dimanche 7 mai 2017

La mise à mort (8)

Un mois
deux mois
trois mois
dix mois
de cohabitation.
Jusqu'à une petite année.
Longue,
lente,
montée presque
à
la verticale.
Elle ne dit
toujours
rien.
Elle vit la guerre
intestine,
froide.
Elle attend.
Tous les belligérants
maintiennent leur
position.
Elle finit
bien par se l'avouer :
elle souffre,
elle s'épuise,
elle s'assèche
toujours plus.
Elle ne veut pas
l'entendre
d'une autre bouche
que
de la sienne.
Les autres
n'ont pas le droit
d'en parler,
de la rabaisser
ainsi,
de l'humilier
encore.
Elle leur claque leurs
caquets
à coup de
silences étourdissants.
Sauf que ça,
ne peut pas durer 107 ans.
Sans savoir par quel
miracle,
elle stoppe le lourd
rouage
qui la tient ferme.

On est un soir,
une nuit même,
on danse,
on s'amuse.
Les vacances.
Une nouvelle vie commence pour tout le monde,
ici.
Elle est avec son amie
celle qui,
elle ne le sait pas
encore,
deviendra sa sœur.
Celle qu'elle n'a jamais eue.
La sœur qu'elle
s'est choisie.
La sœur évidente.
Elle se plante devant elle.
Elle la regarde droit dans les yeux.
Elle prend son courage
à pleines mains
et pose la fatale
question.
Suis-je malade ma sœur ?
Cette ascension à pic est-elle entrée en
folie ?
Ma sœur, dis-moi avec ta douceur et ta franchise,
ta patience et ton cœur pur,
est-ce grave tout cela ?
Est-ce grave ?
Oui, répond -t-elle.
Elle est parfaitement droite
et claire.
Leurs regards
sont plongés l'un dans l'autre.
Elles n'ont aucune
échappatoire.
Elles sont dans la plus entière
vérité.
Elle s'attendait
de loin très loin
à cette réponse.
Mais pas ici maintenant,
en plein visage.
Elle n'est pas blessée.
Elle ne souffre pas.
Elle est un peu
bouleversée.
Elle tremble
l'âme enfin
ouverte.
Elle se dit une seconde
que c'est
impossible.
Mais très vite,
quicky,
speedy,
lucidité reprend ses droits.
Un boulevard s'est ouvert
pour elle.
Elle,
tremble
de faire face.
Comme si elle avait sauté du
36ème étage.
Retombée pourtant sur ses pieds
comme chat,
ou encore en vol,
peut-être.
Ma sœur,
es-tu sûre ?
Oui, répond-t-elle,
sûre et certaine.
Elle tremble
d'émotion,
elle qui ne ressent plus rien
depuis des mois,
plus d'une entière
année.
Elle est
infiniment
soulagée.
Elle voit aussi
l'immense route
qu'il va falloir
parcourir.
Mais,
celle-là,
est sous ses pieds,
ne glisse pas,
ne se dérobe pas,
ne manque pas de se craqueler
et de l'engloutir
à chaque pas.
Une route comme les autres,
peut-être un peu plus
lente.
Elle baisse la tête quelques secondes.
Puis elle revient dans les yeux
de la sœur, Merci.
On ne se prend pas
dans les bras.
Pas encore.
Elle ne peut pas.
Mais
l'amie l'enveloppe
quand même,
autrement.
Et elle la serre
aussi fort
qu'elle voudrait pouvoir
demander
et aimer.
Elle a frôlé la mort.
Elle sait depuis
quelques
instants,
qu'elle s'en est écartée,
comme projetée en arrière,
dans un nouveau pays.
Elle a choisi la vie.
Elle l'a choisie.
Au bras de l'amie sœur.



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