dimanche 28 mai 2017

Folie de la légumescence


Plus elle avançait dans sa quête, plus elle découvrait, moins elle comprenait. Mais il y a bien mieux que comprendre. L'expérience qui résonne comme une grosse caisse, grosse, caisse, profonde, vibrante, longtemps, à la base du sternum et dans toute l'ossature. Les os, qui vibrent,
tremblent,
s'ébrouent,
de sentir un jumeau,
un pair puissant.
Tout le squelette
qui frissonne.
Car, comme elle, devant ses yeux, elle assistait au dégondage de la tête et du corps. Oui on me dira que la tête et le corps marchent sans aucune concession du même pas, qu'ils ne vont absolument pas l'un sans l'autre. Oui oui oui. Sauf qu'à 14 ans ou 15 ou même 16, les choses sont bien compliquées et la tête part parfois bien plus loin que le corps ou le corps prend les commandes sans que la tête ait l'impression d'être qui que ce soit dans ses folies. Oui oui oui vous le savez comme moi mais comme tous les adultes dignes de ce nom, vous l'avez oublié. Un adulte est un oublieux de nature. Un petit effort s'il vous plaît, juste là pour ce passage important.
Patate voit Carotte se
décomposer, se
fissurer.
Elle l'a vue,
clairement,
et la grosse caisse a
tonné
en elle.
Elle a vu son corps
nonchalant
toujours,
presque mou,
et son visage dire l'électricité
là-dessous,
dans la petite boîte
qui joue au chef.
Patate souvent,
croit-on,
est calme.
Ne s'agite pas,
ne s'énerve pas.
Son corps même se
fige, se
glace.
Elle est pourtant
exaspérée,
voudrait fracasser,
déchirer,
éclater
ses congénères.
Elle sourit bêtement.
Sa tête ordonne de se
taire, se
faire petite.
Les brasjambespoitrinemainspieds en première ligne
sont prêts
au combat corps à corps.
Mais la tête jamais
ne l'autorise.
Les membres se recroquevillent,
les poings se serrent
et la jambe tremble
d'impuissance.
Alors, Patate se sent moins seule
parce que Carotte a le corps mort
et l'esprit en ébullition
et qu'elle est coincée
entre les deux.
Elles sont coincées entre les deux.

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