vendredi 28 mars 2014

Enfance à travers corps (56)

Les fins de mois,
Anna pense
et tournicote
l’enfance dans ses mains et
ses pinces cérébrales,
celles qui avalent tout ce qui passe
Et la chaîne de la transformation
en quelque chose de soi.
Elle manipule
cul par-dessus tête
à l’horizontal
vertical
l’envers,
toutes les directions
positions.
L’enfance
s’épanouit à nouveau
dans ses pieds
d’abord,
Ce sont eux
qui se détendent les prem’s,
effet immédiat
de palmothérapie.
Mais les secondaires
sont presque
miraculeux.
La force du pied,
on l’ignore trop.
Anna n’a pas d’a priori
sur telle ou telle
partie
du corps.
Elle se fiche bien de
ce qui convient à ses congénères
et de ce qui les révulse
ou fait rire.
Elle les aime tendrement
ses pieds.
Elle leur sait gré
de leur pouvoir
et de leur coopération.
N’allez pas dire qu’elle est folle
et qu’elle les croit vivants.
Si vous ne comprenez pas,
Prenez-vous en à votre esprit
borné

à vos œillères
en angle mort.
Elle sait bien que c’est étrange de parler
en ces termes,
mais en son for intérieur
elle se le permet :
l’enfance lui sort des pieds.
Berceaux de sa jeunesse.
Ils gardent précieusement.
La mémoire sans exception.
Les légataires universels.
Les trésors de guerre.
Fantassins intrépides.
Une fois rassisse
Repuse
Tounée tournée dans le bureau,
Elle regurgite l’enfance,
En bonne bovine.
Cela existe-t-il des vaches rousses ?
à chercher ce soir
sur internet,
elle note dans son programme de la soirée.
Des pieds jusqu’au sommet,
L’enfance se répand.
Elle pense
toujours
alors
aux piqures
de désensibilisation
tous les printemps,
jusqu’à vingt ans.
Une maladie contre une autre.
Echange de bons procédés.
Prend ma place
Mets-y toi
Je prends ma retraite
Au désert
Sans pollen
Ni bitume.
Une année sur deux,
Anna allergique au pollen,
tranquillement banale,
une année allergique au bitume,
tragiquement incomprise.
Et puis cette alternance stupide
Et métronomique,
Ah oui !
Les docteurs n’y ont jamais rien entendu.
Ils l’ont accusée de simuler.
La mère a tenu bon contre eux,
Jusqu’aux infinies répétitions.
Et puis,
elle a lâché prise
et l’a laissée avec ses plaques
et ses bourgeons.
Enfin, disait-elle.
Le père a repris les rênes.
Anna pas idiote
a toujours su
que la mère acharnée
continuait
de mener la danse.
Elle tient la baguette
cette femme-là.
Le père
a fait sa sauce
quand même.
Et ils sont allés voir un
tout minuscule docteur,
aussi grand pas plus
qu’Anna. C’est dire !
Il avait un nom imprononçable
Dont elle se foutait éperdument.
Il a bien écouté
Pas tout compris,
Elle a pensé.
Et le père aussi, c’est vrai.
Il a fait sortir celui-là.
Parce qu’il a dit :
Allergies, c’est tout autour,
c’est tout ce qu’on touche.
Il faut seule demoiselle
pas parasite.
Le père a souri et est sorti.
Le Dr PHP
a regardé le corps allongé
d’Anna,
dirigé illico aux
pieds.
Et après,
Tous les lundis,
il a
roulé,
malaxé,
enfoncé,
frotté
etc.
Eh bien,
Ca s’est passé doucement.
L’année suivante,
Ça revenait et on y retournait
avec le Pater.
Il ne s’est jamais étonné
de pollen et bitume.
Il avait même
l’air de penser que ça allait
de pair.
Comme il a tout compris
quand il est venu
à l’hôpital psychiatrique.
Il n’avait pas l’air surpris
pour un sou.
Le seul des seuls.
Depuis, ce sont les pieds
qui trinquent
et soignent.
Ce sont les baromètres de
son âme.
Elle aime bien faire sa poétesse
avec les pieds.
Ca ne se fait pas,
elle le sait bien,
c’est ça qui l’amuse
en plus d’être vécu
senti.
Le Dr PHP
lui a vite appris,
elle en a gobé les mouches
de contentement,
à vibrer du sous-sol,
laisser descendre tout
le fatras du grenier
et des étages.
Même son rez-de-chaussée n’est pas net.
Mais les pieds restent sains,
ultime arme,
époustouflants.

Et donc,
elle laisse l’enfance
remonter son cours
le long des jambes. Le plus dur passage
les chevilles.
Premier et magistral obstacle.
Une fois dépassée,
coule et coule,
quelques courants
en vessie, 70 cm
en sternum, 1m
en glotte, 1m 30
qui dévie
la trajectoire.
Sans drames.
Les yeux finissent par
soulager
leurs muscles
qui cherchaient
flairaient
en tout point
l’issue
de cette énième fin
mensuelle.
Les coins retombent,
Les globes font la java
salto arrière
dans l’orbite.
Le vide s’est évanoui,
toutes les images sont là.
Ils vont pouvoir
scruter
et dégoter
l’explication
historique.
Les yeux et Anna
s’en vont en quête
d’une paire
pour les
ripatons
salvateurs.

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