lundi 6 février 2017

Et plus tard, tout s'explique...

Peut-être qu'elle préférerait se désintégrer, tomber en poussière réellement pour que tout ça puisse se regarder aussi intense que cela se passe en elle. Mais elle rentre entière chez elle et rien n'apparaît.
Tout cela, c'est ce qu'elle croit elle, c'est ce dont elle est sûr, absolument sûre. Et il en faudra des démentis pour revenir sur ces idées qui grignotent...
Elle s'imagine rêvasse pour réparer tout ce quotidien. Elle imagine la vie des autres
La vie des autres.
La vie rêvée.
La vie des forts.
Elle connaît déjà celle de Carotte, parce qu'elle, elle l'étale et elle crie haut et fort qu'elle n'a rien à cacher. Patate a tout à cacher. Elle le sait et elle croit être la seule. Elle cache, elle fait semblant et ça se voit. Et on le lui reproche. On dit qu'elle n'est qu'une faux-cul et quand on est poli une hypocrite mais on se détourne d'elle quand même avec un regard de dédain qui sous-entend que soi, on est propre et sain, qu'on dit ce qu'on a sur le cœur au moment où il le faut. Tout cela à grands renforts de mots plus durs les uns que les autres... adressés aux plus fragiles... Mais on se rassure comme cela.
Ce sera comme cela toute la vie. Sauf que tout changera quand Patate s'apercevra qu'ils se rassurent ces autres qu'elle croit si forts. Qu'ils ne peuvent même pas se dire qu'ils ont quelque chose à cacher, qu'ils auraient trop honte d'avouer cela, ou qu'ils ne sont pas assez courageux. Elle emploiera la même méthode un jour, même si elle s'est toujours promis de ne pas le faire. Elle choisira parfois la facilité. Mais jamais elle n'enfoncera un Vulnérable. Plus tard, elle s'en fera la promesse. Jamais elle n'appuiera le talon cruellement sur un Vulné.
Elle trouvera cet ami-là, beaucoup plus tard, ce qui paraît beaucoup plus tard, quand elle sera devenue Patate-ninja, et il lui avouera combien il admire son intégrité. Elle rétorquera, Patate, que ça ne se choisit pas vraiment l'intégrité. Après n'avoir pas compris de quoi il parle. Après un authentique moment d'incrédulité. Qu'elle n'a pas vraiment le choix que de ne jamais s'attaquer au plus faible, parce que c'est une histoire de se trahir soi-même ou pas. Et qu'il y a une limite à ne pas franchir, c'est de se perdre dans ce qui nous a perdu. A son tour, à lui le grand ami qu'elle n'oubliera jamais, même si loin des yeux, d'être incrédule et de faire la moue. « Je ne crois pas Patate qu'on puisse ne pas choisir l'intégrité. Je crois que c'est une exigence à laquelle tu t'astreins qui n'est pas spontanée, pas dans la plupart des cas. » Il est sombre l'ami. Mais Patate est d'accord avec lui sur le fait que la plupart du temps, l'intégrité n'est pas la préoccupation qui fait loi. Pourtant elle continue de penser qu'elle se débrouille avec ses démons, même beaucoup plus tard, ce qui paraît beaucoup plus tard, et que l'intégrité la sauve encore davantage qu'elle ne protège les autres. Elle sauve sa peau. Quand on ne cloche encore que d'un pied, on ne choisit pas l'intégrité. « Parce que tu crois que je peux faire autrement ? » lui demande-t-elle. Elle est désagréable me direz-vous. Je vous le confirmerai. Les patates-ninjas ne sont pas des anges. Il faut se les farcir mais lui, l'ami qui restera jamais, il sourit. Il aime son côté ninja. Il rit. Ca le fait rire comme rien d'autre. Lui non plus n'est pas un rieur. Il ne rit que quand c'est nécessaire. Mais la danse ninja de Patate le fait rire. Elle ne se vexe pas. Elle sait combien il est bienveillant. Son rire à lui n'est jamais moqueur. Elle n'en doute pas. Elle ne doute pas de lui. Quoi que tous peuvent dire. Elle ne doute pas de lui parce qu'elle le voit admirer son « intégrité » et que ce ne sont que ceux qui y aspirent et font tout pour la toucher qui sont absolument dignes de confiance. A cet âge-là en tout cas. Elle en a fait un de ses principes alors. Où en Carotte à ce moment-là ? Elle n'en sait strictement rien. Elle l' oubliée. Ou plutôt fourrée loin dans ses pensées interdites tout derrière les autres. Si elle y pensait, elle penserait qu'elle n'aurait pas changé, qu'elle serait toujours aussi pédante et imbue d'elle-même. Mais elle, Patate, elle pourrait aussi la regarder de haut parce qu'elle aurait trouvé de plus belles choses et gens qui l'aiment et l'admirent.
L'ami, Champignon, un beau champignon un peu vénéneux, noir comme l'ébène à l'extérieur et blanc et doux sous la corolle. Vous savez bien le dessous de ce fameux chapeau, comme on dit aux enfants mais qui convient parfaitement aux adultes. Parce qu'on voit tous ça un chapeau. Soyons honnêtes. Adultes, on joue les fiers, moi je ne parle plus de chapeau pour les champignons mais c'est quand même bien plus pratique de voir les choses comme ça. Bref, cette nécessité d'omettre l'enfant qu'on a été pour se croire plus digne. Plus évolué. C'est déjà imaginer qu'un adulte serait plus évolué qu'un enfant. Chose extrêmement discutable n'est-ce pas ? Non pas que la vérité sorte de la bouche des enfants comme disent les imbéciles qui n'osent pas dire le visible. Ceci dit, une vérité sort de la bouche des enfants. Celle des fantasmes et de l'imaginaire. C'est une vérité comme une autre à laquelle, sans savoir pourquoi, non je mens, je sais très bien pourquoi, on n'accorde qu'une faible importance. Bref, elle est souvent plus esthétique que celle des Grands Légumes en haut de forme qui se croient au-dessus de toutes ces histoires de bébé. L'ami Champignon était le plus imprévisible des personnages. Mais avec Patate le plus doux et le plus respectueux. Il n'hésitait jamais à se découvrir et à montrer son vrai visage. Il se cache à ceux qui ne méritent pas, selon lui, son attention et sa véritable identité. Ils croient tous à Champignon noir et cassant. Ca fait rire Patate qui sait combien il est tendre et rassurant. Champignon est un sacré ami. Et on en parle, là, parce qu'il a son rôle dans toute cette histoire. Il répare toutes ces purées que Patate est devenue. Il lui dit que c'est du passé, sans le formuler vraiment, tout le monde est encore jeune. Mais il lui fait comprendre que les Carotte et compagnie sont des petites salopes dont il se détournerait. Lui qui peut briller quand il l'a décidé, de sa collerette et de son pied noirs, luir et ébahir certains de ses congénères, il ne croit pas ce que Patate raconte des furies du passé et de ses aventures merdeuses. Si, il la croit bien sûr ; Il est bien trop respectueux pour ne pas croire. Mais il n'a pas envie parce qu'il déclencherait instinctivement son venin et le leur cracherait à la tête, sans autre forme de procès. Champinoir défend ses amis contre vents et marées. Et Patate découvre cet amour-là avec lui.



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