Les rouages se sont tous mis en branle. La vie commence ici.
Ce que je laisse derrière moi est une immonde gestation. Et elle est révolue. Dans mon éternité.
Aujourd’hui, 23 Août, je plante la première graine, la flamboyante, d’une véritable vie. Je relève la tête, celle qui s’est toujours courbée ; ou rentrée. (Tout est question de rotation).
J’ai cessé de rouler sur moi-même. J’ai déplié le désir.
J’ai assassiné dents serrées toute bonhomie et appétit. Suis devenue une plante.
Fermement dans le sol.
Et les racines ont découvert la carte.
La carte de mon territoire. Le réseau inespéré des droits et libertés. La clandestine. L ’arbre à l’envers, l’arbre en terre de toutes mes hypothèses. Mon arbre en négatif.
Moi la fille changée en plante.
Mes immenses horizons cachés dans l’arbre de terre. Je me suis tenue encore plus droite, toujours plus claire. J’ai alors chéri mon trésor. Mais ne m’en suis pas satisfaite. J’ai décidé de me hisser jusqu’au haut des racines au ciel.
L’immense résolution.
Et à partir de là, tout m’a fait rire, tout m’a écœuré aussi. Presque tout. Tout est devenu inutile. Une plante ne va qu’à l’essentiel. Le tri de l’essentiel et l’annihilation du superflu.
L’immense résolution.
Tous les déchets finis. Tous les dilemmes abolis.
Je suis devenue pure. Gonflée de chlorophylle irréprochable. Impeccable. Inaccusable. Un modèle. Desexué.
Et j’ai tout arrêté.
J’ai tout effacé.
J’ai tout accouché dans mon nouvel être.
J’ai renié ma famille.
J’ai renié ceux qui m’avaient mal approchée.
Je n’ai plus eu peur de mourir.
J’ai brandi le drapeau noir.
J’ai désapé l’histoire et tout repris à blanc.
Je leur ai mis sous le nez, dans leurs gamelles de tous les jours, matin midi et soir, ma haine et ma douleur. Je leur ai donné à mangé mon vomi et la mort sur le bord du couteau. Et ils ont dû manger, mâcher et sans broncher cette infamie que je leur imposais. Je ne disais pas un mot. Ils auraient pu répondre. Je leur rendais la monnaie de leur pièce. Je n’ai plus épargné personne. J’ai voulu écraser. Et remuer toutes les plaies pour faire gicler la mienne. J ’ai joui de leur recul. J’ai joui de leur surprise. J’ai joui de leur bêtise. J’avais donc bien raison.
La vraie, la belle résolution.
Je suis partie en guerre, moi la piètre sereine. La pauvre pacifiste désespérée qui, n’en pouvant plus, se tourne vers la lutte armée. Voilà la théorie des rationnels. Je suis partie en guerre pour ne mourir en embryon. Je suis partie tuer mes démons enragés. Les fous furieux alcooliques toxicos, qui ont pompé mon sang et sucé toutes mes veines pendant ces lentes années.
La gestation de quinze années pour être quelque part.
Moins je prenais de place et plus je les hantais. Plus je devenais plante, plus je poussais en eux. Mes racines s’insinuaient dans toutes leurs inquiétudes. Je les ai torturés, Ils se sont écartés. Ils ont pris leur distance. Ou alors, attirés comme des lourdes mouches à merde.
J’ai souri en cachette.
J’ai souri dans mon âme.
J’ai aimé leur froideur. Je les ai éloignés encore et encore plus, loin et plus loin encore. Mes racines ou mes tiges les atteignaient toujours.
Sans s’en apercevoir.
Même au fin fond du monde.
J’étais devenue le monde ; la plante-monde sans limites.
L’ultime résolution.
Une énorme plante à tentacules, par en-dessous et dessus.
Qui enveloppe le monde.
Qui serre aussi fort que les mains qui étouffent.
Et le monde bleuit.
Vers de plus en plus sombre.
Et il finit par rabougrir.
Il ne sert plus à rien.
Je n’ai plus rien à étouffer.
Sinon mes propres membres.
Je me suis prise dans mes filets morbides.
J’ai fait des nœuds moi-même. Malgré l’impitoyable perfection.
Et la colère s’est apaisée.
Pour un moment.
Elle n’a plus jamais été aussi rouge.
Et j’ai dû reconstruire un monde.
La vie est un boomerang qui jamais ne se pose,
qui vole de main en main
frappe et décolle.
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