Pleurer
des rivières mais sourire à travers les larmes
Alain
Jaspard, avec humour et finesse, raconte des personnages attachants
et gais, atteints de certains désespoirs aussi. Une histoire de la
vraie vie en somme. Lecture intelligente et rafraîchissante.
Pleurer
des rivières : comme ce
titre est dramatique ! me direz-vous. Oui certes, le titre
l'est. Enfin si l'on y regarde de plus près, l'image est farfelue
quand même. Au secours ça déborde ! Mais l'on ne s'en rend
sans doute compte qu'après lecture. S'agit-il de faire croire au
lecteur à un mélodrame et de le surprendre dans sa mélancolie
préfabriquée ? Stratagème d'écrivain ? Si c'est le cas,
réussi.
Bien sûr que Séverine pleure
des rivières. Bien sûr qu'elle souffre de ne pas être mère.
Puisque c'est bien là le drame, son impuissance à enfanter. Julien
ne pleure pas même s'il a le cœur serré. Elle pleure pour deux.
Ben oui ! Séverine et ses rivières, ça suffit pour eux deux.
Les autres, Franck, Sammy, Mériem, le brigadier sont des gens du
banal, qui pleurent sans doute mais on ne les y voit pas, et surtout,
ils nous font sourire et parfois rire.
Le drame de Séverine et
autour, des morceaux de vie, des bouts d'univers qui se rejoignent.
Des univers qui ne sont en aucun cas voués à se rencontrer mais
Séverine et ses rivières les nouent, sans même vraiment le
vouloir. Tout est possible pour un bébé. La bourgeoisie aisée, les
gens du voyage, le fonctionnaire de Police, le Professeur de médecine
se retrouvent dans un melting-pot, reflet de la pluralité de notre
société. On ne les connaît pas très bien au final, tous. On les
rencontre plutôt. Comme ils se rencontrent et s'aiment pour
certains.
Et
au final surgissent les folies auxquelles on est prêt quand
un désespoir pointe son nez. Et milieu social ou autre catégorie
carcan n'ont alors plus rien à voir là-dedans.
Ce
roman est d'emblée amoureux, grave et farfelu. C'est une sorte de
drame bouffon pourrait-on dire. Même si la douleur et les duretés
de la vie se racontent, le ton reste primesautier. Pas naïf. Juste
l'idée que l'on doit avancer, malgré tout, chacun dans ses
problèmes et avec ses solutions.
Une
bienveillance bienvenue traverse ce récit. Le narrateur, les
personnages. Rien n'est parfait hein ! Ne nous emballons pas.
Mais ce défaut de cruauté et de violence qui parfois apaise l'âme.
Sans doute également une forme de regard amusé et tendre sur les
choses et les gens.
La
lecture est légère et fluide. Rien de prétentieux et même une
bonne dose de désinvolture et de dérision. Les résonances avec
notre propre réalité nous amusent et ne peuvent certainement pas
nous échapper.
Alain
Jaspard tente avec succès un style personnel, qui nous rapproche de
la vraie vie. Pas d'aventures stylistiques révolutionnaires. Mais
des jeux avec les mots, une langue qu'on prend à pleines mains et
qui est tout aussi digne d'être populaire.
Alain
Jaspard, Pleurer des rivières – Editions Héloïse
d'Ormesson – 9782350874746 -
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