Plus elle avançait dans sa
quête, plus elle découvrait, moins elle comprenait. Mais il y a
bien mieux que comprendre. L'expérience qui résonne comme une
grosse caisse, grosse, caisse, profonde, vibrante, longtemps, à la
base du sternum et dans toute l'ossature. Les os, qui vibrent,
tremblent,
s'ébrouent,
de
sentir un jumeau,
un
pair puissant.
Tout
le squelette
qui
frissonne.
Car,
comme elle, devant ses yeux, elle assistait au dégondage de la tête
et du corps. Oui on me dira que la tête et le corps marchent sans
aucune concession du même pas, qu'ils ne vont absolument pas l'un
sans l'autre. Oui oui oui. Sauf qu'à 14 ans ou 15 ou même 16, les
choses sont bien compliquées et la tête part parfois bien plus loin
que le corps ou le corps prend les commandes sans que la tête ait
l'impression d'être qui que ce soit dans ses folies. Oui oui oui
vous le savez comme moi mais comme tous les adultes dignes de ce nom,
vous l'avez oublié. Un adulte est un oublieux de nature. Un petit
effort s'il vous plaît, juste là pour ce passage important.
Patate
voit Carotte se
décomposer,
se
fissurer.
Elle
l'a vue,
clairement,
et
la grosse caisse a
tonné
en
elle.
Elle
a vu son corps
nonchalant
toujours,
presque
mou,
et
son visage dire l'électricité
là-dessous,
dans
la petite boîte
qui
joue au chef.
Patate
souvent,
croit-on,
est
calme.
Ne
s'agite pas,
ne
s'énerve pas.
Son
corps même se
fige,
se
glace.
Elle
est pourtant
exaspérée,
voudrait
fracasser,
déchirer,
éclater
ses
congénères.
Elle
sourit bêtement.
Sa
tête ordonne de se
taire,
se
faire
petite.
Les
brasjambespoitrinemainspieds en première ligne
sont
prêts
au
combat corps à corps.
Mais
la tête jamais
ne
l'autorise.
Les
membres se recroquevillent,
les
poings se serrent
et
la jambe tremble
d'impuissance.
Alors,
Patate se sent moins seule
parce
que Carotte a le corps mort
et
l'esprit en ébullition
et
qu'elle est coincée
entre
les deux.
Elles
sont coincées entre les deux.
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