mardi 4 septembre 2018

Alain Jaspard, Pleurer des rivières - Editions Héloïse d'Ormesson

Pleurer des rivières mais sourire à travers les larmes

Alain Jaspard, avec humour et finesse, raconte des personnages attachants et gais, atteints de certains désespoirs aussi. Une histoire de la vraie vie en somme. Lecture intelligente et rafraîchissante. 
 
        Pleurer des rivières : comme ce titre est dramatique ! me direz-vous. Oui certes, le titre l'est. Enfin si l'on y regarde de plus près, l'image est farfelue quand même. Au secours ça déborde ! Mais l'on ne s'en rend sans doute compte qu'après lecture. S'agit-il de faire croire au lecteur à un mélodrame et de le surprendre dans sa mélancolie préfabriquée ? Stratagème d'écrivain ? Si c'est le cas, réussi.
Bien sûr que Séverine pleure des rivières. Bien sûr qu'elle souffre de ne pas être mère. Puisque c'est bien là le drame, son impuissance à enfanter. Julien ne pleure pas même s'il a le cœur serré. Elle pleure pour deux. Ben oui ! Séverine et ses rivières, ça suffit pour eux deux. Les autres, Franck, Sammy, Mériem, le brigadier sont des gens du banal, qui pleurent sans doute mais on ne les y voit pas, et surtout, ils nous font sourire et parfois rire.
        Le drame de Séverine et autour, des morceaux de vie, des bouts d'univers qui se rejoignent. Des univers qui ne sont en aucun cas voués à se rencontrer mais Séverine et ses rivières les nouent, sans même vraiment le vouloir. Tout est possible pour un bébé. La bourgeoisie aisée, les gens du voyage, le fonctionnaire de Police, le Professeur de médecine se retrouvent dans un melting-pot, reflet de la pluralité de notre société. On ne les connaît pas très bien au final, tous. On les rencontre plutôt. Comme ils se rencontrent et s'aiment pour certains.
Et au final surgissent les folies auxquelles on est prêt quand un désespoir pointe son nez. Et milieu social ou autre catégorie carcan n'ont alors plus rien à voir là-dedans.

      Ce roman est d'emblée amoureux, grave et farfelu. C'est une sorte de drame bouffon pourrait-on dire. Même si la douleur et les duretés de la vie se racontent, le ton reste primesautier. Pas naïf. Juste l'idée que l'on doit avancer, malgré tout, chacun dans ses problèmes et avec ses solutions.
Une bienveillance bienvenue traverse ce récit. Le narrateur, les personnages. Rien n'est parfait hein ! Ne nous emballons pas. Mais ce défaut de cruauté et de violence qui parfois apaise l'âme. Sans doute également une forme de regard amusé et tendre sur les choses et les gens.
        La lecture est légère et fluide. Rien de prétentieux et même une bonne dose de désinvolture et de dérision. Les résonances avec notre propre réalité nous amusent et ne peuvent certainement pas nous échapper.

     Alain Jaspard tente avec succès un style personnel, qui nous rapproche de la vraie vie. Pas d'aventures stylistiques révolutionnaires. Mais des jeux avec les mots, une langue qu'on prend à pleines mains et qui est tout aussi digne d'être populaire.


Alain Jaspard, Pleurer des rivières – Editions Héloïse d'Ormesson – 9782350874746 -



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