dimanche 18 janvier 2015

La guerre en héritage

le corps lisse
lissé
anti-frisouille
fripouille
sans plis
sans recoins
sans prise
sans reliefs.
une étendue déserte
plane
comme
la feuille vierge.
le corps lisse
glisse
sans poils
sans points
sans partitions.
une planche de
glace
à température vivante.
abstraite
et respirante.
pas d'horreur pour le corps
en bombes.
pas de hideur des
rondeurs.
pas pour les autres.
mais pour soi,
un corps sans pli
repassé
et passé
repassé
à la perfection
pour aucune ombre
aucune cachette
aucun trou
aucune érection
éructation
Lactation
jactation
éruption
possibles.
un corps
que presque
on ne reconnaîtrait pas.
de qui ?
de quoi ?
d'où vient-il?
pour où ?
pour quoi ?
un corps insupportable
d'inexistence.
elle, avec cette chair
vide et blanche,
parfaitement entière
de nullité,
intolérable à regarder.
l'antithèse de Zeus.
plus rien ne meurt.

Je lui invente
réinvente
sa douleur
avec la mienne
deux générations plus tard.
Elle a pris sans voir
de quoi on la vêtissait.
Ce qu'on lui mettait sur le dos.
Elle n'aurait rien
expliqué.
Rien à expliquer.
Ou tout.
Et mieux vaut désespérer
avant cela.
Adepte du désespoir
salvateur.
Tout doit prendre sens.
Il lui a fallu une
beauté, un
ordre, un
luxe
au désespoir.
Pour mieux que
survivre.
Puisqu'elle a fini par
aimer et
consoler.
Pas les premiers nés,
plus tard,
quand on lui a permis de s'en coquiller.
Les plus lointains,
les enfants d'autres.
Les enfants à intermédiaires.
Les enfants qu'elle ne pourrait plus
briser.
Qui auront d'autres tuteurs.
Mieux lotis dotés.

Elle est ma martyre,
en écoutant un requiem.
Celle que
je ne peux pas détester
malgré toute ma bonne volonté
en ce sens.
Elle m'a légué
son fardeau.
Sans le faire exprès.
Pas d'emblée.
Elle est mon ancêtre.
Mon corps fou.
Ma été en bouillons noirs.
Mes boyaux terroristes insatiables.
Ton corps, tu l'avais effacé
à la gomme,
au cutter,
au couteau,
à l'ongle,
à la famine.
Tu lui avais extirpé son âme.
Tu avais tout garder pour toi, ton cœur et ta tête.
Pour que ce corps ne soit
que
celui de l'enfance,
du frère,
de la mère morte,
des règles et tout le sang cuissard.
Ce corps irrattrapable,
à emboîter de force au cœur et neurones.
Espiègle,
Retors,
Intrépide,
Impétueux,
Impulsif,
Violent,
Furieux,
Kamikaze.
Elle a éprouvé ce qu'elle croyait ne pas être sien,
le corps fixé sur elle.
Elle l'a éprouvé.
Jusqu'aux confins
de leurs
douleurs communes.
Ils se sont livrés
un combat sans merci.
Que tous,
aveugles nous tous,
des guerres intestines
de nos plus proches alliés
en ce monde.
Un combat à mort.
Où aucun des deux n'a rien à perdre,
sinon l'autre.
Or, ils ont fini par se haïr
et ne plus vivre ensemble.
Le kamikaze a jeté des bombes,
des avions sur tous les toits
de son monde à elle.
Elle était à terre.
Chaque fois
se relevait.
Elle serait crevée sans ce combat mortel.

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