mardi 24 février 2015

Accidents (4)

Deux et deux font quatre.
Personne ne dira le contraire,
même si ça fait mal au derrière.

Deux grands et deux petits
font toujours quatre,
surtout dans un Scénic
rempli à ras-bord
pour la mer.
Les deux grands passent
devant,
c’est la loi de la jungle.
Personne en queue pour
refermer
le convoi
mais cela changera-t-il
le cours
de cette douce
histoire ?
Point du tout
mon colonel !
Tout est presque
déjà écrit.
Et pourquoi donc ?
Croyez-vous que la vie
se décide comme un livre ?
Point du tout mon colonel !
C’est que vous allez
voir…
Annie et Francis restent silencieux.
Depuis 48
minutes,
ils roulent vers les vacances.
Il fait nuit
puisqu’ils ont décidé
de partir
à 22h17.
Correction intempestive :
ils avaient décidé 22h,
plus et moins 5
mais Francis est un
compliqué.
Il était prêt et
reprêt.
Il a dû vérifier les
serrures
une à une,
toutes
de la cave au grenier,
une 11ème fois.
Alors, bien entendu,
Annie a tricoté les
nerfs
pendant ce temps.
Elle a su qu’en même temps,
il passerait par
tous les robinets.
Elle était déjà assise
à la place du mort,
avec les deux petits
derrière.

Il est enfin
revenu.
Essoufflé comme un bœuf
puisqu’en plus,
il a couru
dans tous les
petits coins.
Annie le laisse s’asseoir à sa
place de chauffeur.
Il est penaud
même s’il essaye de garder
la tête haute
et froide.
Il dégouline,
en vrai.
Les enfants crient
de joie
quand le moteur
démarre.
Annie est de marbre.

Et passent les 48
minutes.

Ils sont sur l’autoroute.
Annie regarde
le paysage
filer
à toute vitesse.
Ca lui fait avaler
plus vite
la pilule.
Son mari est un boulet.
Elle ne dit rien.
Il jette un œil toutes les 2 minutes
et 35 secondes
vers elle.
Au bout des 48 minutes,
elle s’exaspère,
même si elle est moins en colère,
au fond.
- Veux tu dire quelque chose
Francis ?
-Tu es encore ronchon
mon p’tit chou ?
- A ton avis
Francis ?
- C’est le retard,
p’tit chou ?
C’est ton retard,
gros lard !
Non, elle ne le dit pas.
- A ton avis,
Francis ?
- Je suis désolé,
p’tit chou.
- Je sais,
Francis.
-Arrête de m’appeler Francis !
- Et pourquoi cela,
Francis ?
- Tu prends tes grands airs
d’offusquée.
48 minutes que tu boudes,
comme cochon.
- Va te faire soigner,
Francis. Tu as des TOC.

Francis rougit.
Les enfants dorment.
Francis a pris la mouche.
Il devient furibond.
Il est pris de sursauts.
Il vérifie le siège,
il vérifie la porte,
il vérifie le ventilo,
il vérifie les phares,
il vérifie pédales vitesse, cadrans, tous, frein à main, derrière le siège,
il est de dos,
il lâche le volant.
il tremble.
il contrôle.
Rien de tout cela
n’est sûr.
Annie a haussé le ton
depuis quelques minutes déjà.
Elle s’est même excusée.
Mais il ne s’arrête pas.
Tout ça,
c’est à cause d’elle.
Il n’aurait pas à vérifier
sans ses méchancetés.
Il vérifie,
pour finir,
que
les deux petits
respirent bien.
Annie hurle qu’elle ne
peut plus
rien faire.
Il a encore plus
envie de
l’étrangler.
Mais c’est lui
qui s’étrangle
et rote le dernier sang.
Dernier coup d’œil
et vérifie.
Tout le monde
est calme.
Il peut mourir en paix.

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