Elle se trouvait là, maintenant sous le panneau d'affichage des départs des vols longs
courriers. Elle n'avait pas prévu. Elle savait qu'il fallait partir maintenant. Pour toujours, non.
Ou peut-être. Mais dans l'instant certainement. Elle n'en avait parlé à personne. Personne
n'aurait compris. Elle n'attendait d'ailleurs pas d'être comprise. Disons plus justement que,
dans cette situation, elle ne l'attendait pas. C'est toujours en vain qu'elle attendait en règle
générale. En vain bien entendu. Non parce que l'humain est une saloperie d'espèce comme
certains s'arrangent à dire pour se dédouaner de toute remise en question. Mais parce qu'elle
s'entourait des mauvaises personnes, celles qui ne cessaient de lui prouver qu'elle ne serait
pas comprise en effet. Elle se tâtait. Elle regardait attentivement, avec un brin de provocation
et d'appréhension la destination qu'elle choisirait. Le monde tournoyait autour d'elle, pressé,
stressé. Mais sans bousculade idiote. Elle prenait le temps de réfléchir. Elle avait tout son
temps désormais.
L'Asie sans aucun doute …
Bali ?
Thaïlande ?
Vietnam ?
Chine ?
Japon ?
Mongolie ?
Myanmar ?
Elle se décida pour le Japon, pour sa folie et ses contradictions. Sa rationalité jusqu'au suicide
et sa punkitude jusqu'au n'importe quoi multicolore. Elle avait de plus une connaissance là-
bas, un bon coup d'ailleurs, qu'elle pourrait peut-être recycler, et surtout, un mec très sympa
qui lui indiquerait où se loger et où trouver ce qu'elle cherchait. C'était un rigolard qui sautait
beaucoup mais ne jugeait jamais. C'était tout ce dont elle avait besoin. Elle se dirigea vers les
bureaux d'Air France, elle n'avait pas le choix si elle ne voulait pas attendre. Et elle ne voulait
plus attendre. Elle était asphyxiée d'attente et de patience. Elle s'enfuyait diraient certains.
D'autres diraient qu'elle cherchait sa voie. D'autres encore siffleraient dans un sourire
narquois un sourcil hautain relevé. Elle quittait tous ces gens. Elle les avait déjà oblitérés de
son espace psychique. Ils n'existaient plus. Elle pensait à la suite qui s'était enfin ouverte. La
nébuleuse implacable avait laissé place à tous les horizons. La difficulté était autre alors.
Elle paya son billet avec ses économies. Ce n'était pas ce qui lui manquait, elle dépensait oui
mais gagnait beaucoup plus qu'elle n'achetait et n'avait personne à charge. Elle avait de quoi
faire le tour du monde. Elle savourait, même en cet instant fatidique, cette chance. Elle avait
tout fait pour et elle avait protégé son indépendance de femme moderne. Ce n'avait pas été
sans efforts ni sans écueils. Mais elle était fière de cela. Le reste...laissait à désirer.
Elle s'installa dans un café et commanda un énorme capuccino. Elle avait deux heures à
attendre. Dire qu'elle prenait son mal en patience serait mentir. Elle trépignait comme une
enfant qui n'a pas encore le droit de déballer son cadeau et qui ne peut que le voir. Elle regarda
son portable, le tenant à distance d'elle-même, elle avait peur de ce qu'elle y verrait. 10 appels.
16 messages. Elle lut les messages. N'écouta pas le répondeur. Et fit comme si de rien n'était.
Elle n'avait parlé de son projet à personne. Les gens, surtout ceux qui vous aiment, ont
toujours quelque chose à redire à ce que vous faites. Elle s'exaspérait aujoud'hui de ces
paroles soi-disant bienveillantes et qu'elle estimait en réalité égoïstes et pleines de préjugés.
Moins on vous aime et moins on vous juge. Voilà ce qu'elle avait en tête et de quoi elle ne
démordrait pas. Elle avait appris cela.
Durant le vol, elle dormit sans arrêt. Comme une pioche. Elle au sommeil de moineau
comme disait sa grand-mère. Elle n'avait jamais dormi comme ça, même dans l'avion. Cela
augurait bien de cette expédition. Elle changea d'avion à Seoul et rebelotte. Un énorme
somme. Elle craignait, réellement, de ne plus arrriver à dormir pendant des jours après cela.
De le payer, disons-le. Au pire, si les insomnies étaient trop longues, elle exploiterait sans
vergogne le désir insatiable pour toute femme regardable de son cher ami Filou, sans foi ni loi.
Il était de ceux qui vous caressent par surprise, en pleine foule, que vous ne pouvez pas
repousser, que vous ne voulez pas repoussez, vous savez que cela n'a d'autre but que sensuel,
pas seulement sexuel n'est-ce pas ? sensuel aussi. Filou caresse comme tous ces gens qui ont
tant manqué de douceur et qui, aussi contradictoire que cela paraisse, prodigue la leur avec
une intensité irrésistible. Filou dont les doigts filent sous les t-shirts et sous les robes avec une
intimité d'emblée parfaitement juste, celle qu'on attendait. Comme par magie. Mais c'est la
magie des douloureux, des enfants sans, des sans câlins prêts à tout pour sentir une peau sous
leurs doigts et un corps frémir à l'unisson avec eux. Ils s'adaptent à n'importe quel être,
n'importe quel grain. Ils sentent, ils sont devins en ce domaine. Sauf si l'on a loupé tous les
épisodes de l'adolescence, on sait tout de suite que Filou n'est pas là pour être fidèle ni pour
vous aimer comme une princesse pour le restant de vos jours. Pourtant il est prince et aimant
avant de filer à l'aube. C'est un chic type. Il donne envie d'aller au Japon chercher un sens.
Quand elle atterrit, elle est groggy et complètement euphorique en même temps.
Personne ne l'attend et elle en est extrêmement satisfaite. Elle retrouve ses bagages et part à
la recherche d'un hôtel. Elle a potassé avant de partir et elle a déjà des vues sur un
établissement à moitié musée qui la fait rire d'avance. Elle donne l'adresse au chauffeur de
taxi imperturbable. Mais elle voit dans ses yeux un éclair de mépris. Et voilà ! Elle s'en fout !
Mais absolument totalement ! Elle s'en tamponne le coquillard ! Elle s'en fout et elle se met à
parler à haute voix puis à crier : « Mais je m'en fous de ce que vous pensez mon bon Monsieur,
je m'en contrefous et j'irais même jusqu'à vous dire que je m'en branle ! Eh oui ! » Il ne bougea
pas, habitué aux fantaisies occidentales ? Elle rit de plus belle puis se calma et ils arrivèrent.
Après une nuit de plomb, improbable..., elle partit se promener et par la même occasion
à la recherche de Filou. Elle se souvenait d'une adresse qu'il lui avait donnée lors d'un retour à
Paris où ils s'étaient vus. Elle s'en souvenait parce qu'il lui avait écrite avant de partir et elle se
souvenait de tout ce qu'elle avait vu écrit depuis qu'elle avait cinq ans. Le cerveau est une
machine... Elle se balada dans le quartier indiqué, espérant qu'il vivait toujours à cette même
adresse. Elle tomba un peu trop vite sur son nom écrit en caractères japonais et en alphabet
latin sur la porte. Elle était presque déçue de ne pas avoir eu à chercher davantage. Droit au
but, comme Filou.
Ils se retrouvèrent avec un plaisir certain. Elle s'aperçut, une nouvelle fois, qu'ils
s'aimaient beaucoup malgré l'éloignement, l'aspect non-conventionnel de leur relation et le
peu de fois où ils s'étaient rencontrés. Ils s'aimaient beaucoup et sans doute qu'ils comptaient
l'un sur l'autre sans le savoir, chacun au bout de la planète. Ils dînèrent ensemble, allèrent
danser, faire les fous partout où l'on pouvait et rentrèrent à 6h du matin, ivres et heureux. Il
n'avait pas posé de questions. Elle n'en attendait pas moins de lui. Elle non plus et tout se
passait à merveille ainsi. Sans rien de plus qu'ici maintenant, comme des hippies pas encore
sevrés de leurs idéaux. Il la conduisit avec la douceur qu'elle lui reconnaissait dans son lit et
ils firent l'amour, exactement comme il le fallait. Filou était le parfait baiseur, le baiseur du
siècle. C'était ce qu'elle pensait dans la jouissance. Mais avant et après, il était encore mieux
que cela.
A midi, il la réveilla : « Je veux te présenter quelqu'un. » Elle ne se fit pas prier. Elle le
suivit, se prépara et ils sortirent sous le soleil de plomb. Il lui prit la main, juste pour le plaisir.
Elle lui caressa les doigts, juste pour le plaisir. Ils souriaient tous les deux, heureux de s'être
retrouvés. Ils traversèrent un jardin qui lui parut idyllique. Mais sans doute aurait-elle tout
aimé à ce moment-là. Elle était libre, elle était vivante. Elle ne devait plus rien à personne et
elle avait joui 10 fois cette nuit, ce qui ne lui était pas arrivé depuis trop longtemps à son goût.
Ils arrivèrent dans un quartier plutôt laid mais où les vrais gens vivaient. Les gens de la
majorité. Elle se laissa charmer même par cet endroit inattendu après ce qu'ils avaient
traversé pour arriver là. Ils entrèrent dans une petite bicoque louche. Elle eut un mouvement
de recul mais Filou la regarda avec confiance et elle n'hésita plus. Une femme d'un certain âge,
assez indéfinissable les accueillit. Ils s'assirent à la demande de la femme. Elle était sans
aucune beauté et resplendissante à la fois. Vanessa se dit qu'elle devenait folle. Ca y est, Filou
l'avait finie ! Elle continua de se taire car Filou si exubérant se taisait aussi, ce qui était si
imprévisible qu'il fallait l'imiter sans aucun doute. Au bout de cinq minutes, un minuscule
bonhomme vint les rejoindre. Il n'était pas minuscule : il était nain, vieux et aveugle. Il
s'approcha et parla dans un français parfait : « Oh Filou c'est toi ! Tu as emmené avec toi une
jolie demoiselle aujourd'hui. Bonjour Mademoiselle. Vous avez une très jolie robe. »
Vanessa regarda Filou sans comprendre. Filou lui fit signe qu'il lui expliquerait plus tard. « Tu
viens pour cette jeune dame Filou ?
– Oui Monsieur. (Jamais Vanessa n'avait vu Filou aussi courtois et respectueux.)
– Arrête de m'appeler Monsieur, c'est ridicule.
– Oui Mon...
– Bon bon. Cette jeune dame en effet n'est pas là pour rien.
– Non, c'est ce que je crois aussi.
– Elle cherche quelque chose. Vous cherchez quelque chose Mademoiselle.
– Oui Monsieur.
– Oh ces Monsieurs à tire-larigots !
– Pardon.
– Ne vous excusez pas. C'est un réflexe je suppose devant mon grand âge et ma taille.
Drôle comme on a tant de Monsieur quand on est si petit.
– Vous cherchez quelque chose d'intelligent. Vous êtes une jeune femme intelligente. Pas
le mariage et les belles voitures.
– Ah ça non !
– Pour demain, car vous reviendrez demain, cherchez cinq de vos qualités. Les cinq plus
importantes selon vous.
– Bien.
– Alors à demain.
Et il ressortit de la pièce aussi sec.
« C'était quoi ce truc Filou ?
– Tu verras. Après lui, tu ne seras plus la même. Tu mérites une meilleure vie Van. Tu n'es
pas heureuse. Ca saute aux yeux. Tu mérites de l'être autant que les autres.
– Ca se voit tant que ça ?
– Franchement ? Oui. Tu attends quelque chose hein ?
– Oui mais je ne sais pas quoi.
Elle baissa la tête. Il l'enserra gentiment dans ses bras.
Ils revinrent le lendemain à la petite bicoque. A la même heure.
« Alors, avez-vous réfléchi ?
– Oui mais ça a été difficile. J'ai dû me creuser la cervelle.
– Ca ne m'étonne pas. Vous n'aimez pas vos qualités.
– … (les yeux écarquillés et Filou sourit)
– Allez, dites-moi, je brûle de savoir.
– Curieuse, cultivée, tendre, respectueuse et consciencieuse.
– …
– Il y a un problème ?
– Oui.
– Dites « je suis... »
– Je suis curieuse, cultivée, tendre, respectueuse et consciencieuse.
– …
– Que se passe-t-il ? Jai dit une bêtise ?
– Je vous ai demandé vos cinq qualités les plus importantes Mademoiselle.
– Oui, les voilà, je vous les ai dites.
– Ce ne sont pas vos cinq grandes qualités.
– Prenez mes mains et sans réfléchir dans une grande inspiration dites-moi quelles sont
mes cinq grandes qualités.
– Les vôtres ?
– Oui les miennes.
– Prenez mes mains, tenez.
– … Vous êtes patient, vif, drôle, tonitruant et fou.
– C'est pas mal du tout.
Vanessa avait débité tout cela d'un coup sans même comprendre comment ni pourquoi.
– Je suis désolée, c'est très gênant. Je...
– Au contraire, vous avez fait du bon travail. Ce n'est qu'un début. A demain. Et faites
mieux en ce qui vous concerne.
Vanessa voulait se perdre pour se trouver ? Filou avait trouvé le bon filon. Elle ne
pouvait pas mieux se perdre. Elle ne dormit que très peu cette nuit-là. Filou vint la rejoindre
au petit matin et ils firent l'amour. Elle se sentit libérée d'un poids. D'un poids en plus, tous les
jours un poids en plus se levait dans ce pays béni et la désentravait.
– Bonjour Messieurs Dame.
– Bonjour M...
– Bien, vous vous améliorez tous les deux, dit-il en riant.
– Alors Demoiselle, allons-y.
– Alors, elle déglutit difficilement, je suis rigolote, battante, travailleuse, ouverte, bonne-
vivante.
– Mmmh. Toujours pas. Mais c'est moins mauvais qu'hier, il va sans dire. Mademoiselle,
réfléchissez-encore.
– Mais je ne peux pas, je ne comprends pas pourquoi. Je ne comprends pas ce que vous
voulez.
– Précisément ma chère.
Et il se leva et partit.
Sur le chemin du retour, Vanessa s'effondra en larmes, elle qui ne pleurait jamais. Filou lui dit :
« Ca fait toujours ça, ne t'inquiète pas.
– Ca devrait m'aider de la savoir ?
– Même à moi, ok ?
– … Ah ok. Tu sais comment me dire les choses toi ! »
Le lendemain, elle arriva en conquérante :
– Voilà mes cinq grandes qualités, Monsieur !
– Je vous écoute, Mademoiselle.
– Je suis une guerrière, je n'ai peur ni du feu ni des larmes, je continue de rêver, je
continue de chercher jour et nuit et je mourrai sans savoir.
Il sourit.
– Très bien Mademoiselle Vanessa. Très bien.
– Vous avancez. Mais vous n'en avez pas terminé. Poursuivez votre route. Et restez
guerrière.
Il eut un petit rire, peut-être moqueur qui exaspéra Vanessa. Elle sortit furibonde. « Ca
commence à me faire chier ces conneries !
– Attends Van. Ca va venir.
– Quoi ? La révélation ? Non mais tu me prends pour une de tes pétasses débiles qui
gobent tout ce que tu dis parce que tu baises comme un dieu ou quoi ? Ne me prends
pas pour ça ! »
Il la regarda blessé. Elle plaqua ses mains sur sa bouche. C'était sorti tout seul.
« Je suis désolée Filou. Excuse-moi. » Mais le mal était fait et ils repartirent en silence. Il la
laissa chez lui et ne rentra pas de la nuit.
Le lendemain, elle se rendit seule chez le vieux nain : « Tiens, vous voilà seule. Votre ami n'est
pas venu aujourd'hui.
– Non.
– Une dispute ?
– Oui.
– Il s'en remettra. Il est plus fragile mais aussi plus fort qu'il n'y paraît.
– Vous le connaissez bien ?
– Je ne répondrai pas à cette question. Demandez-lui ce que vous avez à lui demander.
– Vous avez raison.
– Je sais.
– Vos cinq grandes qualités Mademoiselle ?
– Je n'en sais rien, je ne sais plus rien. Et ce n'est pas si grave. Si ?
– Très bien, très bien. C'est parfait tout ça ! Vous êtes douée ma petite Dame. On fera de
vous une personne heureuse bientôt, vous verrez.
– Je ne me réjouis pas vraiment de ne rien savoir, de me sentir vide.
– Eh bien, moi, je m'en réjouis. A demain. Reposez-vous bien cette nuit.
Elle ne comprit pas pourquoi il tenait tant à ce qu'elle se repose cette nuit-là plus que les
autres. Elle fit en sorte. Elle y parvint. Filou qu'elle n'avait toujours pas revu vint se glisser
près d'elle à l'aube et ils s'enlacèrent à leur habitude.
« Ah, bien, vous revoilà tous les deux ! C'est bien. La cinquième marche est toujours la
plus dure.
– La cinquième marche ?
– Oui, c'est celle d'aujourd'hui. Le sommet de votre petite pyramide à vous.
– Euh, c'est un peu ridicule non ?
– Oui tout à fait. Mon humour est à revoir. Bref, Mademoiselle, j'écoute.
– C'est de la folie.
– …
– Nous sommes tous fous ! Vous comprenez ou merde !? Tous fous ! J 'en ai marre de me
creuser la cervelle, de faire ce qu'on me dit, d'avoir toujours un espoir. Et de me planter
comme une merde. Vous me faites chier vous et votre cinquième marche ! On dirait un
gourou d'1m20 qui se prend pour un pharaon. Vous êtes taré, comme tous les autres.
Vous me jugez comme tous les autres.
Elle se calma. Personne ne disait rien. Filou et le vieux respiraient très calmement. Avec
apaisement. Elle était désorientée.
– Tous fous, voilà, tous fous à lier.
– Oui, tous fous, Mademoiselle.
Elle fixa le vieil homme aux yeux rieurs cachés derrière ses milliers de rides.
– Vous avez très bien travaillé Mademoiselle. Vous êtes une brillante élève.
– Qu'est-ce que vous me racontez ?
– Vous avez appris ce qu'il y avait à apprendre. Refaites ce chemin encore et encore, 1, 2,
3, 4, 5. Celui que vous venez d'accomplir : croire qu'on sait, douter et trouver d'autres
voies, réaliser par la colère, désespérer et lâcher prise. Pensez au pharaon nain si c'est
votre solution. Mais allez jusqu'à 5 et soyez heureuse, sans les mains et à cru.
– Mais je ne sais pas lâcher prise Monsieur. Je n'ai jamais réussi à faire ça.
– Vous venez pourtant de le faire ma chère et avec succès. En seulement 5 jours. Vous
êtes de ceux qui sauront être heureux. Ne gâchez pas ce pouvoir. Au revoir
Mademoiselle. Filou, à bientôt.
Ils sortirent. Vanessa s'arrêta sur le pas de la porte et s'assit par terre. Filou tenta de la relever
en vain. « Van qu'est-ce que tu fous ?
– Je réfléchis.
– Pas ici putain !
– Si ici.
– On va dans le parc juste à côté, viens, il y a des petits bancs, tu pourras même t'asseoir
en tailleur comme tu aimes.
– Non. Je suis bien ici.
– Ok, e ne peux pas te décoller de là. Enfin, je pourrais si je te prenais sur mon dos
comme un sac à patates. Et encore, tu gueulerais tellement fort que j'aurais encore plus
honte. On ne s’assoit pas dans la rue dans ce pays.
– Mais je m'en fous Filou. Je m'en fous. C'est clair ? Puisque je suis folle de toute façon.
– Ok, Van. Ok.
Il s'accroupit à côté d'elle et attendit car elle ne disait rien.
D'un coup, elle se leva et ils repartirent au petit trot vers la maison. Toujours en silence.
« Filou ?
- Oui ? (Il avait la voix pâteuse de quelqu'un qu'on réveille.)
- Si on est tous fous, on n'a rien à perdre à faire des folies.
- C'est ça ma Van.
- C'est ça.
- Oscar Wilde disait que dans la vie, il n'y a que les folies qu'on ne regrette jamais.
- Tu cites Oscar Wilde maintenant toi ?
- Pourquoi pas ? Le monde est fou non ?
Ils sourirent tous les deux.
- Alors c'est parti.
Elle se leva d'un bond, sauta dans la douche, enfila ses vêtements préférés et fourra tout ce qu'elle
avait emporté comme affaires dans sa valise.
- Tu fais quoi ?
- Je repars à Paris. Quelques trucs à régler. Enfin. Entre fous.
- Ok, je t'accompagne.
- Oh non, je vais prendre un taxi, t'inquiète pas.
- Pas à l'aéroport. A Paris.
- Qu'est-ce que tu vas faire à Paris ? Ta vie est ici maintenant.
- Ma vie est est là où je veux. Elle est réelle dans ma tête et mon cœur. Tu ne la vois pas. Le reste
importe peu.
- Bien Monsieur le philosophe.
- Tu fais ça pour moi ?
- Oui en partie.
- Pourquoi Fil ?
- Parce que tu es mon amie.
- Ah.
- Et tu es mon amie et je t'aime, chose rare, parce que tu étais folle avant même de le savoir et tu
l'assumais avant même de le savoir.
- Hein ?!
- Eh oui la belle ! Ca sert à rien de se déguiser en working girl. Les barjos comme moi ne s'y
laissent jamais prendre ».
Et elle lui sauta au cou.
Aéroport.
Deux avions.
Roissy.
- On va où maintenant ?
- Chez mon père.
- T'es sûre ? Direct ?
- Sûre.
Vroum vroum et ding dong « Oh ma chérie ! Ca fait tellement longtemps !
- Bonjour Maman. Papa est là ?
- Oui, pourquoi ? demanda-t-elle inquiète.
- J'ai besoin de lui parler.
- Eh bien rentrez tous les deux. Bonjour jeune homme.
- Non merci Maman, on va attendre ici.
- …
…
- Bonjour Vanessa.
- Bonjour Papa.
- Je suis venue te dire que…
- Tu vas encore me faire des tas de reproches et ne plus en finir avec ça. J'en ai mar…
- Arrête ! cria-t-elle. Je suis venue te dire que tu es fou Papa, complètement fou.Un taré. Et moi
aussi.
Et elle repartit sans un mot de plus, Filou sur les talons.
Le père abasourdi, immobile sous le porche.
« Okayyyy. On fait quoi maintenant ? Tu as l'air partie pour une autre mission.
- Oui.
- On va à mon boulot.
- Pourquoi ?
- Tiens ! C'est bien la première fois que je t'entends demander pourquoi.
- Là, tu m'intrigues vraiment Van.
- Tu vas voir.
Vroum vroum, tuuutuuu
- « Oh c'est vous Vanessa. Vous n'êtes pas en congés ?
- Si mais je voudrais parler à M. Dutilleul.
- Il est dans son bureau. Je l'appelle, je ne sais pas s'il est disponible.
- J'attendrai le temps qu'il faudra.
- Votre ami reste dehors ?
- Oh non ! Viens Fil, tu peux rentrer.
- Oh c'est un bien beau jeune homme que voilà Vanessa. Vous en avez de la chance.
- C'est un ami Maryline, rien de plus.
- C'est déjà bien, reprit Filou.
- Ah oui mon p'tit monsieur. C'est important les amis dans la vie. Ca peut sauver la mise parfois.
- A qui le dites-vous !
Elle appelle.
- Allez-y Vanessa mais vous devez rester en-bas Monsieur, veuillez m'excuser, ce sont les règles de
l'établissement.
- Pas de problème, je comprends. A tout à l'heure ma Van.
- Je ne serai pas longue.
- Fais pas n'importe quoi quand même.
- Et pourquoi pas ?
Elle disparut dans un immense sourire dans l'ascenseur.
- Bonjour Vanessa.
Il était plus beau que jamais.
– Bonjour Thibault. Je reviens du Japon. J'y ai appris beaucoup de choses. Je n'ai plus peur.
Plus comme avant du moins.
– Ah. Tu n'avais pas l'air d'avoir très peur, dit-il en riant »
Elle s'approcha comme un chat et l'embrassa avec amour, avec tout cet amour de tous ces mois de
silence inutile. Elle repartit sans se retourner.
- Alors ? Ca a été ce flash rendez-vous avec ton boss ? Tu as démissionné ?
-
- Au contraire.
Et ses yeux pétillaient.
Ils sortirent.
- Te voilà heureuse ?
- En voie d'être oui.
- Alors on est vraiment tous fous ma p'tite dame.
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