lundi 5 juin 2017

Foi et tout le tralala

Peut-être aussi, se dit-elle, qu'elle sentait que quelque chose avait changé en Patate. Parce que oui quelque chose était terriblement en train de changer en Patate. Les rapports de force qu'elle croyait immuables se transformaient à vue d’œil, les repères qu'elle était sûre d'être fixés jusqu'au cœur de la planète se déplaçaient, les racines indécrottables de son impuissance se dénouaient. Patate, jeune, encore toute jeune, malgré la douleur, ne savait pas combien la vie contient d'horizons. Combien l'existence ouvre de portes quand on en trouve la route. Combien elle-même Patate contenait de promesses. Elle ignorait tout cela. Elle, je crois, préférait ne pas espérer davantage que ce qu'elle constatait être sûr, prouvé et concret, Saint Thomas en herbe. Encore une fois, ce qu'elle pensait être tel. Tout cela n'est qu'impression. Tout réside dans des croyances et des fois. L'homme est un être de foi. Voilà ce qui le différencie de l'animal. Pas un être de religion. Cela n'est qu'une minuscule partie de la foi, de toutes les fois qui existent. Ce n'est que la partie étriquée de la foi que ceux qui aspiraient au pouvoir, qui y aspirent toujours d'ailleurs, pas les mêmes mais de la même manière, ont affirmé être La foi. Il y a aussi toutes les autres : la foi en la raison, la plus méconnue et surtout la plus déniée de ceux qui la pratiquent, qui se récrient que la raison, la logique et les mathématiques de la science ne peuvent pas être une foi puisqu'ils en sont le contraire. Sur quels arguments fallacieux appuient-ils leurs dires ? Sur des histoires de preuves et de protocoles « scientifiquement prouvés », c'est l'expression consacrée. Des choses qui ne peuvent pas mentir, elles ! Là, ils se méprennent déjà puisque la foi, toute foi se dédouane d'emblée d'une quelconque vérité. Toute foi admet sa vérité en laquelle on se contente, si cela peut paraître facile à certains, de faire une confiance absolue ou du moins parfois entière. On n'est pas obligé d'avoir la foi tout le temps. Qui ne doute pas de sa foi primordiale ? Celle de ses tripes ? Hein dites ?! Pour ce qui est du protocole scientifiquement prouvé et des preuves irréfutables, elles le sont à un instant T, dans un espace E, dans une société S, dans les mains de Messieurs X et Y. Elles sont convaincantes et pour partie irréfutables. Mais une fois l'observateur ou auditeur décentré de son espace-temps et son objectivité toujours subjective, tout se questionne à nouveau. Peut-être pas tout à fait tout, d'accord. Mais une grande majorité. Après, l'on choisit d'y croire et de le prendre comme repère. Et on est rassuré. L'on peut tourner les talons et reprendre sa vie sans se demander ce que l'humain peut bien faire sur cette terre.
Patate se rend compte que la religion, oui ça lui parle, oui c'est un secours, oui elle prie pour ne pas sombrer, oui elle y croit, et elle n'en a pas honte. Elle y croit tout en se disant qu'elle est humaine et qu'elle a besoin d'y croire mais que finalement rien ne lui donne à croire que. Elle y croit comme on croit à une pilule bleue délivrée par un gentil et beau médecin à la voix douce. On n'a qu'envie d'y croire. Mais elle a également d'autres fois : les mots, le langage, le verbe. Elle a foi en son incroyable puissance. Elle croit dur comme fer qu'ils peuvent mener quiconque au bout du monde. C'est son dada à elle, son canasson préféré, celui qui l'accroche à la vie et au réel. Elle n'en fait rien de plus que de le penser et de le dire parfois, aux adultes, qui même idiots, sont plus avancés sur ce point que ses pairs imbéciles.
On pourrait penser que Patate est hautaine, qu'elle s'imagine plus intelligente que les autres. Sûrement pas ! Détrompez-vous et que les choses soient claires à l'avenir ! C'est moi qui dit ça. Parce que, ben oui je prends la défense de mon personnage, ben oui ! Sinon, si je ne l'aime pas, à quoi cela sert-il que je lui écrive tant de pages ? Hein ? … Ne répondez pas tous à la fois surtout ! Bien sûr que je l'aime de tout mon cœur ce personnage. C'est mon enfant, celui que j'ai adopté et que je défends bec et ongles contre les aridités de la vie, que j'essaye de réparer, de panser du moins, autant que faire se peut. Je ne dirais pas « c'est mon bébé », comme vous l'attendiez peut-être. Ce n'est pas mon bébé puisqu'elle est légumescente ! Je ne l'ai pas adoptée bébé et je ne la traiterai pas comme un nourrisson. C'est trop tard. Le mal est fait et je ne l'ai même pas connue à l'époque alors... C'est mon enfant et je prends son parti contre tous les autres. Pas bêtement mais pour rendre justice. Donc c'est bien moi et non elle qui parle d'idiots et d'imbéciles. Elle aces idées-là mais très loin, derrière la tête, elle ne peut pas les attraper. Elle en a honte et elle ne veut pas être de ceux-là. Patate a à cœur d'être une personne qui ne méprise pas. Elle est tentée, comme tout un chacun, avec les plus forts surtout, les plus impertinents. Mais elle ne s'y autorise pas. Elle ne veut pas être de ceux qu'elle combat. Elle avait envie de mépriser Carotte, de toute son âme. Mais elle n'aurait pas arrangé son cas et se serait d'autant plus méprisée elle-même. Elle n'était pas mieux que les autres et se le serinait, ou plutôt une petite voix, une grosse voix intérieure lui serinait combien l'humilité était un gage de valeur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire