lundi 24 mars 2014

Déclenchement

Il est là,
Régulier,
En positif
Toujours dans le vert
Toujours super.
En haut dans le vague
Pas si habile qu’il surferait
Beaucoup plus maladroit
Mais en équilibre
Sur la crête
Obligatoire.
Interdit d’en descendre,
Interdit le repos,
Interdites tristesse et frustration.
Obligation de joie et bonne humeur.
Souris et remercie !
Tu pèseras moins !
Léger et invisible ;
Silencieux éthéré.
Ne touche pas trop le sol,
Ne t’approche pas trop près
Ne pose pas trop de question,
Réponds que tout va bien,
Réponds que oui parfait,
Super super super
On continue pareil
Rien à dire
Rien à redire.

Bien … on ne peut qu’être dubitatif devant cette avalanche de satisfaction, sans tache. On a beau questionner, on a beau louvoyer, se mettre en scène et devenir lui devenir elle, tout demeure absolument super. Ce n’est pas qu’on cherche le mal partout. Parfois, il n’y a rien à chercher rien à trouver parce que tout va comme ça ou que le moment est loin de regarder et transformer. Alors patience et silence. Mais quand avant même que la question ne soit achevée, tout est super, les antennes se dédoublent et inspectent le terrain. Où est le heurt ? la tuile ? la chute ? le bleu ? le sang ? la larme ? Il elle ne la montrera pas, plutôt mourir que de se plaindre ou de souffrir ouvertement impunément. Se faire le plus imperceptible possible. Plaisir de l’autre impératif.
Et on se dit en face d’un mur de faux bien-être, ce qu’on appelle tel en tout cas, qu’on est parfaitement impuissant face au silence des émotions. On affirme, de quel droit ? qu’il vaudrait mieux parler, que s’exprimer c’est bien, que ça soulage la vie. De quel droit moi et d’autres savons-nous que pour lui précisément ou elle singulièrement, il est à coup sûr bon et bienfaisant de dire ce qui anime cet esprit-là ? De quel droit m’arrogé-je le droit de savoir que ça oui nécessairement lui fera du bien ? On se fie à l’expérience des uns des autres mais qui de nous, qui savons comment faire et s’y prendre parce que mieux choyé par le hasard, sait quel est le monde de celui qui n’entend pas ? marche tant bien que mal ? ne peut ni lire ni écrire ni à peine exprimer ce qui se meut en lui ? Qui de nous en connaît même le plus infime millième ?
La réponse est connue.
Oui mais on sait que…
Que quoi ? excusez-moi. On sait de nombreuses choses et c’est formidable. Mais si je crois savoir, je me perds, je nous perd, je l’enjoins à continuer d’être heureux dans son minuscule carcan.  On ne sait pas. On peut pressentir, imaginer, croire, faire l’hypothèse, soupçonner. Et pas mieux. Et je dois moi si supérieure en chiffre de QI, accepter et appliquer à la lettre que : je ne peux pas savoir, je ne saurais jamais que ce qu’il me dit. Je l’accepte plus ou moins, selon le jour et l’humeur. Je m’en veux, mais je ne suis pas moins humaine malgré mon formidable QI dans la moyenne. Ce ne sera certainement pas lui qui m’aidera à résoudre cette énigme. Peut-être même que parfois, il se dressera entre moi et lui, que je ne pourrai pas percevoir l’indice qui m’est lancé dans une mimique, dans un mouvement, dans un rythme.
Pendant des semaines et des mois, je me dis que je dois essayer comme ci comme ça, le laisser absolument libre. Et en me parlant ainsi, je l’emprisonne. Je le laisse absolument libre par décision, pour qu’il s’exprime, parce que j’attends impatiemment qu’il s’exprime enfin, qu’il sorte son venin et me le crache même au visage. Et s’il n’en recélait pas ? Tout le monde n’en aurait pas sa dose ? Et pourquoi pas ? L’imaginer au moins. 
Puis, lassée d’espérer quelque idiotement quelque chose qui n’appartient qu’à moi et dont il ne m’a jamais rien dit, je le laisse véritablement tranquille et sans m’en apercevoir, j’attends son moment. Sans savoir que j’attends, bercée par son tic tac de papier à musique.  Nous sommes ensemble de temps en temps, nous passons un bon moment et il n’en dit pas davantage ; Il ne se livre pas. Et je ne suis pas là pour ça, à ses yeux, peut-être. Je suis certainement là pour quelque chose, il le dit et redit. Mais comme il le veut et je ne sais pas et ne saurai jamais ce que cela veut dire. Il ne pourra sans doute jamais le formuler.

Et puis surgit un jour,
La parole
Contraire à celle qu’on croyait nécessaire.
Au calme
Dans la routine
Ronron petit patapon.
On écarquille les yeux
On se dit qu’on est sûrement la énième personne
De l’histoire
Si intime,
Pas possible,
Pas de miracle.
Déclenché comme un coucou
D’un coup,
Suspect...
Ecoute attentive
Un peu émerveillée
(ne le dites à personne, ca ne fait pas dans le milieu !)
Qu’un être aussi
Opaque
Toujours masqué
Se découvre
Et désire
A en avaler le monde.
N’est-ce pas nous sommes pareils ?
N’est-ce pas toi aussi tu veux ce que je désire en ce moment ?
Je suis normal n’est-ce pas ?
Tout est dit en même temps,
Sans douleur
Sans violence.

Et puis, quelques jours après, on en reparle. J’apprends qu’il ne s’est pas exprimé de la sorte avant. Cela aurait-il eu moins de valeur si je n’avais pas été la première ? La prem’s ! non bien entendu. Et pourtant, soyons honnête… Recueillir la parole de celui qui ne se confie pas, jamais, quelle victoire ! quelle confiance gagnée !

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