Elle a entendu la lune sage mais elle n'a pas pu arrêter le processus déjà emballé. Elle n'a plus prise sur la direction, elle pourrait lâcher le volant que cela ne la détournerait pas de sa trajectoire parfaitement droite (géomètre à l'appui, oui môsieur, prendre les moyens de ses ambitions.). Elle militait pour sa liberté intersidérale, je suis un être de raison, je détermine ce que je suis ce que j'ai ce que je deviendrai et comment je mourrai. Et ce sera pas dans cette cage ! Foutaises ma pauvre coquine ! T'excite pas, tu sortiras pas d'ici avant d'avoir plié !
La lune a passé le relais à ses étoiles qui surveillent attentivement la malade.
On est un peu rassuré, il y a eu du grabuge alors ça veille sur elle là-haut.
Seule la tête dépassait, le corps enseveli sous les javels détergents anti biotiques détartrants détachants purifiants etc., sanglé dans le filet de la détox exhibée. Nous, on voyait là un énorme bobard, un film aux coutures apparentes qui se construisait sous nos yeux, une incroyable intox. Elle était captivée.
Surréaliste.
Quelques-unes d'entre nous ont bien tenté de la déciller. Elles ont élevé chacune leur rhétorique plus ou moins élaborée (il y en a eu des révoltantes manipulo-dictatoriales, des atrophiantes à la hache ma bonne dame ! y a que ca de vrai quand ca résiste ! d'autres subtiles novatrices ; eh ben pas celles qu'on attendait qui ont fonctionné. Comprend rien à cette chieuse ! Chienne de vie va !)
Elle s'est mise à hurler comme une truie qu'on égorge : « sales détracteurs de la sublime vérité ». Vous refusez d'ouvrir les yeux. Vous caressez amoureusement vos paupières fermées et tranquilles. Dé-tes-ta-bleu gaaa-zellllles qui corrompez la beauté du monde par vos émotions de pacotille qui vous orgasment ou vous assomment indignement. Ça donne la gerbe ! Vous êtes insortables ! Cachez-vous ! Détrituuuuuus ! (Une voix de stentor des profondeurs des tripes). Noyez-vous dans vos immondices, je ne peux plus rien pour vous ! La postérité me reconnaîtra. (Manque la toge impériale dans laquelle s'envelopper crânement). Elle est folle de rage.
Les larmes dégringolent sur ses joues inertes.
Les détecteurs se réveillent branle-bas de combat sans échauffement après un long coma dans le coin en bonnet d'âne. Aux larmes ! Aux larmes les gars ! On se grouille ! Y a du taf ! Je vous avais dit qu'on n'était pas fini ! Tape dans le dos un peu trop vive du commandant en chef revigoré, le bleu toussote. Ils retrouvent tous illico leurs réflexes et s'organisent. Les uns agitent les sirènes, les autres évacuent le surplus en vue de l'inondation, les derniers engrangent le détonateur.
Enfin,
le sanglot,
depuis 6,12, 24, 36 mois attendu.
Ensablées depuis cette éternité. Les arrivées d'eau sont déterrées par la force des choses, éblouies par ce renouveau brutal. Leur lit se retrace et le noir des moutons accumulés déteint sur l'épiderme agonisant.
Et ô miracle !
Rosissement coucher de soleil de carte postale, du violet ressuscité des cernes au tendre rouge des pommettes s'estompant en pâle rose trémière jusqu'aux oreilles, front et menton reprenant leur rassurante couleur chair égarée dans le poivre moulu vermoulu de la mélancolie. (On doit se refaire la main en poésie, perdu l'habitude, excusez le cliché.)
Et nous enfin on peut détendre nos mâchoires qui mastiquaient h24 le vide, d'angoisse engouffrée dans nos fibres les plus intimes.
On a le droit de pleurer nous aussi ?
On a le droit de dormir maintenant ?
D'avoir chaud froid tiède ?
D'être immobile ?
De ne pas comprendre ?
De compatir ?
D'aimer ?
De convoiter ?
De rêver ?
D'embrasser ?
On a le droit de manger ?
On aspire l'air à grandes goulées, on se serre dans les pattes de tout notre cœur, qui, faut le dire, cogne à tout rompre. Faudrait pas crever de joie là ! Ce serait trop con !
Elle se calfeutre dans son ancien donjon, conciliant, mué en chambre inflexible et (dur dur !) douillette. Elle rechigne à se soumettre, à ne pas exhumer sa kalachnikov en invoquant le Père du Kilimandjaro, à ne pas exterminer ses semblables. Elle se contente de mignonnement détériorer le matériel, 2h de colle la demoiselle qui se croit tout permis près du radiateur ! Elle sourit. Elle réprime sa férocité et immédiatement une vague moelleuse d'indulgence la remplit comme pour l'encourager.
Les gazelles ont disparu. Elle est complètement seule avec elle-même. Mais les âmes passées à venir présentes vivantes la dorlotent et festoient au retour de leur fille prodigue.
La lune a passé le relais à ses étoiles qui surveillent attentivement la malade.
On est un peu rassuré, il y a eu du grabuge alors ça veille sur elle là-haut.
Seule la tête dépassait, le corps enseveli sous les javels détergents anti biotiques détartrants détachants purifiants etc., sanglé dans le filet de la détox exhibée. Nous, on voyait là un énorme bobard, un film aux coutures apparentes qui se construisait sous nos yeux, une incroyable intox. Elle était captivée.
Surréaliste.
Quelques-unes d'entre nous ont bien tenté de la déciller. Elles ont élevé chacune leur rhétorique plus ou moins élaborée (il y en a eu des révoltantes manipulo-dictatoriales, des atrophiantes à la hache ma bonne dame ! y a que ca de vrai quand ca résiste ! d'autres subtiles novatrices ; eh ben pas celles qu'on attendait qui ont fonctionné. Comprend rien à cette chieuse ! Chienne de vie va !)
Elle s'est mise à hurler comme une truie qu'on égorge : « sales détracteurs de la sublime vérité ». Vous refusez d'ouvrir les yeux. Vous caressez amoureusement vos paupières fermées et tranquilles. Dé-tes-ta-bleu gaaa-zellllles qui corrompez la beauté du monde par vos émotions de pacotille qui vous orgasment ou vous assomment indignement. Ça donne la gerbe ! Vous êtes insortables ! Cachez-vous ! Détrituuuuuus ! (Une voix de stentor des profondeurs des tripes). Noyez-vous dans vos immondices, je ne peux plus rien pour vous ! La postérité me reconnaîtra. (Manque la toge impériale dans laquelle s'envelopper crânement). Elle est folle de rage.
Les larmes dégringolent sur ses joues inertes.
Les détecteurs se réveillent branle-bas de combat sans échauffement après un long coma dans le coin en bonnet d'âne. Aux larmes ! Aux larmes les gars ! On se grouille ! Y a du taf ! Je vous avais dit qu'on n'était pas fini ! Tape dans le dos un peu trop vive du commandant en chef revigoré, le bleu toussote. Ils retrouvent tous illico leurs réflexes et s'organisent. Les uns agitent les sirènes, les autres évacuent le surplus en vue de l'inondation, les derniers engrangent le détonateur.
Enfin,
le sanglot,
depuis 6,12, 24, 36 mois attendu.
Ensablées depuis cette éternité. Les arrivées d'eau sont déterrées par la force des choses, éblouies par ce renouveau brutal. Leur lit se retrace et le noir des moutons accumulés déteint sur l'épiderme agonisant.
Et ô miracle !
Rosissement coucher de soleil de carte postale, du violet ressuscité des cernes au tendre rouge des pommettes s'estompant en pâle rose trémière jusqu'aux oreilles, front et menton reprenant leur rassurante couleur chair égarée dans le poivre moulu vermoulu de la mélancolie. (On doit se refaire la main en poésie, perdu l'habitude, excusez le cliché.)
Et nous enfin on peut détendre nos mâchoires qui mastiquaient h24 le vide, d'angoisse engouffrée dans nos fibres les plus intimes.
On a le droit de pleurer nous aussi ?
On a le droit de dormir maintenant ?
D'avoir chaud froid tiède ?
D'être immobile ?
De ne pas comprendre ?
De compatir ?
D'aimer ?
De convoiter ?
De rêver ?
D'embrasser ?
On a le droit de manger ?
On aspire l'air à grandes goulées, on se serre dans les pattes de tout notre cœur, qui, faut le dire, cogne à tout rompre. Faudrait pas crever de joie là ! Ce serait trop con !
Elle se calfeutre dans son ancien donjon, conciliant, mué en chambre inflexible et (dur dur !) douillette. Elle rechigne à se soumettre, à ne pas exhumer sa kalachnikov en invoquant le Père du Kilimandjaro, à ne pas exterminer ses semblables. Elle se contente de mignonnement détériorer le matériel, 2h de colle la demoiselle qui se croit tout permis près du radiateur ! Elle sourit. Elle réprime sa férocité et immédiatement une vague moelleuse d'indulgence la remplit comme pour l'encourager.
Les gazelles ont disparu. Elle est complètement seule avec elle-même. Mais les âmes passées à venir présentes vivantes la dorlotent et festoient au retour de leur fille prodigue.
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