jeudi 14 juin 2018

Olivier Bal, Les Limbes, Editions De Saxus


      Un livre gagné par un heureux hasard. Comme quoi, il faut toujours tenter sa chance. Et on peut dire que je ne regrette pas d'avoir tenté la mienne, ça non ! Le titre « Les Limbes » m'attirait, l'attente face à un premier roman est toujours excitante et ce profond bleu de la couverture avec ces roches vivantes (un détail peut-être mais je ne peux nier qu'il a joué un rôle dans mon désir) ont rapidement eu raison de moi. L'intuition que j'allais y gagner une belle aventure.
Mon intuition ne m'a pas trompée. Olivier Bal réussit dans son premier roman à construire une narration extrêmement solide. La narration est sûre et amadoue le lecteur qui ne peut finalement qu'accorder sa confiance au narrateur. On cède au plaisir de ce récit et l'on en oublie de trop penser. C'est parfois le problème de certains... Le livre qui, de par son architecture complexe, pleine de sens et robuste, vous fait lâcher le contrôle est selon moi un livre sacrément réussi. Cela m'est peut-être propre. Peut-être mais j'ai envie de croire que c'est bien là l'objectif recherché par de nombreux lecteurs et notamment lecteurs de thriller. Se laisser embarquer, même si l'on ne sait plus comment nager dans ce monde-là.
L'auteur a créé un véritable univers. L'imagination est libre et l'on aimerait pouvoir autant que lui libérer la sienne. Il y a le sentiment d'un monde qui s'ouvre à la lecture du roman. Il nous fait rêver. L'idée de départ est qui plus est originale. Certains passages reviennent à des figures plus classiques de l'imaginaire collectif mais ne s'y attardent pas et cela n'alourdit donc pas le récit. J'avoue avoir craint un moment tomber dans un Walking Dead revisité. Les morts-vivants sont partout. Personnellement, ils me fatiguent. Trop faciles, trop faux, trop nombreux. Mais Olivier Bal n'y fait qu'un petit détour, en fin de compte plutôt divertissant.
L'univers qui se déroule ici au long des 400 pages des Limbes est en outre un bel univers. Il est original sans perdre pour autant le lecteur. Il parle. Il évoque aussi et les images sont fortes, les paysages, les couleurs, les formes, les signes. Il reste en tête, une fois le livre refermé, des tableaux vivants et marquants. Cela fait penser à ces œuvres classiques désormais dont peu à peu on oublie l'histoire mais dont les images sont imprégnées dans l'esprit, Le Seigneur des Anneaux, La horde de Contrevent... Il s'agit ici d'un premier roman et nous n'en sommes pas, me semble-t-il à cet état pour ainsi dire parfait d'élaboration que donnent à voir ces deux chefs-d'œuvre (j'irais jusqu'à réelle perfection concernant La horde de Contrevent même si cela n'est pas le sujet) mais ils se rejoignent dans cette qualité d'imaginaire et d'imagerie, dans la construction totale et équilibrée d'un morceau d'univers.
Une petite remarque sur le style général de cette fiction. Elle est classée dans les thrillers. Rien à redire là-dessus. Mais aussi nous pourrions parler de roman d'anticipation. Chose ironique puisque l'histoire a lieu dans le passé. Cet élément est représentatif du jeu avec le temps et l'espace dans Les Limbes. Cette perte de repères n'embrouille pas l'esprit mais amuse et l'on se lance pour le grand huit.

Le thème, dont nous n'avons pas encore discuté ici, est pourtant tout à fait d'actualité. Notre société est sans conteste une société du contrôle. Pas directement dans le sens d'une théorie du complot même si certains l'y retrouveront peut-être en filigrane. Mais il est question de notre désir à nous humains d'aujourd'hui et d'Occident notamment de vouloir tout contrôler. Hyper-contrôle, hypervigilance. Dans un monde qui frise très sérieusement la paranoïa et oublie d'avoir foi. Les Limbes nous interroge sur l'intérêt de la réalisation de ce penchant contemporain. Ne serait-il pas préférable qu'il demeure fantasme et se rêve plutôt qu'il ne s'accomplisse ? Après un tel voyage dans le contrôle mental et psychique, l'on retombe les pieds sur terre. Le plancher des vaches a ses avantages, sans aucun doute.

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