Brouillard fendu par le seul vrombissement des moteurs sans âme et sans vergogne des carrioles modernes.
Brouillard immobile à l’air évanescent, superficielle godiche qui trompe son monde en masquant sa fermeté, sa sévérité, tranchante en arrière-scène.
Brouillard, militaire diplomate.
Brouillard piégeur sans crier gare, entourloupeur en cavale.
Brouillard fourmillant de particules invisibles en ardent travail dans ce gel vaporeux.
Brouillard termitière mystérieuse.
Brouillard qu’on voudrait emprisonner dans une éprouvette, qu’il se laisse faire et qu’on le dompte comme tous ses congénères remis aux mains de la science, empaquetés, tout bien ficelés, à la botte des hommes prétentieux.
Brouillard haineux des conquérants.
Brouillard qui s’insinue, subtil pour les uns, traître pour d’autres.
Brouillard annuleur de temps et d’espace, fédérateur des siècles, ramène les fantômes, entremêle les antipodes pragmatiques.
Brouillard qu’on voudrait dans son camp, brûlant d’inconnu, leader incontestable, il floutera l’ennemi.
Brouillard tombeur foudroyant, magicien du chaos, au pied tous les puissants ordinaires.
Brouillard déguisé en mariée virginale fulminant, résistant, révolutionnaire, contre toutes règles.
Brouillard qui ne crie pas, sans bruit, qui rebelle l’atmosphère, soulève les cœurs de la nature.
Brouillard qui apaise la Rouge, en famille, enveloppée.
Brouillard allié des indisciplinés douloureux, endormeur de souffrance, panseur d’anormaux, roi de toutes les cours des miracles.
Brouillard faux cynique, robin des bois, fou de Versailles, habile manipulateur des règles et droits.
Anna,
se dit-elle à elle-même,
n’oublie pas
que le brouillard
est maître
du regard des hommes.
Ton trouble,
poursuit-elle,
est celui
des yeux
qui te jettent
au caniveau
des égarés.
A toi,
à nous,
déroutés
traqués
d’embarbouiller
le monde,
à pas feutrés.
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