dimanche 6 août 2017

Pata-Pita tangue et fugue

Pata-Pita se sent très mal. Comme toujours dans ces situations-là. Elle est la plus seule du monde. Elle ne peut rien faire pour s'aider. Patate serait montée dans sa chambre et aurait fait profil bas. Elle est prête à réitérer. Elle est au pied du mur. Elle ne se rappelle pas qu'elle s'est ouvert d'autres issues depuis quelque temps. Les vieux réflexes remontent à la surface et s'imposent. Ils sont sûrs d'eux, ils te convainquent qu'ils sont les meilleurs et que rien ne peut les remplacer, que tenter le diable est vain et que s'élancer dans l'inconnu n'est qu'une vaste blague faite pour berner les rêveurs et les inconscients mais qu'en réalité cela ne fera pas avancer ni mieux comprendre ou mieux aimer les gens et les choses. Ils t'illusionnent en flattant tes angoisses, ils les ont dans leur poche, ils les ensorcellent en un tournemain et les manipulent comme des boules magiques. Les vieux réflexes, soldats des vieux démons, s'arment des pires peurs et paralysent leur proie. Pas de problème. Ils sont certains d'y parvenir, ils détiennent l'arme fatale. Même un jour comme ce 23, plein de courage, de nouveautés, d'aventures, même un jour comme celui-là, ils ont la force. Alors oui, Pitay retourne à Pata-Pita, recule de plusieurs pas. On n'aurait pas cru. Mais l'inertie prend le pas une seconde, deux secondes, cinq, dix, quinze, trente, quarante, une minute. On reste suspendue devant son immobilité désespérée. Eh bien oui bien sûr que c'est du désespoir qu'il y a là ! On ne peut pas parler de moins que cela. Non, on n'en fait pas trop. Elle, elle n'admettrait jamais qu'il s'agit de désespoir. Ca, cette noirceur-là, on pense qu'il vaut mieux ne pas la regarder, encore moins la dire, ce sont aussi les vieux réflexes et derrière les fils et les manettes, les vieux démons. On joue l'assurance, on joue la tranquillité. Ils font croire que c'est ça qu'on joue. Elle est comme les autres, peut-être plus encore, elle y croit. Mais aujourd'hui, son cœur commence à balancer. Commence à tanguer sans qu'elle sache quelle est l'option d'en face. Elle ignore vers quoi elle tangue. Ce n'est pas plus effrayant qu'un tangage en bonne et due forme avec qui l'on sait des deux côtés. C'est toujours un drame un vrai tangage. Elle qui n'a pas hésité de la journée. Elle est dans le plus profond. Parce que la douleur brouille les pistes. Pas seulement le désespoir et l'angoisse. La douleur stridente. Elle l'entendra encore, atténuée par la couette et son douillet. Mais même elle ne sera plus si douce, ne pourra plus être si douce. Elle ne supporterait pas ce soir, cela. Pas aujourd'hui. Elle monte dans sa chambre, prend son sac à dos et fourre quelques affaires auxquelles elle tient très fort et qui l'envelopperont tout comme il faut, où qu'elle soit.
Elle redescend en bombe, pour que personne n'ait le temps de réagir, personne, ni sa mère, ni le gros vieux chien, ni les vieux démons et sort en claquant la porte. Elle court dans la rue comme si elle était poursuivie. Elle se sent poursuivie, elle se sent en proie à. Elle-même déjà. Elle voudrait se fuir. Elle court longtemps, à moitié en rond, dans des rues qu'elle connaît et qu'elle a traversées des centaines de fois, des rues qui ne pourront pas la prendre en traître. Au bout d'une éternité flash, elle s'arrête et s'appuie sur ses genoux pour reprendre son souffle. Elle finit par s'asseoir sur un muret. Elle ne sait pas ce qu'elle va faire de cette folie. Elle sourit alors, précisément comme une folle. Heureusement que la solitude chaleureuse des rues de l'enfance l'entourent. Elle aurait sinon été vite embarquée par la Police. Direction l'hôpital. On n'a qu'à la regarder un tout petit peu pour comprendre que la geôle n'est pas pour elle. Pour qui est-elle me direz-vous ? Pour ceux qui. Chacun son avis et sa définition. Voilà une affaire compliquée. Ce sourire c'est sa solution. Elle va aller visiter une autre connaissance. Carotte, elle en a sa claque. Elle a compris le principe de la famille gangrenée jusqu'à la moelle. Elle va aller voir ailleurs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire