Un
livre gagné par un heureux hasard. Comme quoi, il faut toujours
tenter sa chance. Et on peut dire que je ne regrette pas d'avoir
tenté la mienne, ça non ! Le titre « Les Limbes »
m'attirait, l'attente face à un premier roman est toujours excitante
et ce profond bleu de la couverture avec ces roches vivantes (un
détail peut-être mais je ne peux nier qu'il a joué un rôle dans
mon désir) ont rapidement eu raison de moi. L'intuition que j'allais
y gagner une belle aventure.
Mon
intuition ne m'a pas trompée. Olivier Bal réussit dans son premier
roman à construire une narration extrêmement solide. La narration
est sûre et amadoue le lecteur qui ne peut finalement qu'accorder sa
confiance au narrateur. On cède au plaisir de ce récit et l'on en
oublie de trop penser. C'est parfois le problème de certains... Le
livre qui, de par son architecture complexe, pleine de sens et
robuste, vous fait lâcher le contrôle est selon moi un livre
sacrément réussi. Cela m'est peut-être propre. Peut-être mais
j'ai envie de croire que c'est bien là l'objectif recherché par de
nombreux lecteurs et notamment lecteurs de thriller. Se laisser
embarquer, même si l'on ne sait plus comment nager dans ce monde-là.
L'auteur
a créé un véritable univers. L'imagination est libre et l'on
aimerait pouvoir autant que lui libérer la sienne. Il y a le
sentiment d'un monde qui s'ouvre à la lecture du roman. Il nous fait
rêver. L'idée de départ est qui plus est originale. Certains
passages reviennent à des figures plus classiques de l'imaginaire
collectif mais ne s'y attardent pas et cela n'alourdit donc pas le
récit. J'avoue avoir craint un moment tomber dans un Walking Dead
revisité. Les morts-vivants sont partout. Personnellement, ils me
fatiguent. Trop faciles, trop faux, trop nombreux. Mais Olivier Bal
n'y fait qu'un petit détour, en fin de compte plutôt divertissant.
L'univers
qui se déroule ici au long des 400 pages des Limbes est en
outre un bel univers. Il est original sans perdre pour autant le
lecteur. Il parle. Il évoque aussi et les images sont fortes, les
paysages, les couleurs, les formes, les signes. Il reste en tête,
une fois le livre refermé, des tableaux vivants et marquants. Cela
fait penser à ces œuvres classiques désormais dont peu à peu on
oublie l'histoire mais dont les images sont imprégnées dans
l'esprit, Le Seigneur des Anneaux, La horde de
Contrevent... Il s'agit ici d'un premier roman et nous n'en
sommes pas, me semble-t-il à cet état pour ainsi dire parfait
d'élaboration que donnent à voir ces deux chefs-d'œuvre (j'irais
jusqu'à réelle perfection concernant La horde de Contrevent
même si cela n'est pas le sujet) mais ils se rejoignent dans
cette qualité d'imaginaire et d'imagerie, dans la construction
totale et équilibrée d'un morceau d'univers.
Une
petite remarque sur le style général de cette fiction. Elle est
classée dans les thrillers. Rien à redire là-dessus. Mais aussi
nous pourrions parler de roman d'anticipation. Chose ironique puisque
l'histoire a lieu dans le passé. Cet élément est représentatif du
jeu avec le temps et l'espace dans Les Limbes. Cette perte de
repères n'embrouille pas l'esprit mais amuse et l'on se lance pour
le grand huit.
Le
thème, dont nous n'avons pas encore discuté ici, est pourtant tout
à fait d'actualité. Notre société est sans conteste une société
du contrôle. Pas directement dans le sens d'une théorie du complot
même si certains l'y retrouveront peut-être en filigrane. Mais il
est question de notre désir à nous humains d'aujourd'hui et
d'Occident notamment de vouloir tout contrôler. Hyper-contrôle,
hypervigilance. Dans un monde qui frise très sérieusement la
paranoïa et oublie d'avoir foi. Les Limbes nous interroge sur
l'intérêt de la réalisation de ce penchant contemporain. Ne
serait-il pas préférable qu'il demeure fantasme et se rêve plutôt
qu'il ne s'accomplisse ? Après un tel voyage dans le contrôle
mental et psychique, l'on retombe les pieds sur terre. Le plancher
des vaches a ses avantages, sans aucun doute.
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