Elle
regarde l'heure. Elle a le temps tout juste d'aller à la mairie mais
il faut qu'elle se dépêche. Elle compte qu'il est, là, 15h45. Il
lui faut 30 minutes de bus pour se rendre à la mairie sachant
qu'elle devra l'attendre celui-là. Tout à l'heure, elle a eu une
sacrée chance. Elle a couru pour l'attraper mais zou ! Elle est
montée dedans comme une flèche alors que les portes commençaient à
se refermer. Elle n'a pas hésité une seconde.
Pas
hésité une seconde. Dites, vous rendez-vous compte, vous qui
commencez à connaître Pata-Pitay. Je vous l'accorde, on ne sait
plus trop comment l'appeler. Mais c'est ainsi, Principe d'adaptation
et de mutation. Légumescence en puissance. Notre gaminette, ne
disons plus Patate, par respect pour ses choix et sa bataille. Oui,
vous auriez envie de continuer comme ça jusqu'à ce qu'elle soit
fixée ? Vous retenez un « merde ! » un peu
exaspéré à la fin ? Vous êtes comme nous tous l'adulte de
base. Mais suivons-la, avec doutes et déséquilibre et tentons
d'entrer dans le tourbillon de la métamorphose. Ca tourbillonne
davantage pour nous que pour elle, je crois bien. Elle a fini de
tourbillonner. Elle avance assez droit, sans rigidité. Il y a bien
quelque chose que Pata-Pitay n'est pas : stricte et rigide. Elle
le paye assez cher depuis toujours pour ne pas savoir aujourd'hui en
tirer parti. En grandissant, défaut se fait qualité, si et
seulement si (même si vous n'aimez pas les Math oui oui Messieurs
Dames !) vous êtes prêts à modeler l'être et que, donc, en amont,
vous êtes convaincus, vous avez la foi, croyance et tout le bazar
dont on a déjà parlé il y a longtemps, bien pratique ma foi,
justement !, et sans lequel on ne vivrait pas, QUE l'être est
une pâte à mouler et remouler, à remettre chaque jour sur le
métier, aussi inconfortable que cela soit. Mais pour cela, il faut
avoir eu des débuts d'existence proprement inconfortables et pouvoir
s'y habituer et trouver son bonheur non dans le confort mais dans la
découverte et les horizons nouveaux qui peuvent, si on s'en donne la
peine, s'ouvrir à nous, au moins un par jour. Bref, partis sur un
chemin imprévu, c'était que notre amie Pata-Pitay n'ait pas hésité
une seconde qui justifiait une digression. Mais entre nous, avant de
nous y mettre, quel charme n'a pas la digression de digression, la
digression en chaîne et le narrateur qui revient à son point de
départ sans avoir oublié pour un sou ce qui l'animait d'emblée. Le
lecteur est un chanceux lorsqu'il sait apprécier les ramifications
incompréhensibles et surtout infinies du récit dans lequel il est
plongé. Il a le droit de nage libre en eaux troubles sans avoir
aucune contrainte d'explicitation rationnelle. Nous reviendrons
ensemble, s'il y a le temps, avec Pata-Pitay sur le charme inouïe
des digressions. Rappelez-le au cas où cela échapperait à ma
vigilance. Le narrateur omniscient est fini. Quel prétentieux
celui-là ! Re-bref ! L'hésitation, cette horrible moment
de balancement, d'insécurité absolue. Pas la gentille balançoire
qui te berce et te rendrait pour un peu doux comme un agneau. Le
balancement au-dessus du précipice et sans filet, sans parade,
surtout sans personne. Dans le doute, Pata-Pitay le sait mieux que
personne, on est parfaitement seul et c'en est le principe même. On
est un imbécile au milieu du fil, sans aucune connaissance
funambulique, et d'un côté ou de l'autre, non il n'y a personne.
Pas parce que les gens sont des méchants pas beaux. Parce que le
doute est une activité solitaire. On n'y peut rien. On a beau crié
à l'aide dans la forêt amazonienne qui nous entoure, si quelqu'un
vient à la rescousse, il est là oui, mais on est toujours
incroyablement seul. C'est presque une magie comme le doute isole. On
est face à l'autre, on lui parle, il écoute et conseille et l'on ne
sent rien d'autre que sa solitude sur ce fil au-dessus du précipice
amazonien. Mais aujourd'hui, Pitay (lançons-nous) ne doute pas.
Elle se sent toute-puissante. Elle est montée dans un bus en
partance sans la moindre hésitation. Chacun ses combats.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire