dimanche 11 août 2013

Chacun sa mort


Chacun est mort à sa manière, pourtant inattendue.

Le très sérieux petit bonhomme responsable économe, mort tout jaune fleuri. Il avait passé sa vie en gris.
  La femme du monde étincelante et terrassante, morte délirante et vulgaire. Elle avait passé sa vie en paillettes bien élevées. 
    L'inventeur majestueux intransigeant et solitaire, mort en premier. Il avait passé sa vie à résister jusqu'au dernier souffle.
      L'éternelle éclopée suicidaire et tremblante, morte sereine et douce. Elle avait passé sa vie à craindre consciencieusement.

         On était sûre qu'elle serait la première victime et elle a tenu bon. Toute une vie à se battre contre le vent et le diable, ça consolide les forces pour l'ultime joute.
     On a cru plus solide que le roc l'homme de poigne et talent, infrangible comme le cristal, on n'a jamais eu droit à s'engouffrer dans une faille du monument. Il a dit Amen en deux coups de cuillères à pot. Il avait fait tout ce qu'il voulait.
  On a observé la vieille dame en robe à fleurs d'hôpital. On pensait sans doute qu'elle disparaîtrait comme par enchantement aspirée par l'arrière-scène. Elle n'était rien de plus qu'une chair comme les autres en putréfaction, l'âme débinée par le whisky.
Et l'apothicaire de cœur, on l'a imaginé se recueillant pieusement au seuil de l'au-delà, l'œil circonspect sans un mouvement de trop. Surveillant malgré tout. Il a sorti son costume de clown jaune tout jaune, canari nauséeux. Manquait plus qu'il chante le rabat-joie.

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