Pata-Pita
se sent très mal. Comme toujours dans ces situations-là. Elle est
la plus seule du monde. Elle ne peut rien faire pour s'aider. Patate
serait montée dans sa chambre et aurait fait profil bas. Elle est
prête à réitérer. Elle est au pied du mur. Elle ne se rappelle
pas qu'elle s'est ouvert d'autres issues depuis quelque temps. Les
vieux réflexes remontent à la surface et s'imposent. Ils sont sûrs
d'eux, ils te convainquent qu'ils sont les meilleurs et que rien ne
peut les remplacer, que tenter le diable est vain et que s'élancer
dans l'inconnu n'est qu'une vaste blague faite pour berner les
rêveurs et les inconscients mais qu'en réalité cela ne fera pas
avancer ni mieux comprendre ou mieux aimer les gens et les choses.
Ils t'illusionnent en flattant tes angoisses, ils les ont dans leur
poche, ils les ensorcellent en un tournemain et les manipulent comme
des boules magiques. Les vieux réflexes, soldats des vieux démons,
s'arment des pires peurs et paralysent leur proie. Pas de problème.
Ils sont certains d'y parvenir, ils détiennent l'arme fatale. Même
un jour comme ce 23, plein de courage, de nouveautés, d'aventures,
même un jour comme celui-là, ils ont la force. Alors oui, Pitay
retourne à Pata-Pita, recule de plusieurs pas. On n'aurait pas cru.
Mais l'inertie prend le pas une seconde, deux secondes, cinq, dix,
quinze, trente, quarante, une minute. On reste suspendue devant son
immobilité désespérée. Eh bien oui bien sûr que c'est du
désespoir qu'il y a là ! On ne peut pas parler de moins que
cela. Non, on n'en fait pas trop. Elle, elle n'admettrait jamais
qu'il s'agit de désespoir. Ca, cette noirceur-là, on pense qu'il
vaut mieux ne pas la regarder, encore moins la dire, ce sont aussi
les vieux réflexes et derrière les fils et les manettes, les vieux
démons. On joue l'assurance, on joue la tranquillité. Ils font
croire que c'est ça qu'on joue. Elle est comme les autres, peut-être
plus encore, elle y croit. Mais aujourd'hui, son cœur commence à
balancer. Commence à tanguer sans qu'elle sache quelle est l'option
d'en face. Elle ignore vers quoi elle tangue. Ce n'est pas plus
effrayant qu'un tangage en bonne et due forme avec qui l'on sait des
deux côtés. C'est toujours un drame un vrai tangage. Elle qui n'a
pas hésité de la journée. Elle est dans le plus profond. Parce que
la douleur brouille les pistes. Pas seulement le désespoir et
l'angoisse. La douleur stridente. Elle l'entendra encore, atténuée
par la couette et son douillet. Mais même elle ne sera plus si
douce, ne pourra plus être si douce. Elle ne supporterait pas ce
soir, cela. Pas aujourd'hui. Elle monte dans sa chambre, prend son
sac à dos et fourre quelques affaires auxquelles elle tient très
fort et qui l'envelopperont tout comme il faut, où qu'elle soit.
Elle
redescend en bombe, pour que personne n'ait le temps de réagir,
personne, ni sa mère, ni le gros vieux chien, ni les vieux démons
et sort en claquant la porte. Elle court dans la rue comme si elle
était poursuivie. Elle se sent poursuivie, elle se sent en proie à.
Elle-même déjà. Elle voudrait se fuir. Elle court longtemps, à
moitié en rond, dans des rues qu'elle connaît et qu'elle a
traversées des centaines de fois, des rues qui ne pourront pas la
prendre en traître. Au bout d'une éternité flash, elle s'arrête
et s'appuie sur ses genoux pour reprendre son souffle. Elle finit par
s'asseoir sur un muret. Elle ne sait pas ce qu'elle va faire de cette
folie. Elle sourit alors, précisément comme une folle. Heureusement
que la solitude chaleureuse des rues de l'enfance l'entourent. Elle
aurait sinon été vite embarquée par la Police. Direction
l'hôpital. On n'a qu'à la regarder un tout petit peu pour
comprendre que la geôle n'est pas pour elle. Pour qui est-elle me
direz-vous ? Pour ceux qui. Chacun son avis et sa définition.
Voilà une affaire compliquée. Ce sourire c'est sa solution. Elle va
aller visiter une autre connaissance. Carotte, elle en a sa claque.
Elle a compris le principe de la famille gangrenée jusqu'à la
moelle. Elle va aller voir ailleurs.
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