vendredi 14 septembre 2018

Gwenaële Robert, Le dernier bain – Editions Robert Laffont

La Terreur, le tyran, la meurtrière et les autres

Un roman historique ? Surtout un roman intelligent et subtil que ce Dernier bain. Presque pictural. S'emparant du passé et de ses énigmes, racontées sans prétention à les expliquer. L'humain est un immense paradoxe et son Histoire un tableau qui en cachent d'autres.

C'est un Paris pétri de vengeances, d'angoisses et de morts que Le dernier bain renferme en ses pages. La couverture du livre nous avertit sans cachotterie du sujet de ce roman : la mort de Marat. Donc, pas de réel suspens à vivre ni de rebondissements surprenants à attendre. L'Histoire est la toile de fond de ce texte. Solide support à un roman aussi elliptique qu'élégant.
Gwenaële Robert s'attelle à dépeindre une époque relativement méconnue de la plupart d'entre nous. Une époque passée sous silence dans la plupart des programmes scolaires. La Terreur ? On en connaît les très grandes lignes, vaguement. Pas bien joli. En effet. Et ce roman nous plonge dans ces années qui portent ce nom effrayant. Étonnant d'ailleurs que ce nom de Terreur, intrigant ne suscite pas davantage de curiosité. Serait-ce qu'il ne faut pas penser la sacro-sainte Révolution Française autrement que comme une libération ? Quoi qu'il en soit, l'auteure sait faire revivre ce temps qui ressemble bien à une guerre de longue haleine. Une guerre jusqu'aux cœurs des foyers et de leur intimité.
Jane, Théodose, Marie Anne Charlotte, Marat, Marthe, David le peintre nous emmènent à travers leurs yeux dans les coulisses de leur Terreur, chacun la leur. Pourtant, toujours ils portent des paradoxes indémêlables. La douce Jane, timide étrangère, bout de rancœur. Le jeune Théodose apostat se morfond de culpabilité et sert finalement tout de même le nouveau pouvoir en place. Marie Anne Charlotte Corday est une jeune femme provinciale apparemment inoffensive, à la beauté naïve mais aussi meurtrière en puissance. Marat l'homme qui mène à l'échafaud des milliers de compatriotes mais malade bientôt mort, à l'écoute du malheur d'autrui. On n'y comprend pas grand-chose, on ne sait plus qui est qui et comment faire la part des choses.
Un nouveau style de femmes prend sa place dans la société qui est décrite dans Le dernier bain. Des femmes féministes, moins impuissantes, qui veulent elles aussi se libérer grâce au chambardement politique et social. Celles qui habitent ce roman n'en sont peut-être pas tout à fait conscientes. Mais elles y sont inscrites par l'époque et les hommes qui témoignent : la féminité devient dangereuse car capable.

C'est à travers le dédale des musées que la narratrice en arrive à raconter la mort de Marat et ses autours. L'art et la conservation des œuvres et objets historiques font renaître l'Histoire et naître l'histoire. Ils sont dépositaires d'une mémoire. Non la mémoire, puisque celle-ci est subjective : David le peintre et sa foi inébranlable dans le nouveau régime donne à voir un morceau d'Histoire mais tous les autres n'ont pas créé leur œuvre pour compléter le kaléidoscope des mémoires.
Ce roman avance par touches. Gwenaële Robert ouvre des fenêtres une à une, de plus en plus grand et puis la voisine. Mais elle ne révèle pas le secret en entier. C'est comme un calendrier de l'Avent dont on décachetterait quelques cases, quelques jours, et, sans terminer l'ouvrage, qu'on découvrait la dernière, la case de Noël, l’acmé sans avoir respecté tout le long chemin pour en arriver là.
L'on connaît le tableau initial : il est visible de tous. Marat est mort tué dans sa baignoire par Charlotte Corday. Mais l'auteure nous donne à voir le tableau caché derrière. Le dessous de l'image simple et nette.
Sans doute après cette lecture, le lecteur aura le désir d'aller ouvrir toutes les autres fenêtres. Mais voilà un autre travail qui lui appartient. Le roman aura en tout cas fait son œuvre.


Gwenaële Robert, Le dernier bain – Editions Robert Laffont – 9782221218716 -

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