La
Terreur, le tyran, la meurtrière et les autres
Un
roman historique ? Surtout un roman intelligent et subtil que ce
Dernier bain. Presque pictural. S'emparant du
passé et de ses énigmes, racontées sans prétention à les
expliquer. L'humain est un immense paradoxe et son Histoire un
tableau qui en cachent d'autres.
C'est
un Paris pétri de vengeances, d'angoisses et de morts que Le
dernier bain renferme en ses pages. La couverture du livre nous
avertit sans cachotterie du sujet de ce roman : la mort de
Marat. Donc, pas de réel suspens à vivre ni de rebondissements
surprenants à attendre. L'Histoire est la toile de fond de ce texte.
Solide support à un roman aussi elliptique qu'élégant.
Gwenaële
Robert s'attelle à dépeindre une époque relativement méconnue de
la plupart d'entre nous. Une époque passée sous silence dans la
plupart des programmes scolaires. La Terreur ? On en connaît
les très grandes lignes, vaguement. Pas bien joli. En effet. Et ce
roman nous plonge dans ces années qui portent ce nom effrayant.
Étonnant d'ailleurs que ce nom de Terreur, intrigant ne suscite pas
davantage de curiosité. Serait-ce qu'il ne faut pas penser la
sacro-sainte Révolution Française autrement que comme une
libération ? Quoi qu'il en soit, l'auteure sait faire revivre
ce temps qui ressemble bien à une guerre de longue haleine. Une
guerre jusqu'aux cœurs des foyers et de leur intimité.
Jane,
Théodose, Marie Anne Charlotte, Marat, Marthe, David le peintre nous
emmènent à travers leurs yeux dans les coulisses de leur Terreur,
chacun la leur. Pourtant, toujours ils portent des paradoxes
indémêlables. La douce Jane, timide étrangère, bout de rancœur.
Le jeune Théodose apostat se morfond de culpabilité et sert
finalement tout de même le nouveau pouvoir en place. Marie Anne
Charlotte Corday est une jeune femme provinciale apparemment
inoffensive, à la beauté naïve mais aussi meurtrière en
puissance. Marat l'homme qui mène à l'échafaud des milliers de
compatriotes mais malade bientôt mort, à l'écoute du malheur
d'autrui. On n'y comprend pas grand-chose, on ne sait plus qui est
qui et comment faire la part des choses.
Un
nouveau style de femmes prend sa place dans la société qui est
décrite dans Le dernier bain. Des femmes féministes, moins
impuissantes, qui veulent elles aussi se libérer grâce au
chambardement politique et social. Celles qui habitent ce roman n'en
sont peut-être pas tout à fait conscientes. Mais elles y sont
inscrites par l'époque et les hommes qui témoignent : la
féminité devient dangereuse car capable.
C'est
à travers le dédale des musées que la narratrice en arrive à
raconter la mort de Marat et ses autours. L'art et la conservation
des œuvres et objets historiques font renaître l'Histoire et naître
l'histoire. Ils sont dépositaires d'une mémoire. Non la mémoire,
puisque celle-ci est subjective : David le peintre et sa foi
inébranlable dans le nouveau régime donne à voir un morceau
d'Histoire mais tous les autres n'ont pas créé leur œuvre pour
compléter le kaléidoscope des mémoires.
Ce
roman avance par touches. Gwenaële Robert ouvre des fenêtres une à
une, de plus en plus grand et puis la voisine. Mais elle ne révèle
pas le secret en entier. C'est comme un calendrier de l'Avent dont on
décachetterait quelques cases, quelques jours, et, sans terminer
l'ouvrage, qu'on découvrait la dernière, la case de Noël, l’acmé
sans avoir respecté tout le long chemin pour en arriver là.
L'on
connaît le tableau initial : il est visible de tous. Marat est
mort tué dans sa baignoire par Charlotte Corday. Mais l'auteure nous
donne à voir le tableau caché derrière. Le dessous de l'image
simple et nette.
Sans
doute après cette lecture, le lecteur aura le désir d'aller ouvrir
toutes les autres fenêtres. Mais voilà un autre travail qui lui
appartient. Le roman aura en tout cas fait son œuvre.
Gwenaële
Robert, Le dernier bain – Editions Robert Laffont –
9782221218716 -
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire