mercredi 5 juillet 2017

Patate conquérante sans limites

Avant la poussière, le géant est apparu des dizaines de fois, encore et encore. Carotte qui le réveillait mais aussi parfois tout seul, de plus en plus avec l'âge. Patate se sentait muter d'un coup seulement déclenchée par son tourbillon de peurs. Le géant a fini par faire partie de son quotidien. Elle ne le contrôlait pas, pas du tout, c'était bien cela la plaie. Un monstre surgissant à l'improviste et dévastant toute fierté su son passage, bulldozer impitoyable. Elle n'était, de lui aussi, que la poupée. Elle le haïssait. C'est au moment des aventures nocturnes, de Patate-garçon, du premier éclat qu'elle trouva la poussière, qu'elle cessa de lutter contre le géant mais avec lui pour agir la métamorphose. Parce sans géant, pas de poussière, pas d'envol, pas d'ivresse de la victoire légère, sans ombre, scintillante. La poussière est géante poussière, poussière géante intouchable, inaccessible, inviolable.
C'était pour Patate, pour laquelle d'autre nom n'a toujours pas été trouvé, mais cela adviendra en un éclair comme une évidence, la magie des noms, c'était pour Patate le début d'une grand pan de vie. Le début de cette vie d'escalades. Patate dès lors qu'elle s'aperçut qu'elle était capable de métamorphoses délivreuses ouvrit la porte de la salle de jeu. La salle de jeu qu'elle se croyait interdite tout jamais, en bonne impuissante convaincue sûr et certaine. La salle de jeu qui n'a que les dimensions qu'on lui donne, qui rapetisse et grandit jusqu'à l'immensité, jusqu'à la mort. La salle de jeu où Patate allait commencer avec émerveillement d'abord à repousser les parois de son univers. Repousser les parois vitrées, salopes universelles qui laissent voir dans une transparence divine toutes les choses qu'on ne touche pas, qu'on n'atteint pas, et qui hurlent en choeur notre atrophie humaine. La cage devient salle de jeu et certains gardent leur calme en se tournant vers ce qui s'y trouve, en s'en contentant avec sagesse. Patate n'était évidemment pas de ceux-là. Elle se prit tout de suite au jeu potentiellement fatal : tordre les parois vitrées, aux apparences d'incassables mais tout à fit souples et malléables quand on trouvait la force d'y croire et de se sacrifier pour les attaquer dans cesse, oubliant sans doute ce qui existe déjà dans la salle de verre, les jeux faciles, les jeux-là. Toujours dans l'au-delà, toujours plus, repousser les putains de parois de verre, quel que soit le moyen, la fin justifie ces moyens, quitte à se trahir oui, pousser, toujours plus loin, conquérir, se sentir plus fort, plus grand, plus digne, parce que sans ça, on redevient le géant honteux débile sur ses trop grandes jambes dans sa cage de monstre de foire. Parce qu'on ne veut plus jamais et que rien n'est jamais fini d'obtenir, rien n'est jamais assez. Parce que l'appétit devient ogresque.
Patate devint insatiable. Seule. Sans l'aide de personne. Surtout sans l'aide de personne. Elle était enfin parvenue. Presque imbue de sa réussite et se jurant sur tous les cieux qu'elle ne cesserait jamais sa traque.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire