Dans la largeur des vêtements et
la fin de sa lutte pour la norme, elle put enfin se laisser être.
Elle commença de se sentir plus forte et elle put repenser à
certains terribles moments. Surtout avec Carotte. Elle ne le
comprenait pas pour l'instant et elle mettrait des années mais
Carotte était une vraie déglinguée, détraquée. Une vraie
furieuse qui jouissait du malheur des autres. Une vraie. Qui
s'endormait avec le sourire quand elle avait pu pomper celui ou celle
qu'elle avait élu pour être sa victime du jour. Il n'y avait pas
seulement Patate bien entendu. Carotte diversifiait son zoo. Elle
tentait diverses bêtes et diverses griffes ou crocs pour se faire la
main, pour gagner et mettre à terre tout ce qui lui passait entre
les doigts. Carotte donnait cette impression terrible de tout pouvoir
et d'impuissance face à elle. Cette folie des pervers qui n'ont
d'autres moyens de subsistance que l'autre et ses ressources, le
pervers qui ne pourrait survivre sans les autres tout près de lui.
Patate haïssait Carotte et entrevoyait une issue face à elle. Elle
avait toujours cru n'être que sa victime, parfois son alliée, en
fait sa marionnette du moment. Elle entrevoyait aujourd'hui sa
faiblesse. Patate n'était pas prête à tout, elle n'était pas de
ceux-là. Mais elle était prête à blesser profondément,
désormais. Elle détenait une arme, un secret, elle pouvait faire
chanter la folle perverse. Elle voulait posséder davantage
d'informations avant de passer à l'action mis, en réalité, elle
n'y tint pas. Elle trépignait d'impatience. Elle rongeait son frein
mais elle se vit lâcher les chiens avant même d'avoir compris ce
qui se passait.
« Alors Patate, on change
de look ?! Eh, il était temps non. Tu vas enfin arrêter de
faire comme les autres non ? Comme moi aussi non ?
- C'est ça Carotte.
Carotte surprise de l'aplomb de
Patate.
- eh ben dis ! Tu prends la confiance toi !
Elle rit, moqueuse.
- C'est ça Carotte. Je prends la confiance. Ca va te faire bizarre hein ?
Patate ne se reconnaissait pas.
Plus elle parlait, plus elle souriait bêtement de satisfaction et de
soulagement. Tout son ventre se libérait et elle se sentit légère
brutalement. Elle expérimentait le plaisir de la vengeance en
gestation.
- Eh ben alors (elle siffle) vous avez vu ça ?
Patate sent qu'elle ne tiendra
pas face au groupe, elle recule et commence à se recroqueviller
intérieurement. Mais la scène n'intéresse heureusement personne.
Il y a un autre histoire bien plus croustillante à côté.
- Bon, Tout le monde s'en fout non ?
- De toi oui.
- Euh, de nous Carotte.
- Bien sûr. Tu veux m'emmener là-dedans ? Je vois ce que tu fais.
- Ah bon ? Et qu'est-ce que je fais ?
- Tu essayes de me mettre dans le même sac que toi.
- Oh surtout pas Carotte ! Je ne voudrais surtout pas te ressembler, contrairement à ce que tu crois. Je ne suis pas comme toi.
- Ca c'est sûr !
- Tu l'as dit ! Moi, je n'insulte pas ma mère et je ne suis pas la pute de mon père.
Patate ouvrit grand les yeux en
s'entendant elle-même. Elle avait osé. Elle s'empêcha d'éclater
de rire.
- Tu a dit quoi là ?
- Tu as très bien entendu. T'es sûre que tu Veux que je répète.
- Connasse ! Je te pensais mieux que ça Patate.
- Eh ben détrompe-toi. Tout le monde a une grosse connasse en soi.
Carotte laissa retomber son
sourire qu'elle avait essayé de maintenir jusque-là tant bien que
mal et ouvrit bée la bouche quelques secondes avant de se reprendre.
Elle eut une moue mauvaise et promit.
- Tu vas payer ça Patate.
- Meuh oui ma petite Carotte.
Carotte voulut se retourner pour
rétorquer ou frapper. Mais elle se contenta de s'arrêter sur place
dos à Patate, tout sourire, et de reprendre son chemin les poings
serrés et la démarche raide. Et Patate passa la meilleure journée
de toute son existence ensuite. Béate. Vivante.
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