,
ça,
le handicap invisible.
Le membre fantôme
avant même d'avoir fait une
guerre.

La guerre,
d'ailleurs,
elle l'a faite
dans une autre vie,
la guerre intestine,
la guerre embryonnaire,
la guerre en couche-culottes.
Le guerrier n'a pas d'âge.
Le guerrier éternel.
Tout vivant est un guerrier.
Elle le sait,
garde pour elle.
Trop l'air petite fille sage et gâtée.

La vie est belle,
profite,
Le bel âge,
ah l'insouciance !
La guerre n'a jamais cessé
pourtant.
Depuis l'avant langage.
Qui le croirait ?
Qui l'entendrait ?
Personne bien sûr.
Elle le sait.
Préférerait ne pas.

Mais elle sait,
ne peut s'en défaire,
extralucide,
à se flinguer.
Elle sait
et saura.
Elle s'en saisit
comme d'une
kalachnikov.
Le cinquième membre
se mue en
arme de destruction
massive.

De la kalach
sort un torrent
de haine.
Pas de balles
ni bullshit
habituels,
facile,
même les enfants soldats
savent.
Elle a muté,
retournée
comme une chaussette
répugnante extérieur
intact intérieur.

Qui ne comprend pas ?
Qui ne saisit pas la manœuvre ?
Tout le monde ?
Recommençons donc
tous ensemble
la métamorphose.
Non pas !
Pas métamorphose.
Il n'y a pas de
chrysalide
qui doucement
s'ouvre sur un
magnifique papillon.
Il y a
oui
le laid
qui devient beau.
Mais c'est bien
davantage
un coup de baguette
presque magique
profondément
humaine.
Pourquoi l'humain ne serait
pas
magique ?

Elle ne sait pas,
ici,
elle se trompe.
Elle croit elle
à une magie,
un peu la sienne,
un peu celle du monde.
Elle a besoin
d'y croire
et elle sent
d'un coup
qu'elle se retourne
comme une vieille
chaussette
sale et trouée
pour briller
en collant à paillettes.

Elle sent mais ne sait plus.
Elle,
elle est sûre.
Elle est sûre et certaine,
elle y croit dur comme fer.
Elle est en train de se sauver.
Elle est sûre
et jamais,
elle n'a autant
ignorer
de toute l'existence.
Mais cette fois,
personne n'ose lui dire,
même si tout le monde le sait.

Elle se prend pour une
sublime
enfin,
elle a raison,
les croyances sont nos seules
alliées.
Mais elle y croit
si fort,
aussi fort qu'elle s'est cru
bancale
à cinq membres,
même bien plus fort
encore,
qu'elle joue avec
le vide.

Elle est heureuse.
Enfin.
Elle est armée.
Enfin.
Elle est sûre.
Enfin.
Elle choisit.
Enfin.
Elle renaît.
Enfin.

Ca y est
elle est à quatre membres,
à deux jambes
droites et claires,
à deux bras
longs et prêts
à porter le monde entier.
Elle est de deux en deux.
Tout ce qui brillait
autour d'elle.
Tout ce qui lui
glissait
des mains
pataudes,
toujours parasitées
du cinquième
élément
lui appartient.

Elle est paire,
elle est humaine.
Elle est devenue
ce qu'elle aurait dû
depuis le début.
Elle jouit de cet aplomb,
de cette tranquillité,
de deux en deux,
sans tiers
briseur.
Elle attendait
depuis toujours
et respire
en remerciant le Ciel.
Elle sait.
Se fourvoie jusqu'au fond de l'âme.

Dans la vie paire,
elle peut bouger,
comme et autant
qu'elle est.
Non.
Qu'elle a toujours voulu
être.
Qu'on a toujours voulu
qu'elle.
Elle pirouette
virevolte.
Elle se sent légère
comme une plume
et l'esprit a enfin
droit,
s'étoffe
et rit
de tout son cœur.

Les autres la regardent
bizarre.
Ils s'écartent
sur son passage.
Elle les effraie ?
Improbable !
Elle les éblouit ?
Impensable !
Elle les fascine ?
Encore moins !
Elle les étonne ?
Tout simplement.
C'est suffisant.

Elle les étonne,
ils la voient,
ils la regardent
même.
Elle ne se prend plus
pour un fantôme,
sent qu'elle a du mal à être
dévisagée
mais en jouit
sans se l'avouer.
Tout ce qui prendra des années
à s'avouer.

La brebis galeuse,
à cinq pattes,
invisible,
devient un peu plus
lionne,
s'ébroue,
et se laisse voir
sans trop comprendre,
faute d'habitude.
Quand elle percute là-haut,
elle se recroqueville,
honte rejaillit,
la vorace,
et la voix qui dit :
Ne te montre pas,
tu ne dois pas.
Ou tu seras une pute.

Elle oscille entre la brebis
et
le lion,
tente de trouver un entre-deux
valable,
vivable.
Vivable ?
Elle s'adaptera
quoi qu'il arrive.
Elle est caméléon de l'âme.
Valable à ses
yeux,
ses yeux ?
Elle ne fait qu'être reflet du désir
de l'autre.
A leurs yeux.

Lionne ?
Non lion,
enfin,
pas femelle,
sûrement pas,
la femelle est galeuse.
La femelle est boiteuse à cinq.
Elle doit être un mâle
pour valoir la peine.
Le lion la sauve
bien heureusement.

Franchement,
franchement hein !
Jamais elle n'aurait
imaginé
le lion en paires,
calé,
en elle.
Jamais !
Et elle répétait
à qui voulait
encore
l'entendre
(A force de crier au loup...)
qu'elle était galeuse.
On avait fini
de l'écouter.

Peut-être,
y en a-t-il
qui
ont parlé du lion,
de la lionne,
parce que plus normale
pour une brebis,
pas tout métamorphé
quand même,
pas lion,
mais félin prédateur.
A l'époque,
elle a dû leur rire
au nez.
Ils avaient raison.

A défaut de
se faire admirer,
de brandir
sa crinière,
elle rugit.
L'effet n'est pas
si mal.
Pas si mal
du tout.
Elle rit sous cape
de ce nouveau
power.


Et puis,
La vie s’installe
En paire.
Elle y prend goût.
Elle s’y sent carrée.
Deux sur deux.
Elle est dans un
Grand fauteuil
A mémoire de forme.
Elle souffle enfin.
Elle ne dort pourtant pas
À poings fermés.
Peut être même pire
Que jamais.

Mais,
Honnêtement ?
Elle s’en balance.
Elle est sur ses deux pattes,
Les bras où il faut,
Elle se balance
Sans peur de perdre
L’équilibre,
Sans peur de tomber.
Elle n’a plus jamais peur
de
tomber.
Elle se fout qu’on l’aime.
Bien sûr,
Elle est exactement,
Carrée,
Comme on l’attend d’elle.
Suffit.

Mais l’équilibre
Est un faux,
Un fake,
Un carré
Sans profondeur,
Sans épaisseur,
Qui bien entendu,
Il va de soi,
Fait croire qu'on est le roi,
Que même le précipice
N’y peut mais.
On se trompe.
Elle sent qu’elle titube.
Ce fameux sommeil
Sans repos.
Ces journées
À sentir un troisième
Venir remuer la paire.
Plus question de cinq.
Le tiers qui brise
Le couple invincible
arrive.
De deux en deux
Mon cul !
Et la colère monte.
Elle n’est jamais venue,
En réalité
cette colère.
Elle arrive
Et fait foudre,
La troisième folle.

Est-ce qu’à trois,
Elle redevient bancale ?
Est-ce qu’elle repart tout au début,
La bulle,
À zéro pointé ?
Non non non !
Un nouveau chiffre,
Elle doit décrypter
La nouveauté.
Et franchement,
Fastoche !
Elle s’y trouve encore mieux que
dans le
deux par deux.
Elle sait qu’à trois,
Elle y trouvera son vrai
compte,
au chaud avec sa colère.


A trois forces,
elle entre dans le monde rêvé.
Elle se contrefout
du sommeil
haché,
des douleurs physiques,
des souffrances du corps.
Elle se fout
de sentir pousser
en elle des souffrances
inconnues.
Elles ne les craint pas
celles-là.
Pourquoi ?
Parce qu'elles ne la menacent
pas d'extinction.
Parce qu'elle n'est pas
leur proie.
Seulement leur terrain.
Elle peut batailler,
elle peut les dégager
dans le fossé.
Elle peut.
Elle sait qu'elle y survivra.

Tout ça,
tous ces chiffres,
élucubrations,
sensations,
bizarres,
incompréhensibles,
5, 2, 3,
obscures,
inaccessibles,
ne vous découragez-pas !
Ce sont ses pensées.
Sa vérité.
Regardez-les comme elle.
Pensez comme elle
en 5,2,3.
Lancez-vous.
Non pas un exercice de style !
Non !
Ne dites pas cela !
Vous êtes injuste.
Un bout d'existence chiffrée
en tous sens.
Alors non,
n'abandonnez pas là
en vous disant que
ce n'est que du
jeu.
Suivez jusqu'au
bout la suite,
les brelans,
paires,
et compagnie.
Vous y trouverez
le sens.

A trois,
nous y étions,
elle s'enfonce encore
davantage.
Elle s'enfonce
douillettement.
Elle est bien.
La vie est d'acier
et pourtant,
jamais,
elle n'a été aussi bien.
La vie était,
avant cela,
une simple survie.
Alors oui,
la vie d'acier est une belle
comparée
à la planque permanente
sous le lit,
derrière les arbres,
pas bougé,
1, 2, 3 soleil.

La vie d'acier,
elle,
est claire et nette.
Elle est aussi solide
que la vie à trois.
Le trépied ne bouge pas
d'un poil.
Ancrage assuré.
Et l'acier,
c'est la vie oui
mais c'est elle aussi.
Elle le fabrique et le lisse
elle aussi.
Elle sent sa surface
prévisible,
sans une once d'im-
perfection.

L'acier,
elle le donne à voir.
Elle était un lion.
Elle devient dure
froide
lointaine.
Les autres la voient
à distance,
de plus en plus
lunaire.
Ils ont
de plus en plus
peur.
Pour eux ?
Et surtout pour elle.
Elle est indéchiffrable.
Indécrottable.
Inamovible.

Parlons-en des autres.
Ils assistent au spectacle
des 5,2,3,
comme vous.
Et comme vous,
ils n'en saisissent pas
grand-chose de plus.
Ils n'avaient pas
compris
la survie.
Ils avaient cru à une vie normale
pour elle,
avant.
Ils n'ont pas vu
qu'elle crevait.
Alors,
quand se fait jour
la vie d'acier,
ils sont
bouche bée.
Il se regardent
pour les plus courageux,
ils baissent la tête,
pour les plus démunis.
Ils attendent.
Ca passera.
Bien sûr que ça passera !

Dans ce moment à trois,
elle a un regard noir.
Du matin au soir,
son regard est noir.
Elle ne le lâche pas.
Elle sourit
bien sûr
mais le sourire n'annule
rien
des yeux sombres.
Pas de tristesse.
C'en est fini de cela.
Pas de désespoir.
Ils sont noirs de colère.
Et la pupille et la colère
prennent toute la place.

Tout se dit,
à cette époque,
tout se fait,
ou presque.
C'est ce qu'elle croit.
La vie d'acier est
une vie de
liberté.
Tous les autres y voient
une monstrueuse prison.
C'est là qu'on commence à comprendre que
les chiffres sont
sa folie.

Cinq,
folie de la naissance,
mal-née.
Longtemps

Puis, deux par deux,
folie de la normalité,
normopathie
euphorique
et vidée d'humanité lucide :
une lionne
puis un lion sur ses quatre pattes,
fort,
tout-puissant,
roi des animaux
qui se pavane,
en lui-même.

Puis trois
et la vie d'acier,
la routine,
les rouages qui prennent le rythme du
quotidien.
L'assurance
et la nouvelle vie qui
démarre
vraiment.
La folie visible,
elle est grise comme l'acier,
elle est froide comme la glace,
elle est maigre comme un clou.
Mais elle n'a jamais été aussi
heureuse.

Elle reste en trois
pas aussi longtemps
qu'en cinq,
mais elle s'est trouvée.
Elle profite,
elle jouit.
Autant qu'on jouisse
en acier,
en glace,
en clou.
Mais je vous assure,
elle jouit,
comme jamais elle n'a.

Vous pensez peut-être
que c'est
impossible,
faux,
risible,
désolant.
Mais elle,
à trois,
elle renaît,
elle se prend pour Dieu
pas pour un phénix,
elle n'a rien mis en cendres,
elle se prend pour Dieu
mais elle ne le sait pas.

Comment ça elle ne le sait
pas ?
Non, promis juré craché,
elle ne le sait
pas.
Elle se croit lucide
comme une puissante
luciole
japonaise,
mais elle n'a pas compris
qu'elle se prend
pour sa
propre
créatrice.
Elle refuserait
d'y croire
si on osait,
si on s'aventurait...
Elle jouit seulement
de sa vie d'acier.

Personne ne vient
lui parler
de ça.
On rit.
Mais elle n'y entend goutte.
Les œillères
lui appartiennent.
Elle n'entendra
ni ne verra
que
que
que
ce qu'elle veut.
Elle est enfin
à trois
sans bouger.
Elle ne laissera
personne savoir
mieux qu'elle.

Elle ne laissera
pas
le moindre de ses pairs
lui ôter
un membre.
Elle reste
figée
à trois.
Personne n'a plus le droit
alors.
Personne ne pourra
même rentrer
dans sa
bulle.

Plusieurs mois,
à trois,
elle s'enfonce
en terre,
en ciment,
en béton.
Partout où elle passe,
sans trop bouger
d'ailleurs,
elle ne joue
pas.
Mais elle risque
l'immobile.
Elle se congèle
peu à peu.

Elle semble bouger,
mais toujours pareil,
ce n'est que la partie émergée
de l'iceberg.
Elle est rassie
sur son trépied.
Elle est recroquevillée
et
finalement,
plus que les trois
membres.
Sans rien d'autre.

Et voilà que
change
le chiffre,
le cryptage,
le hiéroglyphe.
Elle devient tronc,
elle devient un.
Enfin me direz-vous,
c'est là le but
d'être.
Mais pas toujours non.
Ne vaut-il mieux pas
parfois
être mille ?
Elle devient un glaçon,
complètement une.
Complètement engluée.

Là commencent les vrais
problèmes.
Elle finit
par s'apercevoir
qu'elle s'est emmêlée
et qu'elle n'a plus
les 2, 3, 5
membres.
Elle ne regrette rien !
Ouh là !!!!
N'allons pas sur cette voie-là.
Plus jamais boiteuse à
cinq.
Mais oui,
elle voit qu'elle devra
chercher
chercher
pour se désempêtrer.

Elle est revenue
peut-être
à un nœud,
une chrysalide
encore plus rude,
pas laide celle-là,
plutôt même très belle,
mais !
Brillante
princesse,
de marbre
diamantée.
La chrysalide
magnifique.
La prison dorée.

Elle est une,
elle n'avait pas imaginé l'être
un jour,
elle est un être un.
Elle a gagné
une monstrueuse bataille,
elle a tout reconstruit
depuis le nouveau-né.
Elle s'aperçoit
pourtant
qu'elle
est entre quatre murs.
Elle est aux prises avec
sa propre volonté.
Et elle découvre
une nouvelle ennemie
derrière sa sauveuse.
Elle découvre le monde
ironique
mais elle ne s'effondre pas.
Elle sourit
de sa folie.

Elle ne s'effondre pas
car l'ironie
garde la tête froide.
Elle n'est plus la brebis galeuse
distancée au
moindre
ac-
coup.
N'en demeure pas
moins
un mur qui se dresse
devant
elle.
Elle devra se battre,
elle le sait.

Les murs,
elle les a pratiqués,
encore et encore.
Elle les a haïs.
Elle les hais toujours.
Jamais elle
ne
s'engagera dans
l'escalade
d'une pierre
quelconque
comme certains aiment s'y
adonner.
Elle les connaît
par cœur.
Et à cinq membres,
autant vous dire,
qu'avec un cerveau à quatre
qui lui-même
n'a rien compris
au schmilblick,
c'est un chef-d’œuvre.
méconnu
invisible
exténuant.

Elle est à trois mais
au piège de la volonté
bien plus lionne,
plus lion d'ailleurs,
elle n'a rien d'une femelle,
d'une mère potentielle,
ou d'une sans crinière,
sa volonté est
un vrai fou de fierté
et d'ambition.

De fait,
revient sur le tapis
la sempiternelle
question du
cinquième membre.
Ne serait-ce donc
pas
cette crinière
inassumable ?
Cette fierté,
ce désir enfoui
d'être regardé,
d'être l'objet des attentions
des pairs
admiratifs.
Non pas soumis
au roi des animaux,
seulement admiratifs,
tranquillement,
de la sublime fourrure
rarissime.
De ce talent-là.
Ou alors même,
le désir inavouable
de les voir
s'agenouiller devant elle
et l'écouter bouche bée.
Peut-être.
Je ne sais toujours
pas.
Mégalo ?

Et la volonté
cinquième membre ?
La volonté
ravalée
sans cesse,
avec tous ses acolytes,
désir,
ambition,
cascadeuse.
La volonté cinquième membre
atrophié ?

Et la cervelle dont
personne ne parle
depuis le début.
Bras et jambes,
trépied
sans véritable forme humaine,
où commence la vraie folie,
mais la tête dans tout
ce chiffrage ?
Depuis le début,
elle ne compte pas.
Elle est là,
on la connaît,
pas plus confiance
qu'aux autres
mais justement !
Le cinquième élément ?
Toute la tête
sous le crâne
et le visage
ensevelisseurs.
Peut-être,
le chef,
la capitale
de tout ce bordel
à temps et contre-temps,
d'animaux en objet
sans âme.
A n'y plus rien comprendre.

Elle s'aperçoit que l'esprit
du cinq
n'était pas
insensé.
Qu'elle n'avait pas appris
à en faire un un.
Mais elle s'aperçoit
trop tard.
Elle est enroulée
comme une momie
dans ses bandelettes
de volonté
ferme
sans sursis.
Elle ne dit rien.
Elle reste
aussi
le lion du début
de l'aventure,
bien sûr.
Elle ne laisserait échapper
cela
pour rien au monde.
Donc elle ne dit rien,
elle essaiera de
retrouver
des paires,
où ?
elle ne sait quoi encore.
Au fond,
elle ne sait pas même
quoi.

Elle ne demande pas d'aide,
évidemment.
Elle n'en veut pas.
Elle ne fait confiance à
personne.
Erreur fatale.
Passage obligé.

Arrive ce qui devait :
elle s'empêtre les pattes enroulées
au fond de la
chrysalide
et s'étale
de tout son long.
Personne ne voit.
Tout est toujours invisible.
C'est l'avantage
de l'inconvénient.
Tout revers a un endroit.
Magnifique logique
de l'existence.
Mais elle ne se relève
pas.
Ne se redresse
pas.
Des jours durant.
Finit par râler,
agonisante.
On s'effraie
là.
On la retrouve
à terre,
bavant,
saignant de tous les trous,
hémorragique,
vomissante,
plus rien ne tient.
Tout a éclaté.

Les pompiers !
La sirène !
Vite vite !
Elle se vide.
Elle ne sera bientôt
plus qu'un bout de
papier,
de
tissu,
de plastique.
Un rien.
Elle s'est battue en boiteuse
à cinq
pendant des années
pour sa survie.
Elle la met en péril
alors qu'elle se croyait
forte comme un
lion.

Le monde est d'une ironie
déconcertante.

Mais bien sûr
qu'elle risque de
crever.
Bien sûr !
On rit depuis le début avec des 5,2,3,1,5
On trouve ça bizarre.
C'est louche,
c'est une lubie
de cette gosse étrange,
de celle qui écrit,
louche.
Mais non !
N'allez pas vous cacher derrière votre
petit doigt !
Elle est blessée
à mort.

Elle n'a sauté par
aucune fenêtre.
Elle n'a rien fait
d'extraordinaire.
Elle s'est juste
coincée
dans sa chrysalide de volonté
d'acier.
Elle s'est éloigné du monde vivant.
Les autres avaient raison.
Elle a des tubes dans les
trous
qui ont laissé
couler
la vie.

Elle ne veut pas se regarder
dans le miroir.
On le lui tend
sans cesse.
On croit
qu'elle va
comprendre.
Elle ferme les yeux
ou tourne
la tête.
Elle ne se laissera pas
berner
comme une bleue.
Ils veulent quelque chose
qui la met
hors d'elle.
Elle vous paraissait seule
jusqu'à présent
avec son chiffrage
de tarée.
Mais les autres lui veulent du
cinq.
Même boiteux.
Elle les fixe
avec son regard noir,
là,
et elle n'a même
rien à dire.
Ils n'ont rien compris.
Plus jamais connards !
Ca vous parle ça ?
Je ne serai plus jamais une grosse !

Elle va devoir faire semblant
de s'y plier,
bon an mal an.
Une fois l'hosto
loin de ses basques,
elle reviendra à ses moutons.
Et oui,
elle recommencera,
encore et encore,
2,3,1,
pas toujours dans l'ordre,
pas toujours pareil.

Le cycle infernal
recommencera recommencera.
Elle ne le déteste pas.
Ce sont les autres
qui
le détestent.
Elle aime jouer
roulette russe.
Une chance sur 6.
Tiens donc !
Elle n'a jamais tenté le 6 !
Belotte et rebelotte,
la vie tourne en rond.

Un jour,
elle en a
assez.
Un jour,
de la volonté d'acier et du froid.
Un jour,
elle veut grandir.
Quitte,
même à revenir en
cinq.
Oui oui !
Une partie d'elle lui dit
qu'elle veut mourir,
qu'elle n'est qu'une lâche,
que tout ça pour rien,
que c'est vraiment dégueulasse.
L'autre dit
que c'est la vie normale
et qu'un jour il faudra
admettre d'être
normale.
Qu'est-ce qu'elle est en rage
la première !
Elle boufferait la seconde !
Mais elle ne peut pas faire
sans,
alors elle bout en silence,
finalement.

Peu à peu,
tout petit à petit,
revient le cinq,
le chemin à l'envers,
tout doucement.
Elle sait qu'il ne faut pas
se brusquer.
Elle se connaît
maintenant.
Les tubes par tous les trous,
ça vous apprend à
vous connaître.

Et oui,
elle revient au cinq.
Oui,
résignée,
soulagée,
fière d'elle
mais douloureuse,
elle revient au cinq.
Qui est-il ?
Elle l'ignore
toujours.
Aurait préféré
pour toujours,
précisément,
l'ignorer,
mais ne peut pas.
Elle veut être plus honnête que
ça.

Revient la honte,
reviennent les vagues.
Mais pas la solitude.
Boiteuse à cinq
avec ses cannes
et fauteuil.
C'est bien différent.

La vie avance,
les vieux démons
rajeunissent
parfois.
Ils ne vieillissent pas
en réalité.
Les démons
sont des êtres sans âge.
L'hosto est loin
mais le chiffrage ne cessera
jamais.
Elle en est convaincue.
On se convainc de
tout.
Elle croit qu'elle sait.
Sait-on jamais ?

Au fond du fond,
ce qu'elle finit par vouloir,
elle se concentre
sur elle,
difficilement
pour définir
l'objectif,
c'est 1000.
Elle veut tout
être.
Une en 1000.
A deux jambes
et deux bras,
la tête sur les épaules,
bien une,
bien singulière mais
entière
sans prisonnière.
Le chemin sera long,
peut-être même cinquante ans.
Mais,
elle y parviendra.
Elle le sait.
Elle ne veut pas mourir
idiote.



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