mercredi 18 décembre 2013

L'indignité humaine

On a grandi fragile, facile, pénétrable à merci.
On a sanguinolé et pleuré tout son corps de savoir qu’on était la dernière,
la faible
l’impersonnelle
l’invisible
celle dont on oublie le putain de nom.
On a décomposé l’être qui commençait
puisqu’il n’existait pas
qu’il était voué à l’humiliation.
On a tout repris à zéro
Et zéro c’était mieux, c’était moins insipide.
Pour soi, on sauvait quelque chose, l’espoir de l’âge adulte.
Pour eux, on ne valait pas un clou mais on était là.

L’indignité humaine dans laquelle on osait parader.

On nous riait au nez à la barbe droit dans les yeux
sans aucune crainte de représailles, en toute impunité,
tu n’es qu’une lâche
une coquille vide
tu dois bien y être pour quelque chose
ça ne s’invente pas
et n’accuse pas les autres, tu peux choisir
affirme-toi bon sang !
Non, elle se tait, je ne sais pas ce que ça donnera …
Propose, invente, essaye, débrouille !
Ce qu’elle est molle !
T’imagines sa vie, ça doit être d’un triste !
Parfois, je suis content d’être moi.

L’indignité humaine dont on se drapait salement. Saleté !

On a grandi à se sentir souillée, puante, infecte, fétide, contaminante.
Débrouille ou débarbouille ? On a longtemps pris l’un pour l’autre.
On a mis un point d’honneur à ne plus rien toucher, à ne surtout plus rien toucher,
ou seulement en pensée,
bien emballé,
esthéticienne envolée.
Le tiroir cérébral sauvé des mers d’égout.
On a même fini par ne plus rien approcher et là, on a connu le sidéral
sidération
le temps s’arrête
l’énorme vide quand on s’extrait aussi loin qu’on n’aurait jamais cru.
La tête devient immense, difforme, allô Elephant Man ?
Macrocéphale de foire.
Quitte à être regardée.

L’indignité humaine qui collait à sa peau de cochonne.

On nous aimait très fort par endroits et parfois.
On n’y voyait que du feu.
On n’avait pas saisi les rouages de la blague.
On nous avait sans doute pas nettement expliqué.
On en a mis un temps avant de ne plus reculer.
Lente et longue délicate réintégration hérissée de sursauts effroyables.
La tête a dégonflé, en un rien de temps.
Mais là encore, pas compris tout tout de suite.
On n’est pas terminée, on n’est pas hygiénique,
On n’a pas achevé de se sentir merdeuse.
Ca court après nos pas,
et quand ça accélère, toujours irrattrapable.
Le sale moment se passe,
et on reprend la vie tenant tête au miroir.

L’indignité humaine qui ne nous perdra pas.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire